Chapitre III – Renseignements Généraux

     Le chapitre suivant ne fera que vous apporter certains éclaircissements sur des sujets dont il fut question ou que vous devinez ou connaissez déjà. Ce n'est pas la « matière » qui est nouvelle, mais la façon de concevoir les problèmes ou d'envisager d'autres solutions. Si seulement » mes « découvertes peuvent vous être utiles, ou ce qui serait encore mieux, peuvent vous inciter à devenir explorateur ou « recherchiste », alors j'aurai atteint mon but.

     Dites-vous bien une chose : mes connaissances ne sont valables que dans la mesure où elles vous feront prendre conscience de ce que vous connaissez ou de ce qu'il vous reste à connaître.

49 — Truites : relation poids et longueur

     Voici un tableau comparatif susceptible d'aider nos amis pêcheurs : celui de la relation entre la longueur ou taille d'un poisson et son poids.

     J'ai choisi la truite comme exemple, non seulement parce que c'est le poisson « vedette » de notre pays, mais aussi parce que c'est un poisson type qui n'atteint pas (sauf dans le cas de la grise) des mensurations et des poids extraordinaires.

     Je rappelle brièvement que la taille et le poids d'un poisson n'ont rien à voir avec son âge ou sa maturité sexuelle. Il y a des truites adultes de 5 pouces qui ne dépasseront jamais cette taille — on les appelle « truites de ruisseau ». En fait, c'est exactement la même mouchetée que sa consoeur qui vit « en bas », dans le lac et qui elle mesure au même âge, disons 17 pouces et pèse 2 livres et 2 onces ! La taille et le poids qu'une truite peut avoir dépendent du milieu dans lequel ce poisson vit. Espace, abondance de la nourriture, absence de déprédateurs, voilà autant de facteurs qui permettront à la truite d'atteindre une taille « gigantesque » et un poids record. Il n'y a rien de très mystérieux dans ce processus — espace, abondance de nourriture, santé, etc ... Voyez les peuples de la terre et les différentes races humaines. L'homo americanus (nous autres, quoi) a bien plus de chance d'atteindre 6 pieds que l'indo-chinois par exemple. Cela ne veut pas dire qu'on ne rencontre jamais un soldat vietcong de 6 pieds pesant 180 livres ou 200, mais la chose reste rare. De toute façon, le pygmée ou le géant est adulte au même âge.

     Quand vous faites des gestes avec vos mains et que vous dites : j'ai pris une truite « longue comme ça », qui devait peser environ X nombre de livres, attention ! Il peut y avoir des exceptions, certes, mais la relation taille-poids est assez précise pour qu'il nous soit permis d'éviter les « accidents » d'exagérations ... Encore faut-il que le pêcheur veuille bien mettre de côté sa fierté !
  
     Vous devriez découper ce tableau et le coller soigneusement dans votre carnet de pêche, ou encore l'afficher sur le mur de votre chalet de pêche... ça éviterait bien des discussions, et ça réglerait bien des conflits entre pêcheurs ! Bien entendu, selon certains lacs ou certaines rivières particulièrement bien servis au point de vue possibilités nutritives, le poids d'une truite peut varier légèrement. Il vous est sûrement arrivé de pêcher des truites « courtes » mais « épaisses », ramassées sur elles-mêmes, si l'on peut dire. D'un autre côté, vous avez sûrement pris des sujets « longs », aussi fusiformes que le brochet. En ce cas, la relation poids-longueur peut varier d'une once ou deux, quelquefois plus, surtout quand on dépasse 23 pouces.

     C'est le cas de truites « ballonnées » — avec un gros ventre. Ces truites prennent de l'importance en circonférence ! Je me souviens d'une truite grise qui était si oblongiforme qu'elle ressemblait à une carpe ! Elle mesurait 27 pouces mais pesait 12 livres ! Si cette truite avait consommé un corégone de 3 livres avant de se faire prendre... ça expliquerait bien des choses. Dans les concours, certains pêcheurs trichent et font avaler à leurs brochets quelques gros plombs de pêche à la traîne... pour gagner quelques onces ! Nous ne parlerons pas de ces cas qui n'ont rien à voir avec la réalité. Ce qui importe, c'est que vous pouvez vous fier à ce tableau.

Un poisson mort perd-il du poids ?

     Oui, un poisson mort perd du poids, et il en perd de plus en plus au fur et à mesure qu'il sèche ! Ainsi, la prise « record » dans la chaloupe peut avoir perdu plusieurs onces une fois rendue au village voisin, sur la balance de l'épicier-boucher. Ce n'est pas une question de qualité de la balance, mais de perte de poids du poisson. La différence n'est jamais énorme, mais elle peut tout de même faire perdre un pari, un concours, etc. Cela s'explique, comme n'importe quel médecin vous le dira, par le phénomène de « rigor mortis » — rigidité cadavérique. Le corps du sujet perd son « fluide », il s'assèche. Dans le fond de la chaloupe, le poisson perdra du poids.

     Les pêcheurs (commerciaux) de grenouilles connaissent bien et profitent bien de ce phénomène ... les marchands de poisson aussi d'ailleurs ! Ainsi, 5 ou 6 livres de cuisses de grenouilles mises à tremper quelques heures avant la livraison ou la vente auront gagné au moins une livre en poids ! A $2. la livre, ça devient intéressant, n'est-ce pas ? De l'eau, ou si vous voulez, des tissus imbibés d'eau, ça pèse beaucoup plus que des tissus secs ou demi-secs. Faites-en vous-même l'expérience ! Pesez vos prises du matin — dans la chaloupe — et repesez-les, le soir au camp ... et vous m'en donnerez des nouvelles !

50 — Combien pesait donc votre poisson ?

     Je vous ai donné une table des relations longueur-poids pour la truite. Je vous ai également signalé le fait que les poissons perdaient du poids après leur sortie de l'eau et continuaient à en perdre pendant plusieurs heures, non seulement dans la chaloupe, mais une fois arrivé au chalet, et à plus forte raison, une fois chez vous en ville. Certains pêcheurs ne verront aucun intérêt dans ce qui va suivre, mais ceux que la question du poids exact d'un poisson au moment de sa capture intéresse seront sans doute ravis de prendre connaissance du tableau suivant :

     Évidemment, plus le poisson pèse, plus la perte de poids est considérable. Dans les concours de pêche, cela peut avoir une importance dont je n'ai pas à souligner l'intérêt, surtout si votre honneur est en jeu ! Ainsi, quand on tombe dans les poids-lourds, ça donne ces différences :

     Est-il besoin d'insister sur le fait de se rendre à la plus proche balance officielle le plus rapidement possible, dès que le poisson est mort ? Car si vous pensez battre le record du maskinongé, par exemple, et que le géant qui repose au fond de votre bateau marque 50 livres sur votre balance portative, avez-vous songé que si vous attendez 12 heures il aura perdu 3 livres et 2 onces ? Dans des circonstances où même les fractions d'onces font toute la différence entre un record mondial et un simple « tableau d'honneur », vous n'avez pas à hésiter — rendez-vous au plus vite à la pesée officielle !

Quelques conseils entre amis...

     En questionnant les amis pêcheurs, jeunes ou vieux, il est rare qu'on n'apprenne pas quelque chose. Il est possible que tout ce qui suit vous soit familier. Dans ce cas, veuillez souffrir que les autres en prennent connaissance :

     Les vers « de terre » en plastique : ils ont tendance à fondre au soleil et à couler dans votre coffre... Mettez-les dans un petit bocal d'eau, bien étanche.

     Pour attraper des menés : il y a des lacs et des ruisseaux où les ménés sont si « civilisés » qu'ils refusent d'entrer dans les « cages », « trappes » ou « cochons » vendus sur le marché. Possible aussi que vous n'ayez pas le temps d'attendre qu'ils le fassent. Dans ce cas, un vieux parapluie débarrassé de sa toile vous sera utile. Remplacez la toile par de la moustiquaire et traînez dans l'eau ! Posé sur le fond d'un ruisseau et relevé rapidement (au bout d'une perche pour ne pas être vu), le parapluie fait des merveilles.

     Vérifications des anneaux : les bagues ou anneaux de votre canne à pêche sont-ils usés au point d'endommager votre ligne ou causent-ils une friction indue lors de vos lancers ? Dans ce cas, il y a moyen — même si cela n'est pas visible à l'oeil nu — de remédier à ce problème. Voici comment :

     Passez à travers chacun des anneaux un morceau de bas de nylon. Si ça accroche, c'est cet anneau-là qui fait défaut !

     Pour faire descendre un leurre : votre leurre ne descend pas assez profond, vous n'en avez pas de semblables dans votre coffre, conçus pour la pêche en eau profonde. Dans ce cas, le petit couvercle escamotable d'une boîte ou « cannette » de bière (le nouveau type qui s'ouvre à la main) est exactement l'instrument qu'il faut ! C'est construit comme les « bavettes » des leurres pensés pour la pêche sur les bas-fonds. Clouez ou « taquez » sur le museau du leurre.

     Pour ramer plus facilement : les amateurs de pêche à la traîne qui n'emploient pas de hors-bord, et sont encore fidèles au « rythme des rames », feraient bien d'améliorer les poignées de leurs rames en fixant sur celles-ci une mince lanière de pneu de bicyclette. Vous aurez une poigne plus solide et parfaitement anti-dérapante ! Les poignées d'une bicyclette sont également très bonnes.

     Pour votre futur trophée : si vous capturez un poisson digne du taxidermiste, ne le videz pas avant de l'envoyer se faire naturaliser ! Enveloppez-le simplement dans un linge propre et congelez-le. Si vous postez votre prise, empaquetez-la dans de la glace sèche. Le taxidermiste pourra corriger toute perte de couleur.

51 — Comment combattre efficacement les insectes

     Je ne parlerai ici que des insectes qui détruisent, non pas les vacanciers, mais leurs vacances ! Ces affreux maringouins, ces féroces mouches noires et ces terribles taons gris ou « du cheval » que l'on appelle les « mouches à chevreuil ». Rassurez-vous, je ne vais pas entrer dans des détails entomologiques ! Tout au plus vais-je essayer de vous donner quelques trucs bien connus des forestiers mais que beaucoup de citadins ne connaissent pas. Ceux oui me lisent régulièrement savent que je suis contre les insecticides — je n'en parlerai donc pas. Ce qui ne veut nullement dire que je sois contre les produits qui chassent ou éloignent les insectes, au contraire ! Ces produits sont généralement inoffensifs pour l'homme et les animaux à moins de les boire, de les utiliser sur une blessure ou encore de s'en envoyer dans les yeux — un accident courant qui peut parfois entraîner des infections sérieuses cependant.

     Est-ce que ça vous console de savoir que 1% seulement des insectes sont nuisibles ? Non ? Eh bien tant pis, mais tel est le cas et puisque les insectes sont avec nous depuis 200 millions d'années, et que tout indique qu'ils n'ont pas l'intention de nous quitter de sitôt... apprenons à vivre parmi eux sans être dérangés ou trop ennuyés — le but de cette chronique.

     Les campeurs savent qu'ils doivent dresser leur tente dans un endroit très aéré, venteux même, pour avoir la paix. Cela n'est pas toujours possible, hélas ... Le plus ancien « remède » contre les insectes reste le feu de bois vert amélioré d'herbages qui donne une épaisse fumée. On se place sous le vent, on pleure comme des Madeleine, on tousse, on étouffe, on a chaud mais on n'est pas piqué ! Pas très amusant, je sais. Le tue-mouche aussi appelé « tapette » ne vaut pas grand-chose en plein air. A vrai dire, ça ne vaut rien du tout.

     Les « gens de la ville » sont les plus malheureux et sont les plus piqués, pourquoi ?

     Je vais sûrement vous étonner, mais sachez que c'est parce que, généralement, ils se lavent trop ! ! ! Ce qui ne veut pas dire que les gens de la campagne ne se lavent pas, car ce n'est pas pour ça que les campagnards semblent immunisés. Les gens qui vivent en forêt se lavent moins, ils s'habillent davantage (même quand il fait chaud) et font des gestes plus lents. Leur peau, longuement « tannée » par le soleil et le vent est plus dure. Ils boivent moins d'alcool (de façon régulière) et à force d'être piqués, ils acquièrent une tolérance remarquable au point de ne pas s'apercevoir et ne pas sentir les piqûres. Il y a aussi un certain côté psychologique à cette affaire : on arrive à se convaincre qu'il n'y a pas d'insectes ! C'est faux, bien sûr, mais pour celui qui ne voit pas, ne sent pas les piqûres d'insectes, les insectes n'existent pas.
Citadins vacanciers, ceci est pour vous !

     Ne portez que des vêtements clairs et dans les endroits où les insectes sont féroces, les manches de chemises et les pantalons doivent être serrés sur les membres. Le chapeau est obligatoire car les cheveux sont un terrain propice pour le repos des insectes. . . mais pas le vôtre !

     Prenez des vitamines B (100 mg) régulièrement tous les jours pendant vos vacances — pas besoin de prescription pour ça. C'est très, très, très efficace.

     Si les produits qui éloignent les insectes (6-12, Off, Nilodor, Sitronelle, etc . ..) ne vous apportent aucun soulagement, enduisez généreusement les parties exposées avec le rince-bouche antiseptique Listerine — c'est frais, ça sent bon, ce n'est pas collant et, vertu suprême, ça ne fait aucun tort à la ligne de pêche et tout autre objet de plastique ! Chez votre pharmacien, achetez des gants de chirurgien (n'oubliez pas le talc !) car c'est ce qu'il y a de mieux, surtout si vous êtes pêcheur et qu'il vous faut faire un travail précis et délicat avec vos mains.

     En conclusion : sachez qu'il n'y a que les femelles des mouches noires et des maringouins qui piquent.. . Ah ! ces femelles ! Sachez aussi que si le taux de sucre est élevé dans votre sang, vous serez dix fois plus piqué qu'un autre. Ne vous échauffez pas inutilement et tâchez d'être aussi calme ou impassible qu'un Indien.

     Ce qui suit est pour vous, mesdames : si les bikinis et autres mini-vêtements attirent les hommes, ils attirent aussi les insectes — choisissez ! Attention au type de parfum que vous utilisez. Evitez ceux qui rappellent trop les fleurs, toutes les fleurs. Cependant, les parfums à base de citron sont excellents, du moins pour éloigner les mouches. Tous les maquillages, parce qu'ils sont presque tous odoriférants, sont à proscrire . . . hélas pour vous !

     Enfin, vous pouvez toujours dire à votre homme ou à vos enfants qu'il est faux que la fumée de la cigarette, de la pipe ou du cigare éloigne les insectes — cette mini-fumée est insuffisante pour cela mais, selon la plupart des médecins, très suffisante pour favoriser le cancer.

     Bonne vacances, tâchez d'être calmes jusqu'à l'indolence et surtout, ne tuez pas les insectes en vous donnant une tape magistrale, cela échauffe la peau. Le bout du doigt suffit.

52 — Qu'est-ce qu'un bon lac ?

     Étrange et difficile question qu'on me pose chaque fois qu'il est question de pêche (dans mon cas, c'est tout le temps!) à la truite, qu'il s'agisse de mouchetées ou de grises. Les gens ne veulent pas seulement connaître un bon lac, ils veulent aussi savoir ce que je considère être un bon lac... En fait, la question m'est posée comme suit :

— D'après toi, qu'est-ce qu'un bon lac !

     Si vous voulez bien, on va s'asseoir. . . car ce n'est pas le genre de question à laquelle on peut répondre debout — c'est trop long !
D'abord, je m'enquiers si mes interlocuteurs ont quelques connaissances en agriculture. Pourquoi l'agriculture ? Parce qu'il va être question de récolter — dans ce cas : de la truite. Si les amis pêcheurs comprennent qu'une terre de tant d'acres peut « supporter » tant d'animaux, la conversation est facile. Admettons qu'ils comprennent que seulement un certain nombre — de vaches, par exemple — peut vivre sur « X » acres. Alors je leur dis : pensez-vous que le cultivateur peut augmenter son troupeau, en achetant d'autres animaux, par exemple ?

     Quand on me repond oui, je vois qu'ils n'ont rien compris ! Quand bien même le cultivateur hériterait d'une somme considérable, cela ne fera pas vivre les vaches sur plus de « X » acres. C'est cela l'essentiel.

     L'aménagement d'un lac ou d'un étang et sa capacité de supporter « X » poissons, voilà qui détermine un bon lac.

     Or, un bon lac doit offrir plusieurs possibilités : 
     a) l'espace voulu, c'est-à-dire un nombre suffisant d'acres de surface ;
     b) il doit produire les deux éléments essentiels à la survie d'être vivants, c'est-à-dire de l'oxygène (par ses plantes) et de la nourriture — par son plancton, ses insectes et son menu fretin destiné à la consommation des êtres étiquetés : « d'ordre sportif ».

     Pas plus qu'on ne s'improvise agriculteur, pas plus doit-on se sentir soudainement « l'âme d'un biologiste » et grand expert de la faune... L'erreur, c'est que beaucoup d'excellents pêcheurs sont de très mauvais administrateurs en matière d'aménagement de la faune. Ils pensent beaucoup plus en termes de $ qu'en terme de possibilité de vie et de survie.

Comment calculer la rentabilité d'une pièce d'eau

     Je n'ai pas du tout l'intention de vous faire un cours d'aménagement de la faune — j'en serais d'ailleurs incapable — mais l'exemple suivant vous aidera sûrement à comprendre le problème.

     Un club ou une association construit ou possède un étang d'une acre de surface carrée. Ayant procédé à l'analyse de l'étang, les biologistes décident que cette pièce d'eau peut supporter 20 livres de poisson. Si les calculs sont justes, qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que cet étang peut supporter 20 poissons d'une livre ou 320 poissons d'une once.

     Il est inutile de songer à augmenter cette population, l'étang ne le supportera pas. Quand bien même vous déverseriez 600 truites d'une livre, ça ne changerait rien ... Ou plutôt, ça changerait ceci : elles mourront, faute d'espace vital, faute d'oxygène, faute de nourriture, etc....

     L'exemple de l'étang d'une acre est applicable, bien entendu, à d'autres pièces d'eau. Le cas des lacs où les truites « ont toutes la même longueur » et malgré de multiples ensemencements, n'augmentent ni en poids ni en nombre, est fréquent. Un lac « fini » est un lac dont les possibilités, à l'acre, ont été dépassées. Ce n'est pas qu'il n'y ait pas assez de poissons dans le lac, c'est qu'il y en a trop en regard des possibilités mêmes du lac. Est-ce clair ?

     Quand bien même votre lac aurait 100 pieds de profondeur et 3 milles de long, qu'est-ce que ça veut dire si seulement 10% du lac est habitable? Ça veut dire que votre « grand » lac est en réalité un bien petit étang...

     De la profondeur « X » jusqu'au fond — pas un atome d'oxygène. Donc pas de vie possible. Ailleurs, pas de plante, pas de couvert, pas assez de nourriture.

     Tout cela s'additionne (ou se soustrait) vers un nombre « X » de poissons que peut supporter le lac. Mettre des poissons dans une telle pièce d'eau est non seulement impensable, mais absolument ridicule. C'est jeter vos $ à l'eau.

     Bien entendu, ce sont toujours les espèces dites « sportives » qui survivent le moins bien — la truite par exemple. C'est un hasard, mais c'est comme ça. La truite a des exigences respiratoires impératives. La carpe et la barbotte, pour ne nommer que ces deux espèces, ont très peu d'exigences de ce côté.

     Posons le problème d'une autre façon : quel est le poisson « vedette » dans l'État du Québec ? Réponse : malheureusement ... la truite mouchetée. Pourquoi, « malheureusement »? Parce que cette espèce n'est pas prolifique. Elle a toutes les qualités, sauf la qualité essentielle !

     On dira peut-être : « Mettez donc du Notropis cornutus (une variété de méné), vos truites n'ont rien d'autre à manger ... qu'elles-mêmes » ! Un président de club me disait fièrement : dans nos lacs, il n'y a rien d'autre que de la truite !

     J'espère sincèrement que cet homme se trompe ! Il faut beaucoup de choses dans un lac (autre que la truite) et quand il n'y a pas de plancton, il faut du méné.

53 — Les poissons suivent-ils la mode... ?

     Ce titre peut paraître étrange à quiconque ne s'occupant pas activement de questions de pêche et ne se posant jamais de questions plus sérieuses que « est-ce que ça mord », par exemple. J'aime à croire que la grande majorité des lecteurs de cette chronique éprouvent un intérêt plus que passager pour la pêche et qu'ils font des recherches sérieuses sur le sujet qui nous intéresse. Tous n'ont pas un médium d'expression aussi puissant que LA PRESSE, néanmoins, cela n'enlève rien à la justesse et au sérieux de leurs observations.

     On pourrait poser la question du titre différemment. Par exemple : « Est-ce que les leurres suivent une mode ? Et l'on se doit d'ajouter : Qui détermine cette fameuse mode ? »

     Nous touchons là tout un monde commercial (américain, en grande partie) et il nous faut parler en millions de pêcheurs et en millions de dollars ! La rentalibité de l'industrie en matière halieutique d'ordre sportif n'est plus à discuter. Comme dans toutes les industries, il y a des hauts et des bas. Il y a aussi cet impondérable : l'engouement du public pour tel ou tel article de pêche, qu'il s'agisse de moulinets, de cannes ou de leurres. Pour qu'un article quelconque soit rentable, il faut qu'il prenne du poisson ! L'ennui, dans l'industrie en question, c'est qu'on ne consulte jamais le « consommateur » véritable (le poisson) avant la fabrication ! ! ! Alors, on improvise, on déduit que, on suppose, on espère surtout...

     a) que les poissons seront d'accord pour mordre ;
     b) que les pêcheurs achèteront le leurre, pas seulement pendant la première saison, mais tout au cours de leur vie.

     Il y a des leurres « classiques » que l'on trouve dans tous les coffres de pêche et qui ont fait leurs preuves. L'objet de cette chronique n'est pas de parler de ceux-là que vous connaissez si bien, mais des autres. Ceux qui ont connu une grande popularité, qu'on a oubliés, ou qu'on ne rachète plus.

     A ce moment-ci, il convient de se demander à qui s'adresse le « on » des phrases précédentes. Bref, qui décide ? Le pêcheur ou le poisson ? Personnellement, je crois que c'est le poisson qui a le dernier mot. Le sportsman peut trouver banal le « dare-devil » rouge et blanc — le plus classique des leurres — mais le poisson n'a que faire de cette appréciation esthétique ! Il est même impossible « d'améliorer » ce leurre, pas même avec un ver de terre...

     La moindre addition ou amélioration détruit les qualités vibratoires du leurre.

Devons et Flat-fishes à la baisse...

     Je me souviendrai toujours de l'apparition de la série des Flat-fishes sur le marché après la guerre. Ce fut une ruée générale chez le marchand et, dans lacs et rivières, les poissons se conduisirent de la même façon ! Les Flat-fishes attrapaient tout et tout le temps ! Cet engouement (autant chez le pêcheur que chez le poisson) dura dix ans. Presque soudainement, les poissons cessèrent de montrer de l'enthousiasme et j'ai remarqué — comme bien d'autres — que même dans les endroits sûrs, les prises diminuaient considérablement. C'est alors que je me suis posé l'audacieuse question suivante : Serait-il possible que les poissons se « fatiguent » d'un leurre comme nous nous fatiguons d'un modèle d'automobile, par exemple ? Est-ce que le poisson peut « s'habituer » à un leurre, ou si vous préférez, à la présence d'un leurre dans leurs eaux ? Comment se fait-il que les Devons, jadis si populaires (vous vous souvenez du modèle « dirigeable » avec petite hélice à l'avant et à l'arrière du méné de bois ?) n'ont plus de place dans nos coffres « modernes »? Je me demande même si l'on en fabrique encore . . . Pourtant ils eurent leurs heures de gloire tout comme les Flat-fishes. A noter que ces derniers ne sont pas complètement passés de mode et qu'on les trouve encore dans la plupart des coffres. On s'en sert surtout pour la pêche à la traîne, de moins en moins pour le lancer. Beaucoup de pêcheurs vont trouver tout de suite des centaines de raisons pour lesquelles le Flat-fish est moins populaire. Certains vont invoquer la « trahison » dans la fabrication (!) qui est passée du bois au plastique... D'autres diront que le système des hameçons mobiles ne se prête pas ou mal au lancer — le leurre perdant toute son efficacité si un hameçon s'empêtre dans un autre ou sur le « nez » du leurre. Chacun ses idées, mais cela n'explique toujours pas pourquoi les poissons sont moins attirés qu'ils ne l'étaient par les Flat-fishes.
 
Cuillères et rapalas à la hausse

     Il semble que ce soit la France qui ait redonné un certain engouement pour les petites cuillères judicieusement plombées, empanachées de laine ou de plumes, quelquefois de poils— Celtic, Veltic, Olympique, Arc-en-ciel, etc... . Malgré un grand effort du côté des leurres « exacts » — facsimilés en caoutchouc de tout ce qui bouge sous les eaux douces, le public n'a pas encore marché.

     La Norvège triompha avec son célèbre Alligator (voir chronique « Si je n'avais qu'un leurre ») et les pays Scandinaves copièrent ce « wabler » sous de multiples formes. Enfin, voici qu'apparaît le sensationnel Rapala et c'est une seconde ruée chez le marchand qui s'amorce. Les poissons « acceptent » ce leurre, mais uniquement dans sa version argentée — du moins, c'est ce que confirment tous les rapports que j'ai reçus jusqu'à maintenant. L'ayant essayé personnellement je peux vous assurer que le Rapala s'inscrit définitivement dans la classe des leurres rentables, sinon classiques. Au cas où vous ne connaîtriez pas ce « méné d'argent », voici : il s'agit d'un véritable « trait de lumière » qui n'est pas sans rappeler le jeune Corégone, mais infiniment plus filiforme. L'action est rapide — le poisson agit en conséquence.

     Voici donc le leurre à la mode. Combien de temps cela va-t-il durer ? Il n'y a que les poissons qui pourraient répondre à cela ... et vous le savez comme moi, les poissons sont diablement muets !

54 — Parlons pêche, mais en français !

     Je ne veux absolument pas jouer les puristes ou les grammairiens, et je suis parfaitement conscient que dans ces chroniques quotidiennes, il se glisse parfois des impuretés de langage, des fautes de français et aussi des anglicismes... Quant au « jouai », j'y souscris parfois mais toujours escorté de guillemets, comme il se doit. Bon. Maintenant que je me suis bien confessé publiquement, je peux, sans vergogne il me semble, parler du langage des autres et plus particulièrement du langage halieutique (encore un mot qu'on n'entend jamais ...) qu'emploient couramment mes confrères pécheurs cultivés ou non. Oui, cultivés ou non, car au Québec, il existe un gouffre énorme entre la langue parlée et la langue écrite, indépendamment de la situation sociale et de l'éducation de la personne qui la parle.

     Nos avocats et nos médecins les plus brillants s'expriment parfois avec une vulgarité qui, dans d'autres pays, caractérise le monde de la pègre. Même nos comédiens, qui pourtant devraient parler mieux que tout le monde (et qui en sont capables quand ils ont quelques lettres), s'expriment, en privé, plus mal encore que les charretiers d'une autre époque.

     Dans le monde de la pêche sportive (de chasse nous parlerons cet automne), c'est pire qu'ailleurs car il est pratiquement impossible d'entendre plus de 3 phrases décrivant telle ou telle technique de pêche ou de lancer sans qu'apparaisse, sonore et triomphant, le cortège d'anglicismes, de barbarismes et de «jouai». J'admets qu'un sportif, quel qu'il soit, puisse se permettre certaines libertés de langage, y compris un certain « jargon de métier » que l'auguste Académie française n'a pas encore eu le temps d'inscrire au dictionnaire encyclopédique ou autre . . . Cependant, ce n'est pas une raison pour demander à un voisin de pêche : « Y te reste-t-y des leaders pis des plogs comme on avait à matin ? »

— Pantoute, maudit, mais on va caster pareille avec c't'amanchure-là !

     Ce court dialogue est révélateur, à mon avis, du langage quotidien employé sur nos lacs cristallins... Les montagnes qui font écho de ces propos en rougissent de honte aux premières bises automnales ! Et je vous fais grâce de l'imposant vocabulaire de jurons d'inspiration religieuse ou liturgique que nous savons tous manier avec une virtuosité consommée ...
 
Le vocabulaire halieutique

     Puisque MM. André Dagenais et Jean-Marie Laurence abordent rarement ce sujet, allons-y de notre mieux. Vous trouverez le mot exact français, le mot anglais ou américain (ce qui n'est pas pareil !) et enfin la traduction, l'adaptation, l'anglicisme, le barbarisme ou le « jouai » dit « canayen ».

Un jeu-questionnaire amusant !

     Ce n'est pas cette chronique ou ces quarante mots qui vous feront parler correctement si vous n'en avez pas envie ... Cependant, vous pouvez transformer cette chronique en un jeu-questionnaire amusant lors des longues soirées d'hiver, les jours de pluie... ou quand ça ne mord pas ! Pariez avec vos amis et vous serez surpris à quel point il y en a qui connaissent bien ce vocabulaire et ne l'emploient jamais !

     Et aussi, disons-le, à quel point il y en a qui ne connaissent à peu près aucun des véritables mots français ! Pour jouer avec le maximum de plaisir, donnez d'abord le mot « canayen » et demandez l'équivalent français, puis anglais ou américain si vos amis sont bilingues. 3 points par réponse exacte. 120 points donc.

     Classification :  Entre 115 et 120 points - CHAMPION et futur académicien!
                                Entre  60 et 112 points – CONNAISSEUR mais amateur ...
                                Entre  20 et 109 points – PASSABLE mais paresseux ...
                                Entre 0 et 107 points — Vraiment MINABLE ...

     On peut améliorer ce jeu-questionnaire à sa guise et établir des pointages fort différents. Nota : les gens vraiment cultivés devraient pouvoir l'adapter pour y jouer en latin ou en grec !

     Je ne vous ai donné que 40 mots. Mais avec un peu de recherche, on peut pousser le jeu jusqu'à au moins 200 mots — ce qui constitue un excellent vocabulaire.

55 — Les poissons capturés en eau polluée sont-ils comestibles ?

On ne sait pas faire cuire le poisson

     Depuis que la pêche hivernale est devenue si populaire, il n'y a pas que le printemps ou l'été qui m'amène de nombreuses lettres et des coups de téléphone anxieux au sujet de cette question qui fait le titre de la chronique d'aujourd'hui.

     Il me semble avoir traité souvent cette question, mais si j'en juge par le nombre de personnes qui s'inquiètent, je n'ai pas fini d'en parler ! Au fait, il est possible qu'on ne me croie pas... Après tout, disent les gens, « Deyglun n'est pas médecin ! » En effet. Mais cela ne m'empêche pas de connaître certains sujets même s'il y a encore des gens qui accordent volontiers le monopole de la vérité aux sciences médicales ... ! Les grands médecins sont plus modestes, du moins ceux que j'ai eu le bonheur de connaître.

     Avant de répondre à cette question disons tout de suite : oui, un poisson est comestible même s'il est capture en eau polluée. Même en eau TRÈS polluée ? OUI, même en eau très polluée — ça n'a rien à voir avec la chair du poisson. L'important c'est de faire cuire le poisson et, en Amérique du Nord tout au moins, on ne mange pas de poisson cru. Il y a deux choses à retenir : il faut que le poisson soit frais — le plus frais possible — et qu'il soit lavé, vidé et bien cuit. Le fait qu'il soit capturé dans le fleuve Saint-Laurent, la rivière des Prairies, la Yamaska ou n'importe quel cours d'eau réputé pour sa pollution ne change absolument rien à la chose. Il est comestible, point.

     Il est inutile d'ennuyer le Service de la Faune — ou votre médecin — avec cette question qui est surtout psychologique. Dois-je vous rappeler que vous consommez couramment de la viande de porc ... un animal qui, à ce que je sache, n'est pas reconnu pour sa grande propreté, n'est-ce pas ? Et dans le règne animal, il n'y a pas que le cochon qui ne corresponde pas à nos normes de propreté ... L'étable ou le poulailler ne sont guère des exemples d'aseptie... ce qui ne nous empêche guère d'en consommer les produits.

     Maintenant il y a la question du goût de la chair. Est-elle affectée par la pollution des eaux ? Peut-on déceler un goût « spécial », un « arrière-goût » pour employer un langage cher aux rédacteurs de réclames publicitaires ?

     Ce n'est pas prouvé, bien que certains prétendent pouvoir dire qu'un poisson goûte la vase ou l'huile et qu'en été, les poissons ont un tout autre goût qu'en automne, qu'en hiver ou qu'au printemps. Certaines personnes vont même plus loins : elles prétendent que tous les poissons capturés en eau chaude ont mauvais goût ! Dans ce cas, je plains amèrement les peuples de la terre qui ont le triste sort d'habiter sous les tropiques ... et je ne peux que conclure que ces pauvres gens n'ont aucun goût !

On ne sait pas faire cuire le poisson

     Je vais sans doute choquer nombre de lecteurs — et de lectrices donc ! — en disant ceci : la très grande majorité des Canadiens ne sait pas apprêter le poisson, sauf si ce dernier possède la rare qualité de pouvoir être simplement retourné dans la poêle à frire pour plaire... Ces espèces de poissons existent mais à ce moment-là, il nous faut les classer parmi ceux qui ont un goût « fort ». Ce sont les mêmes dont on se lasse le plus rapidement. Généralement, leur chair est colorée, mais il y a des exceptions.

     Les peuples qui doivent, par nécessité économique ou géographique, ne consommer que du poisson pendant de très longues périodes évitent les espèces qui ont un goût trop prononcé. Ainsi les Indiens et les Esquimaux ne mangent à peu près jamais de truites ou de saumons quand ils peuvent se procurer autre chose et, croyez-moi, ils font en sorte de capturer autre chose, précisément.

     Le corégone — espèce très répandue dans tout le Nouveau-Québec — est leur poisson préféré. Le brochet et le doré viennent en second lieu, et enfin la blanchaille à laquelle les sudistes blancs ne touchent jamais. Les truites ? Leurs chiens en consomment beaucoup.

     Lors de mes nombreux voyages dans le Nouveau-Québec et dans certains territoires du cercle arctique, j'ai vécu avec des Cris pendant plusieurs jours.

     Ce peuple consomme au moins 10 fois plus de poisson que le nôtre. Or, ce n'est que très exceptionnellement qu'ils mangent de la truite. Personnellement, j'ai dévoré autant de truites que je pouvais en absorber, mais pendant les premiers jours seulement ! Après, j'ai compris que ça ne pouvait durer... Je fis des cauchemars de steaks gigantesques et de ragoût de pattes pantagruéliques — absents hélas... ! Enfin, je découvrir les charmes constants du corégone — dont on ne se lasse guère — et les vertus honnêtes du brochet, des catostomes et des ouitouches quand le doré dédaignait nos leurres.

     En Gaspésie — le seul endroit du Québec où les poissons méritent le titre de frais — les résidents préfèrent la morue (ou autres gadidés) à tous les salmonidés y compris le saumon lui-même, c'est tout dire !

    En Europe, en France tout au moins, les truites ne sont pas les poissons préférés des gourmets et les saumons (hors de prix, soit dit en passant) n'intéressent que les snobs. Saviez-vous qu'au moyen âge, et pendant le XVIIe siècle, le personnel à l'emploi des seigneurs exigeait (quand il pouvait avoir des exigences ...) par contrat qu'il ne leur soit servi que seulement 3 repas de saumon par semaine ? ! Pourquoi ? Parce que les nobles trouvaient bon marché de nourrir leur valetaille, 5 jours sur 6, avec le saumon ou la truite de leurs rivières, voilà ! On croit rêver en lisant cela, pourtant ce sont des faits historiques indiscutables.

     Si les salmonidés sont des poissons dont la chair a un goût très prononcé, donc qui s'apprêtent facilement, il n'en va pas de même d'autres espèces de poissons dont nous faisons peu de cas au Québec — la carpe, l'anguille, le brochet, les catostomes et les moxostomes, les cyprins et les esturgeons, sans parler d'une très grande variété de poissons pélagiques que les pêcheurs commerciaux rejettent à l'eau, faute de preneurs.

     Il est déplorable que nos religieuses (qui avaient jadis le monopole de l'enseignement ménager) aient tant insisté sur « l'art » de faire des confitures ou des conserves... et si peu sur la très « démocratique » façon d'apprêter un poisson qui soit comestible — gastronomiquement parlant. N'est-il pas désespérant d'associer l'idée de manger du poisson à la moyennâgeuse pratique de faire « pénitence »... ?

56 — L'âge du brochet et de la perchaude

     Voici quelques années, Albert Courtemanche, directeur du Service d'Aménagement de la Faune du District de Montréal, a mené une vaste étude sur les poissons (considérés comme « sportifs ») des eaux limitrophes de la région métropolitaine.

     Chaque vendredi, régulier comme une pendule, Courte-manche me faisait parvenir quelques notes relatives au nombre de captures effectuées sous la glace des lacs St-Louis, Deux-Montagnes et St-François.

     Il ne s'agit pas d'un recensement complet, mais d'un inventaire accompagné d'observations quant à la fréquence des captures ainsi que sur la nature de celles-ci. Mais le travail de Courtemanche et de ses assistants ne se bornait pas à observer les différentes espèces capturées en vue d'établir des statistiques, il avait mené à terme une étude préliminaire sur l'âge de la perchaude et du brochet dans les lacs plus haut mentionnés.

     De cette étude, il ressort deux points d'un très haut intérêt : la plupart des sujets capturés sont « jeunes » (3 ou 4 ans) et seraient plutôt sédentaires ! A un tel point, que la population d'une baie quelconque, par exemple, ne se mélange pas à celle d'une baie voisine.

Les vieilles perchaudes habitent Rigaud

     Afin de déterminer l'âge de la perchaude, Jean-René Mongeau, c.s.v., D.Sc. (assistant de Courtemanche) a choisi la scalimétrie. C'est-à-dire, l'étude des écaillés. L'échantillonnage n'est pas considérable, mais déjà il semble se dégager que, pour une même taille, les perchaudes de la Baie de Rigaud (lac des Deux-Montagnes) sont nettement plus âgées que celles de la Grande Anse (lac St-Louis).

     A Rigaud, la croissance, d'après les écailles, parait régulière durant les trois premières années, mais plus lente par la suite.

     Les écailles des perchaudes de la Grande Anse sont transparentes et nettes ; celles des perchaudes de la baie de Rigaud sont plus épaisses, presque opaques et ponctuées de nombreuses traces d'un petit parasite externe, le nématode, qui vit sur l'écaillé. Il convient d'ajouter que cela n'altère en aucune façon le goût délicieux de la chair de la perchaude.

     Jean-René Mongeau tient à préciser (l'on reconnaît bien là l'homme de science) que ces données ne sont valables que pour les endroits d'où proviennent les spécimens. N'allez donc pas généraliser et appliquer les chiffres suivants aux perchaudes qui habitent tel ou tel lac du nord, par exemple.

     En jetant un coup d'oeil sur ce tableau, on constate qu'une perchaude de 9 pouces qui habite la baie de Rigaud est âgée de 5 ans. Une perchaude de même taille habitant la Grande Anse n'a que 4 ans. Donc, les perchaudes du lac St-Louis grandissent plus vite que celles du lac des Deux-Montagnes ! Les parasites externes, comme le nématode, y sont-ils pour quelque chose ? Les eaux de la Grande Anse sont-elles PLUS ou MOINS polluées que celles de la baie de Rigaud ? Existe-t-il un rapport entre la pollution des eaux, les parasites et la taille et l'âge des perchaudes ? L'étude de Courtemanche n'en dit rien pour le moment. Mais nous aurons de toutes ces questions une meilleure idée dès que ce vaste programme d'études sera plus avancé. Réjouissez-vous, pêcheurs des eaux métropolitaines, car vous venez de prendre connaissance des premiers travaux jamais entrepris dans ce domaine dans notre région !

     Et nous avons soif d'en connaître plus long, car, avouons-le, nous ne savons rien de la pêche hivernale de la perchaude ou du brochet. Il importe d'avoir ces connaissances alors que l'industrie de la pêche sous la glace est en plein essor et que d'ici trois ou quatre ans, il y aura probablement autant de cabanes sur les lacs St-Louis, Deux-Montagnes ou St-François qu'il y en a à Ste-Anne-de-la-Pérade pendant la courte saison de la pêche aux P'tits poissons des Ch'naux.

57 — La pêche sous la glace

     Voilà un sport qu'on ne pratique pas avec tout l'enthousiasme dont il est digne. Il n'est écrit nulle part que le pêcheur doit nécessairement hiverner ! Pourtant, à ce que je sache, il faut bien se rendre à l'évidence, peu de Canadiens français connaissent la pêche d'hiver et encore moins s'y adonnent. Pourquoi ? Je crois que nos pêcheurs du Québec sont victimes d'une fausse rumeur (probablement lancée par les frileux, les puristes de la mouche ou les fanatiques du devon) qui veut que seules les espèces de poissons indésirables peuvent être capturées en péchant sous la glace. Rien n'est plus faux ! C'est, au contraire, l'inverse qui est vrai. Tellement vrai que le ministère des Pêcheries a depuis longtemps institué une loi qui interdit de pêcher la truite (toutes les catégories de truites) sous la glace ! Pourquoi ? Tout simplement parce qu'elles mordaient trop ! Un braconnier déterminé peut, en quelques jours, vider un lac de truites... Et à la ligne par-dessus le marché 1 Les plus grosses truites grises (touladi) que j'ai jamais vues avaient été capturées, hélas, par des braconniers qui péchaient sous la glace du grand lac Piscatossin qui se jette dans le Maskatong. Pourtant, en saison, ce lac n'a rien de vraiment extraordinaire au point de vue truite grise... Au contraire, il est rare d'en prendre de belles. En hiver, les lacs les moins côtés livrent leurs secrets et surprennent les pêcheurs les plus pessimistes ou les plus blasés. Voici pourquoi :

Ces lacs « vides »...

     Dès la plus mince couche de glace, toute activité halieutique cesse sur nos lacs et rivières. Le poisson, sans cesse harcelé au cours de la belle saison par tous les engins de pêche  imaginables,  sans oublier les  skieurs  nautiques les courses, les baigneurs et que sais-je encore, vit des heures pleines d'un calme merveilleux. Ce sont ses vacances à lui qui commencent ! Les poissons aussi sont victimes de la vie moderne ... Je me demande avec anxiété combien de poissons périssent d'une crise cardiaque ou d'une dépression nerveuse ... et les ulcères ! Je ne blague pas vous savez. J'ai maintes fois, en aquarium, fait périr des tas de poissons divers en leur livrant la guerre des nerfs. La moindre agitation de l'eau, les moindres coups de doigts dans les vitres de l'aquarium le mieux équilibré suffit à faire entrer en transe les poissons les plus calmes et les plus bucoliques... Même la carpe et la barbotte ne résistent pas ! Alors, vous pensez, la truite hypersensible et le nerveux achigan !

     En hiver, rien de cela. Le calme le plus absolu règne dans le royaume aquatique. Lentement, presque sans y croire, les poissons reprennent leurs bonnes habitudes d'antan. Ils remangeront aux heures solaires qu'ils avaient dues abandonner à cause du trafic intense en surface. L'eau froide les rend plus actifs et plus agressifs tout en rendant leur chair plus ferme et plus exquise (dans la poêle) ! Les cyprins et les nombreux autres ménés de toutes catégories ont délaissé leur habitat estival et se sont réfugiés dans de secrètes et obscures cachettes. C'est alors que les déprédateurs féroces du genre des truites, des brochets, des dorés, maskinongés et tant d'autres chasseurs à l'affût ou à la course, patrouillent sauvagement les eaux désertes et silencieuses.

Les oreilles !

     Dans ce clair-obscur qui durera des mois, seules les oreilles de nos poissons leur serviront de guides ! Guides au pluriel car vous n'ignorez sans doute pas que les poissons entendent et goûtent à distance au moyen de centaines de petits nerfs situés sous les écailles, principalement celles de la ligne latérale qid part des opercules et « divise » le poisson en deux jusqu'à la queue. Cette admirable faculté de télé-gustation est développée à son maximum pendant l'hiver. La moindre vibration dans le milieu aquatique fait accourir en masse les chasseurs affamés. Premier rendu, premier servi ! Ce qui explique que les perchaudes, à cause de leur nombre astronomique dans les eaux, même très polluées, arriveront les premières et raviront à la Grise ou au Doré l'appât que vous leur destiniez. On ne s'ennuie pas à la pêche d'hiver. La surprise est constamment du voyage et de ce trou plein de glace effritée, que l'on doit inlassablement éclaircir, sortiront les espèces les plus inattendues. Les poissons ne dorment pas l'hiver, seuls les pêcheurs ont cette tendance ! Où alors ne dorment que certains poissons dont le peu d'activité n'intéresse pas les sportifs. Notamment la carpe et la barbotte.

Trop froid ?

     Jamais de la vie ! J'ai eu plus froid en chassant le canard et en guettant le chevreuil qu'en péchant sous la glace. D'ailleurs, on n'a pas le temps d'avoir froid ! Si on est bien installé avec des appâts convenables, ça mord assez pour vous faire courir d'un trou à l'autre sans répit. Et puis, que diable, l'hiver, on s'habille ! Dans les chenaux de Vaudreuil, j'ai réussi des cordées de brochets sensationnelles. A certains moments, les drapeaux descendaient tous en même temps. J'ai perdu beaucoup d'hameçons car les brochets et les dorés coupent facilement la ligne sur les bords acérés du trou de glace. Il faut faire vite et courir dans la neige, ça réchauffe ! En parlant des brochets, je vous signale que le goût de leur chair en hiver n'a rien à voir avec ce que vous pensez d'eux au printemps ou en été.

     Au début de l'hiver, le brochet est en pleine forme car il s'est nourri abondamment pendant l'automne. L'eau froide est salutaire à tous les poissons de nos eaux et spécialement au brochet. Les « fouets » sont dodus au-delà de toute espérance et les spécimens de 17 à 21 pouces font un excellent et copieux repas. Hélas, il ira en maigrissant à partir de janvier pour devenir ce que vous savez au printemps... flasque et quasi squelettique.

     Nous avons vu que la plupart des « bons » poissons ne dorment pas l'hiver (comme beaucoup de gens semblent le croire) et se livrent, au contraire, à une lutte sauvage pour une pitance devenue rare. L'eau froide ainsi que d'autres facteurs que nous avons brièvement passés en revue contribuent de façon très nette à rendre le poisson plus agressif. Il nous faut profiter de cet appétit hivernal au maximum et nous organiser en conséquence pour que l'hiver soit une saison de pêche aussi passionnante que les autres. Voyons comment.

Les endroits

     Les poissons ne fréquentent pas les mêmes régions en hiver qu'en été ou au printemps. Règle générale, ils seront en eau plus profonde, par conséquent plus chaude. Ainsi, les lieux de prédilection qui « donnent si bien » en belle saison s'avéreront déserts quand la glace aura pris.

     Donc, les battures, les baies herbeuses, les pointes rocailleuses où d'habitude « ça mord » seront à éviter. Il est utile, si la population locale ne pêche pas ou se révèle réticente à vous renseigner, de consulter les cartes marines de la région où vous comptez vous rendre. Les poissons voyagent beaucoup moins que l'on se l'imagine et vous trouverez des fosses lacustres ou fluviatiles à proximité des endroits où les poissons se tiennent en saison « normale ». Cherchez bien les agglomérations des chiffres 20, 25 et 30 pieds sur la carte. Sur les cartes marines, ils sont généralement imprimés sur fond blanc. Autant que vous le pourrez, faites vos trous non pas au milieu de la profondeur maximum indiquée, mais en bordure de celle-ci. C'est assez difficile, en hiver, de déterminer exactement un emplacement car les perspectives sont faussées par la neige qui recouvre uniformément les rives, mais plus vous serez exact dans vos calculs de « bordure » entre les grands fonds et l'eau moins profonde, meilleures seront vos chances de réussite. Les poissons habitent ces fosses et font des incursions rapides vers cette inquiétante source de lumière dans laquelle s'agite un appât.

     Autour des régions habitées, comme Montréal par exemple, vous n'aurez aucune difficulté à découvrir de bons endroits. La raison est simple. Ils sont découverts depuis longtemps et les quelques amateurs de pêche d'hiver ont depuis toujours posé sur les bonnes bordures leurs cabanes de pêche. Un simple périple autour du Lac St-Louis ou des Deux Montagnes, un de ces dimanches, vous convaincra. Le lac appartient à tout le monde et vous avez le droit de vous installer où vous voudrez. Il faut toutefois faire preuve d'un certain civisme et d'un esprit sportif fraternel. Vous ne serez pas très bien vu si vous allez creuser des trous « collés » sur ceux de pêcheurs déjà installés. Comme pour le canard, laissez un peu d'espace !

Creusage et installation

     Il y a des régions où on loue des cabanes ou des séries de trous. Ces pourvoyeurs sur glace vendent aussi des ménés et des vers. Us entretiennent des chemins d'accès sur la glace afin de pouvoir s'y rendre en automobile. C'est la façon la moins fatigante de procéder à la pêche d'hiver. Mais, pour ceux qui ne veulent rien devoir à personne et sont, en hiver, aussi farouchement individualistes qu'en été, les grands espaces sont vôtres et vous avez la liberté d'y creuser des trous.

     Outre que c'est dangereux, creuser à la hache et au pic est une opération fatigante au possible. Pour une somme modique, on peut se procurer dans la plupart des quincailleries des « ice-chisels » munis d'un long manche. Cet instrument n'est qu'un ciseau géant dont l'utilité, pour creuser rapidement sans effort, est précieuse. Vous n'aurez pas d'éclats de glace dans les yeux et dans le cou comme c'est le cas avec la hache et le pic. Il est à souhaiter que vous réussissiez à voler à votre femme sa passoire... Ayant atteint l'eau, la glace effritée y flottera et il n'y a pas d'instrument plus commode pour écoper la glace qu'une bonne vieille passoire ! Vos épouses ne seront peut-être pas d'accord mais, en matière de pêche, le sont-elles souvent ?

Les appâts

     Vous aurez peut-être de la difficulté à trouver des ménés si vous ne fréquentez pas des régions où la pêche sous la glace est populaire. De toute façon, les ménés restent les meilleurs appâts et je vous conseille de faire des « bassesses » pour vous en procurer. Une note agréable au tableau. En hiver, les ménés se transportent très bien et le taux de mortalité est négligeable. Consultez les lois de la pêche concernant le transport des ménés sur les routes de la province. Vous éviterez des ennuis. En hiver, l'espèce de ménés n'a pas l'importance qu'elle revêt en saison estivale. Rares dans les eaux, les poissons ne sont pas difficiles et happeront goulûment n'importe quoi pourvu que ça bouge ! Les vers sont aussi très bons. Contrairement à ce que l'on croit, les dorés mordent bien aux vers. L'important est de l'amorcer comme il faut après l'hameçon. Pour qu'un ver bouge gaillardement et longtemps il faut éviter de lui transpercer la tête.

     Et comment reconnaître la tête de la queue, me direz-vous ? Facile. Passez légèrement votre doigt le long de l'animal. Les vers sont poilus ! Oui, de minuscules et invisibles (à l'oeil nu) fils de « soie » recouvrent le corps de l'animal. Si vous flattez le ver à rebrousse-poil, vous vous en apercevrez 1 La tête du ver précède le sens normal du poil. C'est donc au bout du « à contre-poil » que vous la verrez. En fait, rien ne vous indiquera que c'est la tête, mais c'est là qu'elle se trouve. Épargnez la tête, et le ver dure beaucoup plus longtemps. Même si le ver n'est pas un animal particulièrement déluré et intelligent, ça l'aidera si vous lui épargnez la tête ! On vit mieux avec sa tête, dit-on ... Vous êtes maintenant prêt à pêcher. Vos cadres sont sur vos trous et les petits drapeaux attendent de s'abaisser ... Bonne chance !

58—Avez-vous déjà «chassé» ou «péché» les grenouilles et les ouaouarons ?

     Si vous n'avez pas fait cela, vous avez tort ! A tout point de vue. Pourquoi ? Pour un très grand nombre de raisons dont voici seulement quelques exemples : les batraciens dans nos marécages sont extrêmement abondants et à peu près inconnus de la grande majorité des sportsmen du Québec; ils sont une cible de choix — et fort difficile — pour les tireurs à la carabine .22 ; au fusil ou pistolet à air ; à l'arc ou mieux, pour l'amateur de lance-pierre : «-Slingshot » !

     Il n'y a pas, à l'heure actuelle tout au moins, de limite de prises quotidiennes sur les batraciens quelle qu'en soit l'espèce. Enfin, c'est un mets de choix, un triomphe gastronomique, et presque une « identité » caractérisant les « Français du Canada » que nous sommes et que les Anglais nous rappellent parfois en nous traitant de « french frogs » !

     En ce qui me concerne, jamais quolibet ne m'apporta autant de satisfaction et de fierté, oui de fierté ! — « nationaliste » que celui-là ! C'est un peu comme si on me traitait de « mangeur d'escargots de Bourgogne » ou mieux, de glouton de « caviar de la mer Caspienne » !

     Remarquez que les Anglais (ou Canadiens anglophones) intelligents et raffinés y viennent — si l'on en juge par les prix exorbitants que ces merveilleuses cuisses de grenouilles atteignent sur les marchés commerciaux ! Vous vous rendez compte $2.00 la livre et même plus lorsqu'il s'agit de petites rainettes fraîchement cueillies la veille dans la rosée du matin ! Ce qu'il y a de mieux : le mini-ouaouaron ou « grenouille verte » des marécages (Rana clamitans) ! La plèbe et les bourgeois ignorants consomment ces affreux ouaouarons de Cuba et du sud des Etats-Unis qui sont congelés depuis des mois et dont le goût correspond aux réfrigérateurs dans lesquels ils ont séjourné... A un tel point qu'il est extrêmement rare de trouver, même à Montréal ou à Québec, des restaurants (ou des fournisseurs) de cuisses de grenouilles — ou de ouaouarons — indigènes et fraîchement capturées.

     Ceci dit, passons aux méthodes de chasse et de pêche, car ces curieux animaux nous offrent, au choix, de multiples plaisirs.

La chasse aux grenouilles

     Nous sommes en pleine saison et cela durera jusqu'à la fin de l'automne selon les régions. D'abord : trouver une grenouillère convenable. Ce n'est pas ça qui manque au Québec ! Il y en a presque partout, et si l'on sait regarder, il y en a le long des routes et rurales et provinciales, et cela n'exclut nullement les autoroutes.

     Une embarcation est de rigueur, que l'on chasse de jour ou de nuit, car les batraciens peuvent être capturés à n'importe quel moment. Les chasseurs diurnes emploieront soit la carabine à balle ou à plomb, soit le lance-pierre ou, ce qui est encore plus sportif et qui me passionne véritablement : la souple branche d'aulne ou de tremble faisant office de gourdin. Franchement, entre nous, la rame, l'aviron ou le bâton de baseball est exagéré et superflu... Ce n'est pas un boeuf que l'on assomme, que diable !

     Dans les pièces d'eau très fréquentées par les vacanciers « armés » de hors-bord pour la pêche ou le ski nautique, la chasse diurne est à toute fin pratique impossible. Les grenouilles et les ouaouarons ne sont pas aussi bêtes qu'ils en ont l'air, O.K. ? Us ont besoin, grand besoin de calme pour atteindre cet état d'extase et de méditation propice à l'insectivorisme bien compris ! En fait, ce sont les « Guru » du marécage et presque les Bouddha des nénuphars ...

     On approche facilement à portée de tir, de capture à la main ou à coups de bâton, à condition que vous ne fassiez aucun geste brusque et que vous ne projetiez jamais d'ombre sur le paisible batracien « en voyage » entomologique !

     En fait, ce sont les mêmes précautions que celles qu'il faut prendre pour tous les animaux sauvages et les êtres humains « en voyage »... au L.S.D., par exemple.

     Assommé ou traversé par un projectile quelconque, la grenouille ou le ouaouaron coule très rapidement 8 fois sur 10. C'est pourquoi il importe d'être près de la cible quand on décide de passer à l'action.

     La récupération est facilitée par l'emploi d'une épuisette — à fines mailles. Certains sujets dégagent une odeur fétide plutôt désagréable après la capture. Généralement, il s'agit des Grenouilles léopards (Rana pipiens) ou de Grenouilles des marais (Rana palustris). Cela n'a rien à voir avec la vase ou le marécage et l'odeur disparaît dès que la peau a quitté les cuisses.

     LA NUIT : avec un puissant projecteur, un dard à multiples pointes acérées, c'est un jeu d'enfant que d'empaler des grenouilles ou des ouaouarons le long des berges herbeuses, au coeur des marécages ou des « nappes » de végétation aquatique. Parfois, souvent même, il n'est pas besoin d'employer le dard. L'épuisette, au bout d'un long manche, suffit maniée adroitement.

La pêche aux grenouilles

     C'est passionnant, car ça se fait en plein jour, même dans les endroits où les batraciens sont réputés pour leur « nervosité »... ! Le morceau de chiffon rouge ou blanc au bout d'un hameçon est une méthode plutôt primitive, tout au moins artisanale... et c'est le moins qu'on puisse dire ! Une bonne mouche sèche (No. 8 ou 10) fait des miracles que vous soyez adroit ou non pour la lancer. Ne vous en faites pas, si le batracien aperçoit l'insecte, il fera des efforts surprenants pour s'en emparer ! J'en ai fait « courir » jusqu'aux francs-bords du canot ou de la chaloupe, que voulez-vous de mieux ?

     La couleur blanche, jaune, rouge ou un mélange de celles-ci sont prometteuses de véritables hécatombes !

     NOTA : Les petites grenouilles que vous ne désirez pas consommer valent de l'argent — beaucoup d'argent ! En fait, les universités, les collèges et la plupart des « High School » en achètent autant qu'ils peuvent s'en procurer. A des prix parfois supérieurs à ceux qui sont offerts pour des grenouilles destinées à la consommation. Alors! Allez-y gaiement. Mais pour ce genre de t'ente, il faut que les grenouilles soient vivantes et bien « en forme ». Arrangez-vous pour qu'il en soit ainsi.

59 — La personnalité du pêcheur . . .

     Si l'habit ne fait pas toujours le moine, le coffre de pêche révèle toujours la personnalité du pêcheur et un simple coup d'oeil dans celui-ci vous en dira plus long que toutes les conversations que vous pourriez avoir avec son propriétaire. Rien de plus amusant et instructif dans un camp de pêche que de passer en revue les coffres de vos compagnons ! Passionnante aventure à la Sherlock Holmes dont vous pourrez tirer les plus brillantes déductions et aussi, voilà le plus intéressant de toute l'affaire contrôler les résultats le jour même ou le lendemain au premier tour de chaloupe.

     La propreté et l'ordre d'un coffre indiquent tout de suite un bon pêcheur. Règle générale, ce pêcheur a de l'expérience. Chaque chose étant à sa place, il ne perd pas un temps infini à chercher l'émérillon (swivel) ou le leader dont il a besoin. Ses hameçons ne traînent pas à l'air libre dans un « lac » de rouille, ses plombs sont classés par catégorie dans des boîtes de plastique, les devons brillent et dans un coin, il y a toujours le flocon de vernis à ongles rouge ou transparent dûment volée à l'épouse ou à la petite amie... Dans le coffre à « étagères », les premiers casiers contiennent-ils les leurres dont il se sert le plus souvent ? Combien de différents « dare-devils » ou « Flat-fishes » possède-t-il? Que veut dire cet amour débordant pour le gros leurre ? « Trolle »-t-il beaucoup plus souvent qu'il ne veut l'admettre ou, au contraire, est-ce un fanatique du lancer léger ? Pas de dégorgeur ni de bâillon mais une pince à long nez ... Tiens, tiens ! Que fait cette garcette au fond du coffre ? C'est donc un habitué des brochets qui ne prend pas de risque ! Des pansements adhésifs et de l'iode ... Serait-il prudent ou maladroit ! Une balance portative et un mesureur, un couteau à lames multiples, une bouteille de 6-12, un portefeuille à mouches et un thermomètre... Une loupe ? Pour regarder ses prises ou pour faire du feu ? Une boîte de papier absorbant et une savonnette, des bougies et des « pines » pour le moteur, un énorme briquet, une trousse de clefs anglaises... C'est plus un coffre, c'est un magasin ! Et pourquoi pas ?

Tout avoir

     Certains pêcheurs de ruisseaux ou certains fanatiques de la mouche ont le sourire en lisant l'énumération des objets de ce coffre, pourtant il n'y a rien d'exagéré ou d'inutile dans cette description. Ce coffre n'est évidemment pas fait pour être transporté dans un canot ou dans les chemins de portage, c'est le coffre de base d'un bon pêcheur, voilà tout. J'estime qu'il doit tout contenir et si j'ai volontairement omis certains objets personnels, tout ce qui a été dit plus haut reste. Si vous êtes un pêcheur « tous poissons », votre coffre doit être équipé pour toutes les pêches et rien ne doit manquer à bord. Ce n'est pas une fois arrivé sur le lac que vous aurez le loisir de vous équiper, mais avant ! Combien de parties de pêche ont été sérieusement compromises parce que des éléments essentiels du matériel de pêche avaient été oubliés ? En certaines circonstances, un simple clou peut « sauver la vie » du pêcheur dont le moteur vient de toucher le fond. Comment peut-on réparer un leurre, le modifier ou simplement redresser, aiguiser ou changer les hameçons quand on a ni lime, ni pinces, ni jeu complet d'hameçons de rechange ? Il faut être prêt à tout et prévoir le pire. Je me souviens d'un de ces accidents aussi rares que bêtes qui m'est arrivé en plein Baskatong. A la suite d'un violent choc sur un billot flottant, le carburateur de mon 25 forces s'est littéralement émietté ! Plus de carburateur, plus de moteur... et au moins dix milles à ramer ! Que faire ? J'ai tous les outils mais évidemment pas de carburateur de rechange car ça n'arrive « jamais » ! Heureusement, à force de fouiller le coffre, je découvre que le bouchon en fer de mon vaporisateur de 6-12 a exactement le même diamètre que le carburateur et sensiblement les mêmes dimensions ! (Evinrude 25 forces modèle, 1952). Réparation d'urgence qui m'a permis non seulement de revenir au camp, mais de continuer quand même ma journée de pêche et de terminer le reste de la fin de semaine ! J'espère que les moteurs plus modernes que le mien ont des verres incassables clans l'élément du carburateur ! Toujours est-il que mon coffre, d'année en année, s'enrichit de menus objets divers et de pièces de rechange dont je n'aurai probablement jamais besoin mais, précisément, on ne doit jamais dire « jamais » !

Rome en un jour ?

     En effet, Rome ne s'est pas bâtie en un jour, pas plus que votre coffre de pêche ne se complète en une saison. A moins d'être très riche, ce qui n'est pas mon cas et de loin, ça prend des années.

     Je conseille fortement à tous les pêcheurs d'avoir deux coffres. Un très grand qui contient TOUT et un plus modeste constitué à partir des éléments du gros. Vous abordez une petite rivière ou un ruisseau non navigable que vous désirez explorer, aménagez le second coffre portatif des leurres essentiels dont vous pensez avoir besoin. En tout cas, le « magasin général » n'est pas loin et en cas d'ennuis, vous pourrez toujours venir y puiser !

En conclusion

     Je ne vous ai pas dit TOUT ce que je savais — pour la bonne et simple raison que j'apprends chaque jour et que je découvre sans cesse et tout le temps mille et un raffinement de ce que je croyais connaître la veille ! S'il en était autrement, je ne serais plus amoureux de la pêche, par conséquent il vaudrait mieux que je ne pêche plus.

     S.D.

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