CHAPITRE III

L'APPORT QUÉBÉCOIS

CHAPITRE III; L'APPORT QUÉBÉCOIS
     Mais plus avant dans la petite histoire, nous retrouvons dans un écrit publié à Londres en 1845 quelques toilettes de mouches, dont quelques-unes particulièrement intéressantes: Il s'agit de "The Sportsman in Canada" dont l'auteur est Frederic Hildebrand Tolfrey, commis du département des Ordonnances du 103e régiment d'infanterie de l'armée britannique cantonnée à Québec. Il passe quelques années au Bas-Canada (Québec), de 1815 à 1817. Tolfrey nous raconte la vie trépidante que mène la milice en pays conquis: festins gastronomiques, soirées mondaines, courses de chevaux et, surtout, excursions de chasse et de pêche. Il chasse le canard à l'Ile-Verte, la bécassine et la bécasse à Château-Richer et à Beauport, la perdrix, la tourte et le pigeon un peu partout autour de Québec.

     Tolfrey pêche la truite sur la rivière Chaude, un affluent de la Jacques-Cartier, avec des mouches du nom de RED PALMER, BLUE DUN et BROWNE FLY; il taquine aussi la truite au pied de la chute Montmorency, truite abondante, mais qui ne grossit pas, comme il le dit. Sur la Chaudière, il pêche en aval et en amont des chutes, et les truites succombent aux SHOWY RED PALMERS, BROWNE DRAKES, RED ANTS et YELLOW DUNS. Sur la Saint-Charles, ses mouches de prédilection sont des mouches sombres: BROWNE PALMER, SPIDER, BLUE DUN et BAWTHORN AND WILLOW FLY. De plus, il mentionne qu'il y a du brochet et du doré sur la Saint-Charles, en allant vers l'Ancienne-Lorette.

      Mais ce qui semble lui plaire le plus, c'est la pêche au saumon. En compagnie du Major Browne, il fréquente la Jacques-Cartier, les fosses du pont Déry et de l'Hôpital. Peu après le départ de Tolfrey, soit en 1818, le roi George III, au nom de la Couronne britannique, acquiert la réserve de pêche de la Seigneurie de Pont-Rouge et la met à la disposition de la milice. Les officiers de la région militaire de Québec sont les premiers à avoir un club privé pour la pêche au saumon.

     Ce livre, qui date de 1845, a été traduit par notre compatriote, Paul-Louis Martin, sous le titre de "Tolfrey, un Aristocrate au Bas-Canada" et publié chez Boréal en 1979. Dans ce livre, Tolfrey nous révèle les toilettes de dix-huit mouches. Parmi celles-ci, et d'après la description qu'il en donne, sept sont des mouches sèches. Ces mouches sont des créations du Major Browne. De plus, Tolfrey nous informe qu'il a donné toutes les toilettes des mouches du Major à nul autre que William Blacker, du 54 Dean Street, à Soho, Londres. Blacker est l'un des plus célèbres monteurs de mouches et fabricants de cannes britanniques de cette époque. Il est donc possible que certaines mouches d'origine québécoise aient influencé les mouches et les monteurs britanniques en ce début de XIXe siècle. La seule chose que Tolfrey ne nous raconte pas, ce sont les techniques d'utilisation de ces mouches; lui et ses compagnons s'en servent-ils en noyées ou en sèches?

     Je vous dévoile maintenant les toilettes des sept mouches sèches du Major Browne.

MOUCHE #1 ou BROWNE PALMER (# 012); Hameçon: Limerick #8 ou #9; Fil de montage: blanc 6/0 ou 8/0; Cul: mohair, jaune; Queue: 2 segments de rémiges du colvert mâle.- Les placer dos à dos; Ailes: 2 segments de rectrices de faisane. - Les monter à 90° avec la hampe de l'hameçon; Côtes: (facultatives) cordonnet argenté ou doré; Palmure: daguettes de coq, brun rougeâtre. - Les cheniller sur toute la longueur du corps et derrière les côtes s'il y a lieu; Corps: 2/3 arrière; bourre de soies de porc, pourpre. 1/3 avant; bourre de soies de porc, cannelle foncé; Couronne: daguettes de coq, brun rougeâtre. - Les enrouler derrière, entre et devant les ailes; Tête: noire.

     NOTES: Le jaune était obtenu en teignant avec une décoction de bois jaune; le pourpre, avec la canneberge, le cannelle foncé, avec le quercitron.

MOUCHE #3 (# 013); Hameçon: Limerick #8 ou #9; Fil de montage: blanc 6/0 ou 8/0; Cul: laine jaune; Ailes: barbes d'une plume du plastron de la sarcelle mâle. - Les monter à 90° avec la hampe de l'hameçon. Les diviser en 2 parties égales; Côtes: cordonnet doré; Palmure: daguettes de coq, noires. - Les cheniller derrière les côtes; Corps: bourre de soies de porc, bleu foncé; Tête: Noire.

     NOTES: Le jaune était obtenu en teignant dans une décoction de pelures d'oignon; le bleu foncé, avec du lycopode.

MOUCHE #4 (# 014); Hameçon: grandeur #8 ou #9; Fil de montage: blanc 6/0 ou 8/0; Queue: plume d'aigrette du faisan doré; Ailes: barbes d'une plume bronzée du plastron d'un colvert mâle. - Les monter à 90° avec la hampe de l'hameçon. - Les diviser en 2 parties égales; Côtes facultatives: cordonnet doré; Palmure: daguettes de coq en rouge foncé. - Les cheniller sur toute la longueur du corps et derrière les côtes s'il y a lieu; Corps: bourre de soies de porc, bordeaux sombre; Couronne: daguettes de coq, rouge foncé. - Les enrouler derrière, entre et devant les ailes; Tête: noire.

     NOTES: Dans la description originale de la toilette, la couleur donnée pour les daguettes de la palmure et de la couronne est rouge foncé (dark red). Cependant, il faut savoir que, dans le monde des éleveurs de coqs de pêche, le rouge foncé est un brun roux foncé, car il n'y a pas de rouge naturel chez les volailles. La couleur bordeaux sombre était obtenue en teignant avec une décoction de cochenille.

MOUCHE #6 ou BROWNE FLY (# 015); Hameçon: Limerick #9; Fil de montage: blanc 6/0 ou 8/0; Queue: 2 segments de rectrices d'un colvert mâle; Ailes: 2 segments de rémiges du dindon sauvage. - Les monter à 90° avec la hampe de l'hameçon; Côtes: très petit cordonnet doré; Palmure: daguettes de coq, brun roux très foncé. - Les cheniller derrière les côtes sur toute la longueur du corps; Corps: bourre de soies de porc teinte en brun feu. - L'enrouler très serrée sur la hampe de l'hameçon. - L'ébouriffer pour en sortir les fibres; Couronne: daguette de coq, brun roux très foncé. - Les enrouler derrière, entre et devant les ailes; Tête: noire.

     NOTE: La couleur brun feu était obtenue en teignant avec une décoction de garance.

MOUCHE #7 (# 016); Hameçon: Limerick #7 ou #8; Fil de montage: blanc 6/0 ou 8/0; Ailes: 2 segments de rémiges du milan. - Les monter à 90° avec la hampe de l'hameçon; Côtes: lame dorée; Palmure: daguettes de coq, noires. - Les cheniller derrière les côtes; Corps: bourre de soies de porc teinte en cannelle clair; Couronne: daguettes de coq, noires. - Les enrouler derrière, entre et devant les ailes; Tête: laine noire.

     NOTE: La couleur cannelle clair était obtenue en teignant avec une décoction de garance.

MOUCHE #12 (# 017); Fil de montage: blanc 6/0 ou 8/0; Queue: 3 segments de rémige d'un colvert mâle; Ailes: barbes d'une plume bronzée du plastron d'un colvert mâle.- Les monter à 90° avec la hampe de l'hameçon. - Les diviser en 2 parties égales; Côtes: lame dorée; Palmure: daguettes de coq teintes en bordeaux. - Les cheniller derrière les côtes sur toute la longueur du corps; Corps: bourre de soies de porc teinte en orange; Couronne: daguettes de coq teinte en bordeaux. - Les enrouler derrière, entre et devant les ailes; Tête: noire.

     NOTE: La couleur bordeaux était obtenue en teignant avec une décoction de bois rouge et de bois de campêche; et l'orange, avec le safran et la garance.

MOUCHE #14 ou RED ANT (# 018); Fil de montage: noir 6/0 ou 8/0; Côtes: cordonnet doré; Palmure: 2 daguettes de coq, brun-roux. - Les cheniller derrière les côtes sur toute la longueur du corps; Corps: franges d'une plume de la traîne du paon; Couronne: daguettes de coq, brun roux. - Les enrouler très serrées à l'avant; Tête: noire.

     Le Major Browne fabrique ses mouches. Voici ce que nous raconte Tolfrey: «À ma première visite, je le trouve en train de préparer une partie de pêche. Il est dans son "sanctus sanctorium" meublé d'une armoire spéciale contenant fusils, cannes à pêche et tout l'attirail du sportif. Je le surpris assis à une table couverte d'ailes d'oiseaux, de plumes, de soies de cochon, de doublures, fourrures et poils de tous genres et de toutes couleurs; ajoutez à cela des nerfs de toutes grosseurs, tournés ou non tournés

     Donc, comme je l'avançais plus tôt, il semble raisonnable d'affirmer que les mouches qui viennent d'être décrites seraient des créations du Major. Aussi il faut remarquer que Tolfrey ne donne jamais le nom de ces mouches, alors qu'il nous dévoile les noms de toutes les mouches à truite qu'il utilise. Le major Browne fréquente bien sûr la Jacques-Cartier et ses affluents, mais aussi d'autres rivières à saumon, dont la rivière Miramichi et ses affluents. Une petite ville de cette région du Nouveau-Brunswick porte le nom de Brownetown; est-ce pour perpétuer sa mémoire? Serait-il possible de croire que quelques monteurs de mouches de cette région aient subi son influence?

     Dans la littérature québécoise, il ne faut pas laisser aux oubliettes les toilettes des mouches décrites par Richard Nettle, dans "Salmon Fisheries of the St-Lawrence", publié à Montréal en 1857. Il faut savoir que R. Nettle est un ardent défenseur du saumon. Sir Étienne-Pascal Taché le nomme "Surintendent of Fisheries" pour le Bas-Canada en 1857 et il devient, sept ans plus tard, le grand responsable du "Federal Department of Fisheries " pour les deux Canadas. Nettle possède aussi certaines notions scientifiques et, en se servant d'études effectuées en France et aux États-Unis, il construit une pisciculture au coin des rues Sainte-Ursule et Saint-Jean à Québec. L'Ovarium de Nettie fut le premier établissement à réussir l'alevinage du saumon en Amérique du Nord, en 1858. Comme surintendant des Pêcheries, il pourchasse et poursuit en justice les braconniers avec beaucoup de zèle; de ce fait, il peut compter de nombreux supporteurs, les pêcheurs du temps et le Gouverneur lui-même. Cependant, les grands propriétaires terriens, surtout ceux du Bas-Saint-Laurent, réussissent à avoir sa tête, et le 13 février 1864, il démissionne. Plus tard, il accepte le poste du président du "Land Returns Office of Upper Canada".

     Quand il est à Québec, Nettle aime bien pêcher le saumon sur la rivière Saint-Charles, entre le pont Scott et les chutes de Laurette. Comme vous pouvez le constater, ce n'est pas d'aujourd'hui que des gens travaillent à la cause du saumon.

     Dans un des chapitres de son livre, Nettle nous décrit quelques mouches et mentionne que ce sont des mouches utilisées sur les rivières à saumon se jetant dans le fleuve Saint-Laurent. Nous y retrouvons les toilettes de douze mouches, qui sont toutes, d'après leur description, des mouches sèches, à l'exception de la MOUCHE #6. Mais là encore, aucun renseignement sur la façon d'utiliser ces mouches.

MOUCHE #1 (# 019); Fil de montage: blanc 6/0 ou 8/0; Queue: segments de rémiges d'un colvert mâle.- Les attacher dos à dos; Ailes: segments de rémiges d'un colvert mâle.- Les monter à 90° avec la hampe de l'hameçon; Côtes: franges d'une plume de la traîne du paon; Palmure: daguettes de coq, rouges.- Les enrouler derrière les côtes sur toute la longueur du corps; Corps: bourre de soies de porc teinte en brun roux; Tête: noire.

     NOTES: Dans la description originale de la toilette, la couleur donnée pour les daguettes de la palmure est rouge (red). Cependant, il faut savoir que, dans le monde des éleveurs de coqs de pêche, le rouge est un brun, car il n'y a pas de rouge naturel chez les volailles. La couleur brun roux était obtenue en teignant avec une décoction de bois de campêche, garance et bois jaune.

MOUCHE #2 (# 020); Fil de montage: blanc 6/0 ou 8/0; Ailes: plume grise de plastron d'un colvert mâle.- Les monter à 90° avec la hampe de l'hameçon.- Les diviser en 2 parties égales; Côtes: lame dorée; Palmure: daguettes de coq, gingembre ou noires.- Les enrouler derrière les côtes sur toute la longueur du corps; Corps: bourre de soies de porc teinte en orange; Tête: noire.

     NOTE: L'orange était obtenu en teignant avec une décoction de safran et de garance.

MOUCHE #3 (# 021); Fil de montage: blanc 6/0 ou 8/0; Ailes: barbes d'une plume grise du plastron d'un colvert mâle.- Les monter à 90° avec la hampe de l'hameçon.- Les diviser en 2 parties égales; Côtes: lame argentée; Palmure: daguettes de coq, noires.- Les enrouler derrière les côtes sur toute la longueur du corps; Corps: bourre de soies de porc teinte en vert foncé; Tête: noire.

     NOTE: Le vert foncé était obtenu en teignant avec une décoction de bois jaune et d'indigo.

MOUCHE #4 (# 022); Fil de montage: blanc 6/0 ou 8/0; Queue: barbes d'une plume grise du plastron d'un colvert mâle; Ailes: barbes d'une plume grise du plastron d'un colvert mâle; Les monter à 90° avec la hampe de l'hameçon.- Les diviser en 2 parties égales; Côtes: cordonnet argenté; Palmure: daguettes de coq, gingembre.- Les enrouler derrière les côtes sur toute la longueur du corps; Corps: bourre de soies de porc teinte en gris; Tête: noire.

     NOTE: Le gris était obtenu en teignant avec une décoction de grande oseille.

MOUCHE #5 (# 023); Fil de montage: noir 6/0 ou 8/0; Queue: franges d'une plume de la traîne du paon; Ailes: segments de rectrices foncées du dindon sauvage.- Les monter à 90° avec la hampe de l'hameçon; Palmure: daguettes de coq, brun roux.- Les cheniller sur toute la longueur du corps; Corps: bourre de soies de porc teinte en brun jaunâtre; Tête: frange d'une plume de la traîne du paon.

     NOTE: Le brun jaunâtre était obtenu en teignant avec une décoction de cachou et de bois jaune.

MOUCHE #7 (# 024); Fil de montage: blanc 6/0 ou 8/0; Queue: barbes de daguette de coq, crème; Ailes: segments de rectrices du dindon sauvage.- Les monter à 90° avec la hampe de l'hameçon; Côtes: lame argentée; Palmure: daguettes de coq, noires.- Les cheniller derrière les côtes sur toute la longueur du corps; Corps: bourre de soies de porc teinte en crème; Tête: noire.

     NOTE: La teinte crème était obtenue en teignant dans une décoction de garance.

MOUCHE #8 (# 025); Fil de montage: blanc 6/0 ou 8/0; Ailes: segments de rémiges du dindon sauvage. - Les monter à 90° avec la hampe de l'hameçon; Côtes: lame dorée; Palmure: daguettes de coq, noires.- La cheniller derrière les côtes sur toute la longueur du corps; Corps: 1/2 arrière, mohair bordeaux. - 1/2 avant, mohair orange; Tête: noire.

     NOTE: La couleur bordeaux était obtenue en teignant avec une décoction et de bois rouge et bois de campêche.

MOUCHE #9 (# 026); Fil de montage: blanc 6/0 ou 8/0; Queue: franges d'une plume de la traîne du paon; Ailes: segments de rémiges du geai des chênes.- Les monter à 90° avec la hampe de l'hameçon; Côtes: lame argentée; Palmure: daguettes de coq, noires.- Les cheniller derrière les côtes sur toute la longueur du corps; Corps: laine vert pâle.- L'enrouler très serrée sur la hampe de l'hameçon.- L'ébouriffer pour en sortir les fibres; Tête: noire.

     NOTE: La couleur vert pâle était obtenue en teignant avec une décoction de bouleau blanc.

MOUCHE #10 (# 027); Fil de montage: blanc 6/0 ou 8/0; Queue: franges d'une plume de la traîne du paon; Ailes: segments de rémiges d'oie, grises.- Les monter à 90° avec la hampe de l'hameçon; Côtes: franges d'une plume de la traîne du paon; Palmure: daguettes de coq, noires.- Les enrouler derrière les côtes sur toute la longueur du corps; Cul: filoselle rouge; Corps: bourre de soies de porc teinte en bordeaux; Tête: noire.

     NOTE: La couleur bordeaux était obtenue en teignant avec une décoction de bois rouge et de bois de campêche.

MOUCHE #11 (# 028); Fil de montage: noir 6/0 ou 8/0; Ailes: segments de rémiges d'oie, grises.- Les attacher dos à dos; Palmure: daguettes de coq, noires.- Les cheniller sur toute la longueur du corps; Cul: filoselle jaune; Corps (gros): franges d'une plume de la traîne du paon; Tête: noire.

MOUCHE #12 (# 029); Fil de montage: blanc 6/0 ou 8/0; Queue: segments de rémiges du butor.- Les attacher dos à dos; Ailes: segments de rémiges du butor.- Les monter à 90° avec la hampe de l'hameçon; Côtes: franges d'une plume de la traîne du paon; Palmure: daguettes de coq, brun roux.- Les cheniller derrière les côtes sur toute la longueur du corps; Corps: bourre de soies de porc teinte en brun jaunâtre; Tête: noire.

     NOTE: Le brun jaunâtre était obtenu en teignant avec une décoction de cachou et de bois jaune.

     En 1860, Sir James Edouard Alexander édite à Londres, Angleterre, "Salmon Fishing in Canada by a Resident", l'oeuvre du docteur et révérend William-Agar Adamson. Nous retrouvons dans cet écrit la toilette de huit mouches utilisées à l'époque, aussi bien au Nouveau-Brunswick, sur la Miramichi et ses affluents, qu'au Québec, surtout sur la Jacques-Cartier. Parmi celles-ci, nous retrouvons une mouche sèche, la LANGEVIN. Cette mouche est aussi décrite par J.M. Lemoine dans "Les Pêcheries du Canada", publié en 1863. Lemoine dit de cette mouche: «Quant à cette dernière, appelée d'après celui qui l'a inventée, notre respecté compatriote M. Chs. Langevin, j'ose croire qu'il en est redevable d'un grand nombre de saumons qu'il pêche chaque été dans la Jacques-Cartier.» En 1864, cette mouche est encore citée dans "American Angler's Book", de Thaddeus Norris.

LANGEVIN (# 030); Fil de montage: blanc 6/0 ou 8/0; Ferret: cordonnet doré; Cul: filoselle de couleur jaune brillant; Queue: 2 segments très étroits de rémiges d'oie teintes en jaune brillant.- Les attacher dos à dos; Ailes: 2 segments de plumes de rémiges d'oie teintes en jaune brillant.- Les monter à 90° avec la hampe de l'hameçon; Côtes: cordonnet doré; Palmure: daguettes de coq teintes en jaune brillant.- Les cheniller derrière les côtes sur toute la longueur du corps; Corps: filoselle de couleur jaune brillant; Couronne: daguettes de coq teintes en jaune brillant.- Les enrouler derrière, entre et devant les ailes; Tête: frange d'une plume d'autruche, noire.

     NOTE: La couleur jaune brillant était obtenue en teignant avec une décoction de garance et de quercitron.

     J'ouvre ici une parenthèse: je ne sais où certains auteurs puisent leurs références, mais un fait est certain, beaucoup ignorent complètement l'art du montage de mouches et son histoire. Ils écrivent à peu près n'importe quoi. J'ai lu dernièrement que la LANGEVIN porte maintenant le nom de MICKEY FINN. Quelle aberration! La LANGEVIN est une mouche sèche, vous venez d'en lire la toilette, et tous savent que la MICKEY FINN est un streamer au corps argent, avec des ailes jaunes agrémentées d'une bande rouge au centre. La création de cette mouche remonte à beaucoup plus tard, soit au début des années 1930, et c'est John Alden Knight qui l'a popularisée. Knight affirme que cette mouche lui a été remise par Junior Vanderhoff, de New York. Cependant, il est possible que cette mouche soit une création d'un monteur québécois, comme certains le prétendent, mais aucun écrit ne nous le prouve. De là à affirmer que la LANGEVIN porte maintenant le nom de MICKEY FINN, il Y a loin de la coupe aux lèvres.

     Gary Anderson raconte que, lorsqu'il effectuait ses recherches pour écrire "Atlantic Salmon and the Fly Fisherman", il découvrit que la mouche sèche à saumon avait failli être inventée en 1873 ou 1874. Dans un article paru en 1876 dans "Scribner's Mounthly", il trouve un passage concernant la pêche sur la rivière York, à Gaspé. «La feuille tomba paisiblement à la surface de la fosse; je vis un saumon monter, prendre la feuille et l'entraîner avec lui au fond, ouvrir la gueule, et la regarder remonter vers la surface, quand un autre recommence, et un autre, et un autre, apparemment ravis de s'amuser comme des chatons.» Et Gary de rajouter ce commentaire: «Si cet auteur avait été un pêcheur de mouche sèche, je suis certain qu'il en aurait essayé une avec succès et pris un saumon de la rivière York à la sèche.»
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