Chapitre VII – Les l’Interprétations de Montées

     « ... l'observation sur le terrain n'a pas d'égal.»

     S.-J. V.

Que se passe-t-il vraiment quand la surface de l'eau bouillonne d'activité?

     La configuration des montées, ce sont les signes extérieurs de l'activité du poisson chassant les insectes en surface de l'eau. Cela prend la forme de sauts, de gobages, de «marsouinage », etc. Chacun de ces signes a une signification précise pour le moucheur expérimenté et l'interprétation précise de chacun est un gage de succès.

Que se passe-t-il vraiment quand la surface de l'eau bouillonne d'activité?
     Les anneaux concentriques, résultant de l'ascension de la truite vers un insecte flottant en surface, sont familiers à tous les moucheurs. Pour le puriste de la sèche, l'apparition d'un rond de gobage signifie que le moment est venu pour lui d'éteindre sa pipe, de refermer son carnet de notes et d'offrir son artificielle à la truite qui s'est rendue coupable d'avoir trahi sa présence.

     Pour le généraliste, cette perturbation signifie que se trouve là une truite venant se nourrir en surface. Il ne fera pas cas du genre d'insecte qui a incité ce poisson à se découvrir, pourvu qu'il ait la possibilité de le capturer à la sèche.

     Pour le moucheur intéressé par la configuration des montées, le « moucheron nage » indique qu'il se trouve dans les parages un poisson qui se nourrit. Avant de mettre ses engins à l'épreuve, il lui faudra étudier la configuration de la perturbation. Par expérience ou analyse, il pourra déduire de quelle famille et à quel stade de développement est l'insecte à l'origine du gobage et c'est seulement après être sûr de l'avoir identifié, qu'il tentera de l'imiter en présentant l'artificielle la plus appropriée.

     Pour le pêcheur qui n'a pas approfondi l'art de la mouche, n'importe quel dérangement en surface signifie la présence d'un poisson; il se dépêchera d'employer la première mouche lui tombant sous la main. Mais son succès risque d'être très relatif.

     Les rides, concentriques ou pas, qui s'éloignent en ondulant du point où s'est produite une percée ou une perturbation subaquatique, intéressent l'analyste des montées. Nous allons donc considérer douze types différents de montées et les interpréter. Si vous voulez tirer pleinement profit de ces explications, je vous suggère d'en garder une copie dans la poche de votre veste et de les revoir au moment où le poisson se manifeste à la surface de l'eau.

Montées subaquatiques

     Elles se produisent lorsque les truites se nourrissent sous la surface. Dans ce cas-là, elles se gavent de nymphes, de larves ou pupes de phryganes, de crevettes et parfois d'autres espèces animales. Nous retrouvons dans cette classe quatre montées principales: la «poussée», la «bombette», l'«éventail» et le «miroitement».

La «Poussée»

     Le déplacement de l'eau à la surface, que j'identifie comme «poussée», survient lorsque la truite laisse son repaire, descend le courant, gobe une nymphe et exécute un tête-à-queue vigoureux lui permettant de réintégrer sa position originale.

     Dans une fosse ou une eau relativement calme, la surface de l'eau se gonfle mais ne se fend pas. Dans un radier, il ne se produit pas de gonflement, mais on peut discerner un miroitement lorsque la truite exécute le tête-à-queue.
La Poussée
La «Bombette»

     La «bombette» ressemble à la «poussée» au point même de s'y tromper. Le déplacement de l'eau à la surface accuse alors une forme allongée issue d'une montée normale de la truite qui, au dernier instant, gobe une nymphe se dirigeant vers la surface pour éclore ou une pupe de moucheron suspendue à quelques centimètres de la surface.
La Bombette
L’«éventail»

     Le plus simple à distinguer et à identifier, l'«éventail», n'est cependant pas une montée. Il est le résultat de la position que prend la truite happant les nymphes au fond de l'eau. La truite «plante le chêne» ou, si vous préférez, se maintient queue en l'air et tête en bas. Dans une eau peu profonde la queue fend la surface, on l'aperçoit alors décrivant des mouvements de gauche à droite, nécessaires au maintien de la truite dans cette position.
L’éventail
Le «Miroitement»

     Cette montée subaquatique n'entraîne souvent aucun déplacement à la surface de l'eau. Le « miroitement », perçu par l'oeil du moucheur avisé, est le reflet de la lumière sur les écailles d'une truite qui se contorsionne pour détacher et happer les crevettes qui s'agrippent aux rochers jonchant le fond de la rivière.
Le Miroitement

Montées suraquatiques

     Dans le cas d'une montée suraquatique, le comportement de la truite est toujours trahi par un déchirement de la surface de l'eau. Cette rupture entraîne la création et la dispersion de rides circulaires; elles sont toujours présentes lors d'une éclosion majeure d'éphémères. Je compte cinq montées différentes dans cette catégorie: la «ventouse», le «siphon», la «crevée», la «pyramide» et le «saut ».

La «Ventouse»

     La «ventouse» est créée par une truite qui, en position quasi verticale, aspire un insecte qui vogue à la surface. La «ventouse» se produit lorsque la truite aspire une petite quantité d'air en prenant l'insecte; cet air s'échappe par ses ouïes lorsqu'elle referme la gueule et reprend sa position au fond de l'eau.

     Il arrive que cette montée soit accompagnée d'un petit bruit perceptible par un moucheur à l'oreille entraînée. Cette montée en ventouse se caractérise par une vague circulaire qui, après un petit instant de pseudo-stabilité, rayonne vers l'extérieur jusqu'au moment où les rides secondaires couvrent une aire généreuse. J'ai observé que la Hendrickson et la March Brown amènent ce type de montée, de même que certaine autres éphémères qui voguent à la surface pendant la ponte de leurs oeufs.
La Ventouse
Le «Siphon»

     Le «siphon» est un «embryon» de la ventouse et se prévaut de qualités de paresse et de confiance désarmantes. Cette montée n'est pas réservée aux moucherons et aux pupes. Les insectes qui tombent à l'eau sous les arbres ou arbustes en surplomb sont souvent gobés ainsi par de grosses truites.

     Le «siphon» se distingue de la «ventouse» par le type de gobage. Durant cette montée, la truite n'aspire pas d'air et la minuscule auréole est due au déplacement de l'eau en tourbillon causé par le retrait de sa tête.
Le Siphon
La «Crevée»

     La «crevée» est causée par une attaque soudaine de la truite qui s'élance hors de l'eau lorsqu'elle désire impatiemment une phrygane ou une Green Drake qui essaie de se dégager de sa carapace nymphale et de voler vers la liberté.

     Cette montée n'est intéressante que si le moucheur peut identifier l'insecte qu’invite sa proie. Même une terrestre poussée par le vent en surface peut entraîner la charge de la truite si elle est en chasse.
La Crevée
La «Pyramide»

     Cette montée est la projection en hauteur d'une colonne d'eau. Cette minuscule colonne est plus large à sa base et se termine en espèce de pinceau; j'en ai observées le plus souvent à la brunante et elles apparaissent blanches sur un fond sombre.

     La «pyramide» est révélatrice de la présence de phrygane. Lorsque la nymphe de la phrygane atteint la surface, l'insecte ailé essaie vigoureusement de se défaire de sa carapace. Cette action excite la truite qui, comme dans le cas de la «crevée», se rue vers sa victime mais, la gobant, arrête son élan. Ce déplacement projette une petite colonne d'eau dont la forme s'apparente à celle d'une pyramide.
La Pyramide
Le «Saut»

     Cette montée foudroyante se produit durant l'euphorie d'une éclosion. La truite attrape l'insecte ailé dans les airs ou encore, en retombant, gobe celui qui assèche ses ailes à la surface. Souvent, la truite exécute ce saut lorsqu'elle happe une nymphe qui tente de percer la surface. C'est une montée spectaculaire qui se produit le soir.
Le Saut

Montées en chasse

     Le déplacement de l'eau causé par les agissements des truites qui se baladent près de la surface en quête de nourriture est généralement à l'origine de ce type de montée. Trois types de montées en chasse me sont connus: le «marsouinage», le «tête-à-queue» et le «sirotage».

Le «Marsouinage»

     Ce terme décrit à la perfection une action particulière de la truite, bien qu'il soit employé à tort et à travers par les pêcheurs et les auteurs qui n'ont pas approfondi cette discipline qu'est l'identification des montées. La truite «marsouine» lorsqu'elle imite son cousin des mers, en décrivant un arc en surface, avec son dos, dans un gracieux mouvement. J'ai longtemps associé cette montée au gobage des spent spinners (éphémères adultes mortes), mais mes expériences me portent à croire que les terrestres noyées et même certaines nymphes qui hésitent à quelques centimètres de la surface causent à l'occasion ce ballet de la truite.
Le Marsouinage
Le «Tête-à-queue»

     Le «tête-à-queue» est la plus commune et la plus importante des montées suraquatiques. Dans cet exercice, la truite fend l'eau avec sa tête et repique du nez vers le fond. La queue demeure apparente un instant avant de dis- paraître dans un battement. Cette montée est rituelle et survient quand la truite prend les spent spinners, les duns (jeunes adultes, subimagos) et les pupes de moucherons (gnats).
Le Tête-à-queue
Le «Sirotage»

     La surface n'est pas brisée dans cette montée qui s'apparente à un doux siphon nage d'un petit insecte du genre des diptères. Le «sirotaqe » est caractérisé par un ou deux minuscules anneaux qui se dissipent en un rien de temps.
Le Sirotage
Conclusion

     Les dessins qui accompagnent ce chapitre sont assez représentatifs des montées décrites, mais n'oubliez pas que l'observation sur le terrain n'a pas d'égale. Un carnet a toujours sa place dans une veste de moucheur et son rôle se voit valorisé lorsqu'il est employé à noter les caractéristiques des montées dont on est témoin.
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