Chapitre XV

     C'est possiblement une création du Rév. Elmer Smith, de Prince William, au Nouveau-Brunswick, bien qu'à la même époque, certains saumoniers de la Matane pêchent avec des sèches que l'on appellent MINOUNES. Ces MINOUNES ressemblent quelque peu aux BOMBERS. Je constate cependant que, sur la mouche d'origine québécoise, la palmure est plus fournie et possède une espèce de couronne derrière les ailes. Mais comme nous n'avons rien concernant le créateur de la MINOUNE et la date de cette création, nous donnerons le bénéfice du doute au Révérend Père Smith.

     Le Rév. Smith naquit à Philadelphie, en Pennsylvanie, en 1915. Il fit ses premières armes à la pêche à la mouche avec son paternel et fréquenta assidûment les côtes atlantiques du New Jersey.

     Voici ce que raconte Bill Cumming, de Woodbury, au Connecticut: « » Observant la scène, le Père Smith conclut que la truite fut attirée par l'agitation de cette souris qui labourait la surface de l'eau ou flottait naturellement avec le courant, et il lui vint l'idée que le saumon pourrait être attiré par les mêmes effets.

     Au lieu de monter une mouche semblable à la souris du jeune pêcheur, le Révérend donna à son poil de chevreuil une forme cylindrique se rapprochant de celle d'un cigare, afin de ne pas nuire au ferrage de l'hameçon. De plus, il ajouta une plume souple chenillée tout autour du corps de la mouche, pour qu'elle travaille bien sous le film de l'eau. La saison suivante, sur la Miramichi, le Père Smith a le plaisir de découvrir que cette nouvelle mouche est également efficace sous l'eau, en labourant l'onde, ou en patinant naturellement à la surface.

     D'autres comme Poul Jorgensen, auteur de "Salmon Flies their Character, Style, and Dressing", publié en 1978, accorde la paternité de la BOMBER à un M. Ben Schley, mais ne donne qu'une date approximative. Voici ce que Jorgensen raconte: «La BOMBER fit son apparition grâce à Ben Schley lorsque nous étions tous deux à un congrès de Trout Unlimited, qui se tenait à Washington D. C., il y a de cela quelques années. En plus d'être un superbe écrivain et un partisan de la protection de l'environnement, il est également un ardent pêcheur de saumon toujours en possession d'une nouvelle mouche en poche ou sur le point de vous en dessiner une. La simplicité de la BOMBER se grava dans mon esprit, quoique, dans mon for intérieur, j'espérais ne jamais avoir à insulter un saumon avec une telle BOMBE, tant et aussi longtemps que j'aurais des plumes exotiques dans mes boîtes de montage. Bien sûr que j'ai changé d'avis depuis. Cette mouche ne ressemble peut-être pas à une mouche à saumon conventionnelle, même pas à une WULFF, mais elle fonctionne mieux que bien d'autres quand Salmo salar veut mordre.»

     En toute honnêteté, nous nous devons d'accorder la paternité de la BOMBER au Révérend Elmer Smith. Cependant, bien avant, dans les années 20, un certain F. Gray Griswold, que tous considèrent comme un incorrigible snob, fut innovateur à sa façon. Auteur de plusieurs livres qu'il publia lui-même à titre d'auteur, sur des sujets aussi variés que les arts, la chasse au renard, les courses, la fine cuisine, les vins rares et la pêche, qu'il considère comme une vraie récréation, Griswold transgresse ses propres règles, pêche et prend deux saumons sur la Grande Cascapédia avec une mouche de sa création, soit une BASS BUG à achigan, en poils de chevreuil taillés. Et ce, devant les guides qui ne connaissaient rien d'autre que les mouches noyées. Cette mouche est et demeure oubliée. Ceci nous est raconté par Gary Anderson, dans "Atlantic Salmon & the Fly Fisherman".

     Lors du montage, il est impératif de bien dégager le dessous de la mouche et la pointe de l'hameçon. De plus, pour assurer une meilleure flottabilité, il est préférable d'utiliser des lancettes de qualité #1 ou #2, et jamais moins de deux par mouche. Certains monteurs prétendent que les poils de caribou assurent une meilleure flottabilité à la mouche que les poils du chevreuil. Selon les essais que j'ai effectués, ce n'est pas la sorte de poils qui compte, mais la densité du compactage donné aux poils et la qualité des daguettes ou des lancettes qui chenillent la mouche lors du montage.

     C'est une mouche avec laquelle on pêche de façon traditionnelle, soit vers l'amont de la rivière, puis en la laissant descendre librement au-dessus de Salmo salar au repos. Il faut prendre garde de ne pas arracher l'offrande trop tôt après son passage au-dessus du saumon; souvent, celui-ci attend que la mouche soit passée, parfois même de plus de deux mètres derrière lui pour déclencher l'attaque meurtrière. Quand la mouche arrive au bout de sa course, laissez-la un moment labourer et se noyer dans le courant, le saumon la prendra parfois à ce moment-là.

     C'est aussi une bonne mouche d'exploration. Utilisez-la pour pêcher sur, dans et sous l'eau!

     Le gros saumon, tout comme le madeleineau, ne monte que sur de petites ou de très grosses BOMBERS; sur la Matane, seules les grosses mouches l'intéressent semble-t-il, alors qu'ailleurs, seulement les petites offrandes l'intéressent. Je pense qu'il faut avoir dans ses boîtes des mouches de toutes dimensions, au cas où.

     Et la couleur alors?

     Naturel, blanc, bleu, brun, jaune, mauve, rouge, vert foncé, vert feuille, vert pâle, violet, fluorescent ou pas, chenillées par des daguettes naturelles ou de couleur, fluorescentes ou pas, vous n'avez que le choix. Mais soyez sûrs d'une chose, c'est Salar qui a toujours le dernier choix.
Maintenant il y a un problème! Quelles différences y a-t-il entre une BOMBER, une BOMBER QUÉBÉCOISE, une : MINOUNE, une BUCK BUG, un OISEAU et une WISKER?

     Se sont des mouches qui ont une ressemblance certaine. Souvent il y une différence marquée pour la même mouche d'une rivière à l'autre et d'un monteur à l'autre. Ici, nous tenterons de mettre un certain ordre dans ce fouillis, en décrivant chacune de ces mouches telle qu'elle a été construite par son créateur.

     NOTE: La daguette de la palmure doit être attachée par le rachis (gros bout) et non par la pointe.

     En 1971, Jean-Guy "Fil-Uni" Côté nous propose la première mouche de type BOMBER avec le corps en mousse (foam). Lors d'un voyage sur la rivière Matane, plusieurs jeunes saumoniers sont en train de discuter de mouches, et Jean-Guy, qui déjà monte des mouches commercialement, entre autres des sauterelles avec le corps en mousse, exhibe aux autres des BOMBERS dont le corps est monté avec ce matériau. Serge J. Vincent "pique" une mouche dans la boîte de Jean-Guy et descend à la rivière. Moins d'une heure plus tard, il revient avec un magnifique saumon. La mouche de Côté a reçu son baptême ce jour-là et depuis, beaucoup de saumons en ont été victimes. Au cours des années qui suivent, Jean-Guy donne des ateliers et des conférences aussi bien dans les Forums ATOS que pour des associations locales de moucheurs et de monteurs de mouches, sur l'utilisation des formes de mousse dans le montage.

     Comme je le mentionnais précédemment, quelles sont les différences entre la BOMBER d'origine et la BOMBER QUÉBÉCOISE?

     Ces différences sont surtout dues en premier lieu à la qualité des daguettes utilisées pour former la palmure; un second élément de différence relève des connaissances des théories de montage de mouches sèches; finalement, la BOMBER de Smith n'a qu'une aile de la même longueur que la queue, alors que la BOMBER QUÉBÉCOISE possède deux ailes légèrement plus longues que la queue.

     De plus, après en avoir fait l'essai, les BOMBERS d'inspiration québécoise flottent plus longtemps et plus haut que celles venues du Nouveau-Brunswick. Ici, je me permets de vous raconter une petite anecdote. Après la parution du livre de Dick Stewart et de Farrow Allen, "Flies for Atlantic Salmon", je reçois un appel téléphonique de Daniel Dufour, mon ami d'Amqui: «Denys, as-tu vu lé BOMBER d'Doak pi d'Stewart qu'y ont mis dans le livre, cé des BUGS avec des ailes, y savent pas monter comme ceuse là,  s autres,jamaisj 'pourrais vendre des mouches montées comme euss autre, jamais j’pourrais vendre des mouches montées comme ceuse là, y veullent ti rire de nous autres, jamais Claude (Bernard) n'aurait donné des mouches mal montées comme cà pour s'faire voir dans c'livre, y va ti falloir leu montrer à monter des BOMBERS asteure. J'te dis un maudit beau livre, p'avec des mouches atroces comme cà. R'garde la CANUEL d'Raynald, la CHOCOLATE HUMPBACK d'Pontbriand, la HAZEL d'Leblanc, la KILLER WHISKER d'Gendron, laLEFRACOIS d'Maul, cà cédé mouches montées comifaut pi par dé gars qui connaissent cà. Cé nous autres q'y auraient du prendre pour monter cé mouches-là, y auraient été ben mieux faites que ceusse-là, pi d'un maudit bon boutte. Cé ben vrai, comme tu le dis souvent, lé meilleurs monteurs de mouches à saumon au monde cé nous autres, pi de loin à par çà.»

     Et à bien y penser, la BOMBER MOUSSE de Jean-Guy Côté est-elle pour quelque chose dans les différences qu'il y a entre les deux races de BOMBERS?

     Je recevais dernièrement un envoi de Jean-Marc Lacroix, d'Omerville. Ce paquet contenait une MINOUNE à LACROIX, une mouche fort populaire dans ce coin de pays.
Jean-Marc a monté cette mouche pour la première fois en 1965 sur un hameçon à truite Mustad 79580 # 10 ou #14. Comme il me le mentionne, ce1le-ci dut subir bien des modification avant d'arriver à sa forme actuelle, qui date de 1976.