Dans L’Antre du Gouffre

    Il est quinze heures. Un soleil radieux, presque trop chaud, plombe sur la campagne qui se défait tranquillement de l’été en ce milieu d’août. Comme bien des pêcheurs de saumon qui résident à Québec, mon frère Guillaume et moi avons planifié une soirée de pêche hors du commun dans la région de Charlevoix. Je dis « hors du commun », parce que chaque jour de pêche au saumon offre quelque chose d’innommable, une sorte de magie qui effleure les eaux de la rivière et qui ne se sent pas ailleurs lorsque l’on pêche d’autres espèces de poisson. Nous sommes à Saint-Urbain, là où la rivière du Gouffre serpente les terres pour aboutir dans la Baie Saint-Paul. Après avoir pris un droit de pêche journalier à l’accueil (Motel Chez Laurent) au coût de 35 $, car il n’y a pas encore de tarif pour les demi-journées, nous prenons la Route des montagnes. Une dizaine de minutes plus tard, j’engage la voiture dans l’allée rocailleuse menant aux fosses à Lionel, des 6 arpents et à Lacue (ou D’Laccue).
Dans L’Antre du Gouffre
     Après avoir parcouru les fosses du secteur très rapidement, dans le but avoué de trouver la meilleure fosse pour la fin du jour, nous rencontrons José Tremblay, un pêcheur de Québec qui prend son droit de pêche annuel depuis quelques années. Il n’est pas le seul ainsi, on rencontre beaucoup de pêcheurs qui, comme lui, se sauvent à la hâte de la Capitale pour venir passer quelques mouches dans les fosses de la Gouffre le soir venu. José fait le point sur la saison : jusqu’à maintenant, une cinquantaine de grilses ont été pris, tandis qu’il s’en prend environ 75, bon an mal an, sur cette rivière. La montaison est relativement régulière puisque près de 350 saumons ont franchi la barrière de comptage. La discussion est fort intéressante, les anecdotes surgissent de toute part mais, le soleil s’effaçant de plus en plus, elle prend fin au profit de la pêche.

     Je présente ici cinq fosses issues de deux secteurs de rivière très rapprochés l’un de l’autre. En véhicule, il faut effectivement moins de dix minutes pour couvrir les deux secteurs. Les informations fournies ici risquent d’accentuer votre efficacité à la pêche sur cette rivière. Il sera d’abord question de la fosse à Lionel, des 6 arpents et de la fosse à Lacue et la fosse à Marc.

La Fosse à Lionel

La Fosse à Lionel
     La fosse à Lionel est formée d’un long rapide qui s’étend sur environ 120 pieds. Pour rejoindre la rive opposée, des lancers d’une cinquantaine de pieds suffisent, si bien qu’il s’agit, comme la très grande majorité des fosses de la rivière, d’un endroit de pêche accessible à tous. L’an dernier, des travaux d’aménagement y ont eu cours et visaient à modifier l’enrochement de la fosse dans le but de la rendre encore plus attrayante pour le saumon. Apparemment, les résultats escomptés ont déçu les pêcheurs et les roches ont été déplacées cette année afin de redonner à la fosse sa configuration naturelle. Le saumon est revenu à ces anciens amours cette saison et plusieurs pêcheurs y ont pris leur saumon cette année.

     En raison de la force du courant, il s’agit d’une fosse relativement facile à pêcher. Le pêcheur moyennement aguerri arrivera à moucher sans s’accrocher dans la végétation qui borde la rive. La possibilité de faire des erreurs lors du combat y est mince aussi, car les obstacles naturels sont absents. Lorsqu’on pêche cette fosse, il faut bien faire attention de balayer l’ensemble de la fosse. Certains pêcheurs arrêtent leur « drop » avant l’allée qui donne accès à la rivière depuis le chemin d’accès (à la hauteur de la pancarte sur la photo). Assurez-vous que votre mouche couvre ce secteur. Près de la rive opposée, quelques roches intéressantes abritent du saumon. C’est peut-être le meilleur endroit pour essayer une sèche, quoique le rapide le permette aussi.

La Fosse des 6 Arpents

La Fosse des 6 Arpents
     Située aux pieds d’un majestueux cap de sable, la fosse des 6 arpents contient presque toujours du saumon. Cette fosse est un leurre redoutable pour le pêcheur non expérimenté. En effet, elle contient du saumon, mais il est difficile à pêcher. Le courant y est irrégulier si bien que la soie (et donc la mouche) est rarement dans une position adéquate pour susciter l’intérêt du saumon, sauf au moment où l’eau est haute ou moyennement haute. Aussi, le courant central revient vers la rive opposée. Des saumons y trouvent refuge et s’y oxygènent convenablement, mais ils sont dans le « mou » : impossible de les intéresser d’une façon quelconque. Inutile de traverser la rivière en pensant faire quelque chose avec ses saumons non plus. Certains pêcheurs passent une bonne partie de la journée dans cette fosse, trop souvent en vain. Vaut mieux parfois moucher sur des roches que sur du saumon « impêchable ».

     Lorsqu’on pêche cette fosse, il faut s’attarder au pied du courant, la mouche arrivant à la hauteur du bouleau blanc, et même une dizaine de pieds en amont. Une fois ce secteur couvert avec des extensions d’environ une dizaine de pouces, il faut allonger l’extension pour le coeur de la fosse. La profondeur d’eau y est très importante et le pêcheur qui étend sa soie de six pouces par lancer perd son temps. Je ne dis pas de négliger cette deuxième partie de la fosse, mais il faut la pêcher un peu plus rapidement, en allongeant la soie d’un pied et demi par lancer. On doit accorder à la troisième partie de cette fosse le même intérêt qu’à la première et encore là, la sèche pourra s’avérer un atout indéniable.

La Fosse à Lacue

La Fosse à Lacue
     La fosse à Lacue est légèrement en aval des deux précédentes et l’achalandage y est moindre. Son potentiel de rétention est beaucoup plus faible que les deux précédentes également. Malgré tout, le saumon y est bien présent.

     Pour accéder à la fosse, une petite marche de trois minutes est nécessaire. C’est suffisant pour décourager bien du monde. Pour bien pêcher la fosse, des cuissardes ou des bottes sont nécessaires. Il faut aller se positionner dans la rivière juste à côté de la tête de la fosse. Un bon moucheur pourra balayer la fosse entièrement de là. La « drop » devrait commencer au milieu du rapide. L’eau y circule vivement, mais certains saumons, surtout le soir, peuvent s’y trouver. Le point chaud de la fosse se situe évidemment dans le coude de la rivière. Si vous regarder la photo de la fosse, vous remarquerez trois roches près de la tête de l’arbre mort. Certains pêcheurs me disent avoir capturé parfois du saumon dans le pied de la fosse près de roches submergées. Il vaut peut-être la peine de passer une mouche ou deux dans ce secteur, mais l’intérêt premier du pêcheur devrait se situer entre le milieu du rapide et la fin de l’arbre mort (espérons qu’il ne parte pas lors de la prochaine crue!).

La Fosse à Marc

La Fosse à Marc
     Pour se rendre à la fosse à Marc, il faut garer la voiture et marcher dans un champ environ quatre à cinq minutes. Cette fosse ressemble à la fosse à Lionel, s’étendant d’une façon longiligne, sauf que les saumons y sont plus preneurs. Cette fosse représente un attrait majeur en début de saison. Beaucoup de roches se trouvent dans le lit de la rivière à cet endroit et le saumon y fait halte. Fait étrange, les pêcheurs s’installent sur la rive surélevée pour pêcher. Autrement dit, le saumon se trouve une dizaine de pieds plus bas que le pêcheur. Ce positionnement ne présente pas d’inconvénient réel, sauf pour le combat. En effet, le saumon ne peut pas être sauvé ainsi, il faut que le pêcheur, ou un confrère, descende l’escarpement qui est relativement abrupte. Le nombre de captures n’est pas assez important pour que les pêcheurs descendent à la hauteur de l’eau pour effectuer leur « drop » et ainsi avoir une meilleure chance de sauver le saumon piqué. La fosse se pêche une dizaine de pieds en aval de l’escalier pour franchir la clôture jusqu’à la première touffe de buissons rencontrée sur la rive.

     Les fosses présentées ici sont relativement populaires. La rivière du Gouffre compte 81 fosses où il est possible d’étendre la soie. N’hésitez pas à fréquenter d’autres fosses, le saumon est un peu partout, il suffit de le trouver.

Références

» Texte et Photos Sébastien Turcotte (2007).
» FQSA.
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