Des Truites pour tous les Goûts…

     La pourvoirie Poulin de Courval, située dans les monts Valin, au nord-est de Chicoutimi, possède une cinquantaine de lacs sur ses 114 hm carré de territoire. C'est le royaume de la truite mouchetée!

     Il vente «à écorner les boeufs» en ce début d'après-midi de la mi-juin, alors que mon compagnon et moi embarquons nos équipements de pêche à bord du freighter. Aussi loin que la vue peut porter, les eaux du grand lac Poulin de Courval affichent d'innombrables «moutons blancs», signe indéniable que la prudence s'impose pour quiconque veut s'aventurer sur les vagues de cette mer intérieure. «Nous allons gagner une pointe que je connais bien, située à l'autre bout du lac», mentionne Pierre Charlish, guide montagnais de Pointe-Bleue à l'emploi de la pourvoirie Poulin de Courval, «par un vent pareil, les truites s'y rassemblent afin de recueillir la nourriture charriée par le mouvement de l'eau».

     Quelques minutes plus tard, notre bateau s'engage sur les eaux agitées. Une fois de plus, je peux apprécier le sentiment de sécurité que confère cette voiture d'eau de 24 pieds naviguant dans des conditions difficiles. De plus, Pierre la conduit de main de maître, tentant le plus possible de tirer profit de la configuration des berges qui freinent les ardeurs du dieu Éole.

     Une fois rendus à la pointe, l'ancre est déposée et c'est à notre tour de... travailler. Pierre avait dit juste : nous sommes en plein vent, lequel souffle parfois en bourrasque. Nous devons rapidement abandonner l'idée de pêcher à la mouche, car nous mettrions alors en péril les occupants de l'embarcation, en raison de l'impossibilité de maîtriser la soie à moucher. Nous optons alors pour le lancer ultra léger muni d'une cuillère ondulante et d'un ver de terre. Même si nous sommes à la mi-juin, les eaux glaciales rappellent les conditions de pêche du printemps. En fait, le lac n'est «calé» que depuis trois semaines environ. L'eau affiche une transparence qui n'a d'égale que celle de certaines rivières à saumon de la Gaspésie. Avec l'effet combiné du soleil et des lunettes à verres polarisés, on aperçoit facilement les grosses roches meublant le fond. Debout dans le grand canot sécuritaire, nos vestes de sécurité bien attachées, il devient donc possible de pêcher à vue en faisant voyager le leurre au-dessus des repaires présumés des grosses truites, que j'imagine à l'affût de toute proie à se mettre sous la dent. Les résultats ne tardent pas : nous capturons une quinzaine de belles grosses truites vigoureuses et colorées à souhait.

Le territoire

     C'est ainsi qu'a débuté mon premier voyage à la pourvoirie Poulin de Courval, située dans les monts Valin, au nord-est de Chicoutimi. Je faisais partie d'un groupe de chroniqueurs de chasse et pêche qu'avaient invité Roger Demers et Brigitte Béchard, de Lévis, deux des cinq copropriétaires de cette pourvoirie.
Le territoire du Poulin de Courval occupe une surface de 114 km2. On y dénombre une cinquantaine de lacs entourés et protégés par la forêt. C'est le paradis exclusif de la truite mouchetée. Évidemment, le grand lac Poulin de Courval est le plus imposant des plans d'eau du territoire. Sa superficie atteint 29 km2 et le pourtour de ses berges fait près de 120 km. L'ensemble du réseau hydrographique du Poulin de Courval a ceci de particulier : aucune espèce de poisson ne peut l'atteindre en empruntant les «voies naturelles». En effet, les lacs de la pourvoirie se déversent dans le Poulin de Courval qui, à son tour, alimente la rivière Aux Sables. Or, la tête de cette rivière montre une dénivellation importante (près de 150 pieds s'étendant sur une distance de 450 pieds seulement); il est donc impossible pour toute espèce de poisson de franchir cet obstacle, ce qui assure du même coup la «pureté» des plans d'eau situés en amont.

     D'ailleurs, des biologistes du MLCP ont déjà avancé que le Poulin de Courval était le plus grand lac d'Amérique du Nord, voire du monde entier, contenant exclusivement de la truite mouchetée indigène. Tous les autres plans d'eau du territoire contiennent également de la truite mouchetée. La longueur moyenne des truites varie entre 12 et 15 pouces, mais ces lacs abritent aussi des truites beaucoup plus grosses, comme en témoignent les captures fréquentes des pêcheurs ainsi que les lectures faites au moyen de sonars. Au cours de notre séjour, George Gruenefeld, de la Gazette de Montréal, a séduit une belle mouchetée de 3 lb en péchant avec une grosse nymphe. À chaque année, des pêcheurs capturent des truites de 5 à 6 lb, et même parfois plus.

     À mon avis, un des attraits particuliers de cette pourvoirie réside dans la possibilité de pêcher dans de petits lacs que l'on atteint facilement en empruntant des sentiers bien aménagés. Ce sont pour la plupart des petits lacs de tête qui contiennent des spécimens parfois impressionnants. Chacun de ces plans d'eau compte une embarcation. C'est l'endroit idéal pour les amateurs de pêche à la mouche, car la forêt et les montagnes environnantes font obstacle au vent sur bon nombre de ces petits lacs. André-A. Bellemare et Henri Meunier, gérant de la pourvoirie, ont passé un après-midi mémorable sur un de ces petits lacs : ils ont capturé et remis à l'eau 22 truites dont la longueur variait entre 15 et 17 pouces. André a eu un plaisir fou à rendre... folles les truites, en leur présentant son inséparable «Delta noire à gros cul».

Gestion du territoire

     «Au cours des prochaines années, nous mettrons l'accent sur l'aménagement des cours d'eau», me soulignent Roger Demers et Brigitte Béchard. «Nous tenons à assurer un renouvellement, voire une augmentation, des populations de truites mouchetées dans les plans d'eau de notre territoire, dans le but de toujours offrir la meilleure qualité de pêche possible à nos clients dans les années à venir; pour nous, l'amélioration de cette qualité de pêche passe obligatoirement par une utilisation optimale des ressources du territoire». Ainsi, il ne saurait être question d'ensemencer des truites provenant d'une pisciculture. La voie que ces co-propriétaires ont choisie est certes la plus longue, mais elle assure en même temps le meilleur potentiel à long terme, tout en respectant ce que la nature a mis des milliers d'années à construire.
 
     Le territoire abrite un grand nombre de castors, dont les travaux bloquent les affluents tributaires de certains lacs, empêchant ainsi les truites de se déplacer d'un plan d'eau à l'autre tout en les privant de sites de fraye naturels. Ces cours d'eau feront l'objet de travaux d'aménagement spéciaux. De plus, les co-propriétaires veulent augmenter le potentiel de reproduction des truites indigènes, en créant ou en améliorant des frayères dans certains cours d'eau et dans quelques lacs.

     Tout ceci n'est pas planifié et réalisé à l'aveuglette. Roger Demers et Brigitte Béchard ont occasionnellement recours à l'expertise professionnelle d'un biologiste du MLCR De plus, ils ont embauché un technicien de la faune et lui ont confié le mandat de réaliser une étude de chaque plan d'eau du territoire, d'esquisser ensuite les travaux qui pourraient y être faits et de participer à la supervision et à la réalisation de ces travaux. L'intensité de l'engagement de Demers et Béchard trouve sa motivation dans l'amour qu'ils vouent non seulement à la chasse et à la pêche, mais aussi à la nature en général. «Pour nous, la vie en forêt, c'est la meilleure façon de retrouver un équilibre que la vie trépidante en milieu urbain nous fait perdre».

Les services

     Actuellement, les séjours à la pourvoirie Poulin de Courval ne sont offerts qu'en plan américain. Les pêcheurs ne doivent apporter avec eux que leur équipement de pêche et des vêtements appropriés. Les services d'un guide pour deux pêcheurs font partie du forfait. Ces guides possèdent une vaste expérience de la pêche et connaissent les lacs du territoire comme le fond de leur poche. J'ai eu le plaisir de pêcher en compagnie de Pierre Charlish et de Jos Thisselmagan, qui comptent de nombreuses années comme guides dans ce territoire.

     Le camp principal et les chalets dans lesquels logent les pêcheurs se trouvent sur les rives du lac Poulin de Courval, bien localisés au fond d'une baie. Les chalets des pêcheurs comportent tous les services nécessaires (douches, toilettes, eau courante, réfrigérateur); ils peuvent loger des groupes variant entre 4 et 12 pêcheurs. La cuisine commune devient très animée au moment des repas, car les groupes de pêcheurs (la capacité totale de la pourvoirie est de 32 pêcheurs) en profitent pour échanger des histoires tout en sirotant l'apéro. La nourriture est d'excellente qualité, et pour cause. Au cours de l'année 1992, Roger Demers a retenu les services de Mme Murielle Chamberland, qui a conquis les papilles gustatives de milliers de chasseurs et de pêcheurs au cours de ses 30 années de service dans la réserve faunique des Laurentides.

     Comme je le mentionnais au début de ce texte, la pourvoirie compte plusieurs freighters, utilisés exclusivement pour se déplacer sur le grand lac Poulin de Courval, et propulsés par de puissants moteurs hors-bord. Sur les lacs situés en périphérie, des embarcations adaptées et sécuritaires demeurent disponibles. Après chaque journée de pêche, les guides éviscèrent les prises et les placent dans une immense chambre frigorifiée, assurant ainsi leur fraîcheur jusqu'au retour à la maison.

Informations additionnelles

     On peut facilement se rendre à la pourvoirie en automobile. Au cours de notre séjour, un groupe d'avocats s'est même rendu sur place en autobus articulé de la compagnie Prévost. Il faut compter près de 6 heures de route en partant de Québec, en passant par Chicoutimi (via la réserve faunique des Laurentides) et en traversant la ZEC Martin-Valin.

     Comme la pourvoirie se trouve en altitude, les températures sont généralement fraîches. Il faut donc prévoir des vêtements appropriés, je vous conseille d'apporter votre équipement de pêche au lancer léger ainsi que votre équipement de pêche à la mouche; selon les conditions climatiques et le plan d'eau fréquenté, l'un ou l'autre pourra vous être utile. Parmi les leurres généralement utilisés par les habitués, on retrouve le classique tandem Toronto Wobbler enrichi d'un ver de terre, ainsi que des petites cuillères tournantes; côté mouches, une panoplie de nymphes suggérant ce stade de la vie des éphémères doit absolument faire partie de votre coffre, de même que des bucktails de type Muddler Minnow. Au risque de m'attirer les foudres d'André-A. Bellemare, je vous suggère aussi, sans hésiter, la «Delta noire à gros cul». Vous pourrez obtenir des informations additionnelles sur les services de cette pourvoirie en composant le (418) 837-5719, après 18h (demandez Roger Demers ou Brigitte Béchard).

Projets d'avenir

     Outre les projets d'aménagement déjà mentionnés, Roger Demers et Brigitte Béchard ont plusieurs idées en tête afin de répondre aux demandes d'une clientèle potentielle. Tout d'abord, ils songent à offrir de l'hébergement en plan européen; pour ce faire, ils comptent ouvrir des camps sur quelques petits lacs autour du Poulin de Courval. Ensuite, ils projettent de rendre exclusive la pêche à la mouche sur certains lacs, tout en y restreignant les quotas de prises.
Un proverbe dit que l'on récolte toujours ce que l'on sème. Dans cette optique, il n'y a aucun doute quant à l'avenir de cette pourvoirie, pour le plus grand plaisir de ceux qui la fréquenteront.

Références

» Texte & Photo: Gérard Bilodeau (Mars 1993).
» Magazine Sentier Chasse & Pêche.
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