En rivière Saguenéenenne

    Affluent tributaire du Saguenay, la Sainte-Marguerite abrite des truites de mer trophées... mais qui se méritent. Pour connaître du succès, l'approche, l'observation et l'utilisation de techniques s'imposent, ce qui donne à la pêche à la mouche toute sa dimension. Une destination halieutique pour le sportif à la recherche d'inoubliables émotions et d’un véritable défi.
     Nous sommes à l'aube du 27 octobre 1995. À travers les déchirures de brume qui s'élèvent sur la fosse Paquet de la rivière Sainte-Marguerite, Sylvain Gagnon, bien en retrait sur la rive, attache à son bas de ligne un Muddler de sa création. Sans quitter du regard le repaire présumé des ombles de fontaine anadromes, il exécute deux faux lancers loin sur la gauche pour sortir la bonne longueur de soie et un troisième pour attraper l’axe… suivi d'un dépôt en douceur du «Mudlapin orange». La canne abaissée, la pointe près de la surface de l'eau, il récupère la soie en la travaillant par petites tirées avec sa main droite (il est gaucher). Quelle coordination des sens et des muscles... qui n'aboutit toutefois à rien!

    Nouveau lancer impeccable... suivi d'un éclair à la surface de l'onde. D'un geste précis, il relève d'un coup sec la canne à la verticale. Le poisson bien ferré dévale comme une torpille dans le courant. Et à voir la courbure de la canne et à entendre le chant du moulinet qui se dévide jusqu'à la ligne de réserve, Gagnon est aux prises avec un poisson de taille. Orfèvre en la matière, après plusieurs minutes de combat, la canne bien haute pour amortir les ultimes soubresauts, il amène à l'épuisette le superbe poisson, soulève délicatement sa gueule hors du filet et dégage l'artificielle. Une main enserrant la nageoire caudale et l'autre glissée sous le corps, il maintient dans le courant cette truite de mer de plus de 1,4 kg (3 lb) aux taches claires sur les flancs et dont le dos porte des marques vermiculées... qu'il s'empresse de remettre vivante à l'eau. Un geste que ce pêcheur émérite, propriétaire de la Boîte à Mouches de Jonquière, a répété à maintes reprises au cours de la saison de pêche 1995.

Un des joyaux du Saguenay

     La rivière Sainte-Marguerite coule sur quelque 65 km (40 mi) dans une majestueuse vallée parallèle au fjord du Saguenay, plus précisément entre Sainte-Rose-du-Nord et Sacré-Cœur. Environ 280 km (175 mi) la séparent de la ville de Québec.

     Pour s'y rendre, il s’agit de prendre la route 138 en direction est, jusqu'à Baie-Sainte-Catherine. Quelques kilomètres après la traverse Baie-Sainte-Catherine/Tadoussac, empruntez la route 172 en direction de Sacré-Cœur où se situe le poste d'accueil de la ZEC Sainte-Marguerite. Depuis l'été 1980, c'est l'Association de la rivière Sainte-Marguerite Inc. qui s'occupe de la gestion de la pêche. Et comme la branche principale de la rivière longe la route asphaltée, la plupart des 65 fosses sont facilement accessibles.

     Tout en étant une très bonne rivière à saumon, c'est l'une des meilleures au Québec à offrir des truites de mer, avec une remontée annuelle de plusieurs milliers de spécimens dont les plus gros (plus de trois ans) entrent en rivière dès la fonte des glaces.

    Dans cette superbe rivière à eau colorée mais limpide et à fond foncé, on récolte annuellement des saumons dont le poids excède 13,5 kg (30 lb) et des ombles de fontaine migratrices d'un poids de 1 à 3,2 kg (2 à 7 lb). D'après Sylvain Gagnon, qui a collaboré à une étude scientifique sur le comportement des truites de mer vivant dans le Saguenay, seules celles de plus de trois ans participeraient à la fraye dans la Sainte-Marguerite. Il faut savoir que les ombles de fontaine migratrices naissent et se reproduisent en rivière (eau douce), mais se nourrissent principalement en mer, où la nourriture est beaucoup plus abondante et variée, ce qui leur permet d'atteindre un poids beaucoup plus respectable. Et ceux qui remontent dans les affluents tributaires du Saguenay s'alimenteraient dans ce fleuve et dans son estuaire.

     Habituellement, dans la Sainte-Marguerite, la montaison de truites est importante et la pêche excellente, car la pression n'est pas très forte. Il faut comprendre que la plupart des saumoniers préfèrent habituellement jouer de ruse avec Salar, ce qui laisse du répit à la truite de mer. De plus, toujours durant la saison de pêche du saumon, certains secteurs de la rivière ne sont réservés qu'à un nombre limité de pêcheurs sélectionnés par tirage au sort. Toutefois, en début septembre, seule la pêche de la truite de mer est autorisée. C'est durant les mois de septembre et octobre que les truites de mer immatures (moins de trois ans et ne participant pas à la reproduction) remontent dans la Sainte-Marguerite. D'un poids variant de 0,5 à 0,7 kg (1 à 1,5 lb) avec une robe bleutée comme du métal poli, on les surnomme truites bleues.

     Elles viennent donc se joindre aux cohortes de truites matures présentes dans les fosses de la rivière, ce qui assure une pêche de qualité aux moucheurs.

Tactiques

     Partir sur la Sainte-Marguerite sans avoir la moindre idée des techniques de pêche de l'omble de fontaine à la mouche et des conditions d'eau que l'on rencontrera, c'est courir le risque d'aller au-devant d'amères déceptions. Sylvain Gagnon, tout comme les autres pêcheurs sportifs qui reviennent rarement bredouilles, sait lire l'eau, connaît les repaires des truites de mer et utilise les techniques appropriées selon les circonstances. Aussi, pour une première visite sur la Sainte-Marguerite, il serait souhaitable de l'aborder avec un fibres plus colorées, comme le Krystal flash, le Flashabou et les nouvelles fibres holographiques, mais avec parcimonie.

     Sylvain Gagnon obtient beaucoup de succès avec son Mudlapin noir ou orange. C'est un streamer fait d'une courte bandelette de lapin dépassant à peine la hampe. D'après ses dires, lui qui a vécu dans l'Ouest américain et fréquenté plusieurs pêcheurs et guides professionnels de l'endroit, ces deux Muddlers seraient un dérivé de deux mouches, la Zonker de Al Troth et la Strip Leech de Gary Borger. Tout comme les fibres d'une plume de marabout, les poils de lapin, une fois mouillés, donnent une allure particulière à la mouche. Sans compter que la tête en poils de cerf de Virginie permet à l'artificielle de se maintenir en surface. Le Mudlapin noir serait davantage productif lors de journées sombres et l'orange, lors de journées ensoleillées. Tôt le matin et en fin de journée, les deux auraient donné d'excellents résultats. Tout dépendant des conditions de l'eau, Gagnon les utilise avec une soie flottante ou calante ou à bout calant.

     Pour ma part, j'aime bien le Muddler Minnow et le Woolly Bugger dont le corps est noir, brun ou olive avec quelques fibres colorées dans la queue. Les initiés utilisent aussi les sèches et les nymphes dans les grosseurs Nos 12, 14, 16 et même 18. Des suggestions : Adams, Black Gnat, Hares Ear's et des imitations de chironomides.
Modalités et coûts
 
     C'est l'Association de la rivière Sainte-Marguerite Inc. qui s'occupe depuis 1980 de la gestion de la rivière. Surtout fréquentée par les pêcheurs de saumon entre le 1" juin et le 31 août, cette rivière devient davantage accessible aux adeptes de la pêche de la truite de mer du 1er septembre au 31 octobre. Lors de cette saison spéciale de pêche de la truite de mer, on exige 17.$/jour/-personne pour les non-membres (14.$ pour les membres). Si vous avez moins de 18 ans ou plus de 60 ans, vous ne débourserez que 8.$ si vous êtes membre ou 12.$ si non-membre.

     Jusqu'au 15 septembre, les fosses 1 à 62 vous seront accessibles pour la pêche de l'omble de fontaine anadrome. Après le 15 septembre, seules les fosses 1 à 38 sont ouvertes. Le poste d'accueil étant fermé après cette date, les pêcheurs doivent s'auto-enregistrer à l'un des deux postes de gardiennage le long de la rivière. On exige 18 $ pour la carte de membre, et le droit d'accès quotidien dans les zones 1 et 3 autorisant la pêche du saumon et de la truite de mer entre le 1er juin et le 31 août est de 32.$ pour les membres et 37.$ pour les non-membres.

Réglementation

     Le respect des règlements est d'une importance capitale pour la survie de cette espèce. La Sainte-Marguerite étant classée comme rivière à saumon, il n'est permis de pêcher qu'avec une canne, un moulinet et une soie conçus pour la pêche à la mouche. Et une seule mouche peut être attachée au bas de ligne. Toutefois, durant la saison spéciale de pêche de la truite de mer, il est permis de placer un bout de ver sur la pointe de l'hameçon. Une tradition incongrue qui perdure malheureusement encore sur certaines rivières de la rive nord du Saint-Laurent.

     De plus, il est interdit de pêcher entre une heure après le coucher du soleil et une heure avant son lever. Pour taquiner la truite de mer de l'ouverture jusqu'au 31 août, il faut être titulaire d'un permis de pêche du saumon et d'un droit d'accès quotidien pour la pêche de cette espèce. Du 1e septembre au 31 octobre, étant donné que seule la pêche de la truite de mer est autorisée, le coût du droit d'accès est moindre, et si un saumon gobe votre mouche, vous devez obligatoirement le remettre vivant à l'eau. Chaque pêcheur peut récolter 15 ombles de fontaine anadromes par jour, et on peut se servir d'un canot non motorisé sur certaines fosses.

Hébergement

     Aux abords de la rivière Sainte-Marguerite, près de la fosse 28, le centre d'hébergement Bardsville vous offre un gîte et une restauration de qualité. Pour plus d'information ou pour réserver, on écrit à 160, rue Principale, Sacré-Cœur, Qc. GOT 1YO. On peut aussi composer le (418) 236-4831 (en saison) ou (418) 675-2508 (hors-saison). Outre l'hébergement en chalets, il est aussi possible de faire du camping.

     Dans le village de Sacré-Cœur, plusieurs types d'hébergement sont aussi offerts : motels, chambres, chalets. Pour connaître les endroits d'hébergement et aussi pour obtenir des renseignements additionnels sur la ZEC de la Rivière Sainte-Marguerite, n'hésitez pas à écrire à l'association au 160, rue Principale, Case postale 190, Sacré-Cœur, Qc GOT IYO. On peut aussi composer le (418) 236-4604 (téléphone) ou le (418) 236-9350 (télécopieur).

Parure du Mudlapin noir

Hameçon : Tiemco 9395 N° 4,6 et 8.
Fil de montage : Uni Tread mono 3/0 pré-ciré.
Queue : Fibres rouges d'une plume de marabout (1/2 po de longueur).
Côtes : Fil de laiton or médium Uni Tread.
Corps : Tinsel Diamond Braid couleur or.
Aile : Lanière de lapin noir (1/4 po de largeur par 2 po de longueur).
Tête : Poils de cerf de Virginie ayant les pointes plus foncées.

Parure du Mudlapin orange

Hameçon : Tiemco 9395 N° 4, 6 et 8.
Fil de montage : Uni Tread mono 3/0 orange pré-ciré.
Queue : Fibres rouges d'une plume de marabout (1/2 po de longueur).
Côtes : Fil de laiton cuivre médium Uni Tread.
Corps : Diamond Braid couleur cuivre.
Aile : Lanière de lapin orange (1/4 po de largeur par 2 po de longueur).
Tête : Poils de cerf de Virginie couleur orange fluorescent.

N.B

     La lanière de lapin est attachée derrière la tête avec le fil de montage. Elle est fixée sur le corps avec le fil de laiton, à travers les poils, comme une mouche montée en style Matuka. Il serait important de couper l'extrémité arrière de la lanière de lapin en forme de pointe, juste au-dessus de la queue.

Références

» Texte & Photo: Gilles Aubert (Avril 1996).
» Magazine Sentier Chasse & Pêche.
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