La Belle Marguerite du Saguenay par Romain Tremblay

    Peu nombreux sont les pêcheurs de saumon qui n’ont jamais entendu prononcer quelque part le nom de la rivière Sainte-Marguerite. Ce nom est maintenant évocateur d’une rare qualité de pêche pour ceux qui décident de s’y rendre.
     La Sainte-Marguerite est la plus imposante des quatre rivières à saumon de la région du Saguenay. Lorsqu’on quitte Chicoutimi par la route 172, on commence à côtoyer la rivière après environ 35 kilomètres. C’est la seule rivière à saumon qui coule au nord du majestueux Saguenay, et ses zones de pêche s’étendent sur une distance totale de plus de 130 km. On y a répertorié au-delà d’une centaine de fosses, dont la grande majorité est accessible en automobile. Ses trois branches tirent leur source du secteur des monts-Valin, lequel est connu comme étant le principal réservoir mondial d’ombles de fontaine (communément appelés truites mouchetées). Dans ses eaux y séjournent deux principales espèces : le saumon atlantique (Salmo salar) et une quantité très intéressante de truites de mer (Salvelinus fontinalis). La rivière héberge également une colonie de truites résidentes dont l’importance varie selon les secteurs et la distance par rapport à l’embouchure. L’eau légèrement brunâtre permet au pêcheur d’en scruter le lit à la recherche de ses occupants convoités.

     Le légendaire Lee Wulff, qui a pêché sur la grande majorité des rivières à saumon du monde et qui n’a pas manqué d’y lancer une ligne à quelques occasions, disait de la Sainte-Marguerite qu’elle était sinon l’une des plus poissonneuses, certainement l’une des plus belles. Plus on s’y rend et plus on découvre qu’il avait raison. On peut y pêcher à maintes occasions et avoir l’impression de découvrir chaque fois une nouvelle rivière. Dans une même journée et dans un même secteur, on peut observer des paysages époustouflants et radicalement différents les uns des autres.

La Branche Principale

La Belle Rivière Sainte-Marguerite au Saguenay
     Sur la branche principale, on retrouve cinq secteurs, dont trois sont à accès contingenté (donc avec un nombre limité de pêcheurs). Il s’agit des secteurs 2, 4, 5a et 5b. Le secteur 5B est lui-même divisé en trois sous-secteurs, où ne sont disponibles que deux perches avec cinq fosses par sous-secteur. Comme qualité de pêche, il est difficile de trouver mieux. Et là, c’est l’aventure.

     • Le 5B1 (Onézime) est accessible en voiture à quatre kilomètres à l’intérieur des terres. Mais puisqu’il n’y a que deux perches de disponibles, la visite est plutôt rare, donc pas besoin de s’inquiéter de la perturbation des fosses. Elle comprend l’une (sinon la plus grande) des fosses à grosses truites de la rivière  des truites qu’il faut cuire en darnes puisqu’elles n’entrent pas dans les plus grandes poêles à frire!

    • Le 5B2 (St-Germain) est à quatre kilomètres plus en amont. Il est accessible soit après une magnifique ballade à pied d’à peu près une heure, ou en véhicule motorisé (quatre-roues), ce qui nous fait gagner une dizaine de minutes. On y retrouve un beau petit camp qu’il est possible de louer à la ZEC et qui donne sur la magnifique et productive fosse Saint-Germain.

     Le trajet entre Onézime et Saint-Germain vaut le déplacement : lorsqu’on arrive dans le secteur de la fosse des pyramides, la nature nous offre un tableau d’une rare beauté, un coup d’oeil qui vaut le déplacement et que peu de gens ont eu la chance de voir. Un vrai pan de mur de roc vertical d’une hauteur d’environ 50 mètres est tapissé de mousses, de lichens et de champignons verts et jaunes, avec la présence d’un long dyke noir à moitié découvert par l’érosion de la falaise. On dirait que dame nature y a tiré une toile abstraite. Tout au bas de cette falaise et au-dessus de la rivière, on a aménagé un pont de bois en porte-à-faux d’environ 25 mètres de long pour permettre aux pêcheurs d’atteindre l’autre partie du sentier menant à Saint-Germain.

     • Le 5B3 (Dam Pool) est à dix minutes de marche en amont de Saint-Germain. Il s’agit du secteur limite de pêche sur la branche principale. On y trouve aussi un camp en bois rond récemment rénové et agrandi qui peut accommoder quatre personnes. Dépaysement total assuré, presque un endroit de retraite fermée. Si vous sentez le besoin d’oublier le train-train de la vie moderne, c’est l’endroit tout désigné, en communion totale avec une nature sauvage qui nous sort de nos bottines et nous remet les deux pieds sur terre…

     Détail important : pour éviter d’avoir à cheminer de nuit pour atteindre les secteurs Saint-Germain et Dam Pool, devoir perdre la pêche du matin ou encore être forcé de revenir à la noirceur après la pêche du soir, la ZEC offre des forfaits 24 heures (de 14 h au lendemain 11 h). De cette façon, on a tout le temps nécessaire pour s’y rendre, pour faire sans presse les pêches du matin et du soir, et se gaver à son goût avant de profiter d’une bonne nuit de sommeil. Le paradis sur terre…
La Sainte-Marguerite
     • Le secteur 5A (Big Pool) est le plus impressionnant, à cause de l’observatoire aménagé qui surplombe la fosse et qui permet d’observer quantité de gros géniteurs saumons et truites, lesquels se côtoient tout l’été dans cette grande fosse de rétention. Et là, il faut découvrir les coins mordeurs, pas très longs à couvrir, mais qui cachent de gros spécimens géniteurs. Cinq fosses sont à la disposition des pêcheurs pour un total de quatre perches dans ce secteur.

     • Le secteur 4 comprend une quinzaine de fosses (presque toutes étant accessibles en voiture), dont les plus connues (et donc les plus fréquentées) : les fosses 46 et 43. Et il y a des fosses qui ne sont ni fréquentées, ni connues, ni même répertoriées. Leur recherche et leur découverte constituent un des plaisirs dont je me garderai de vous priver en vous donnant des indices trop révélateurs. Tout le plaisir est donc pour vous... Alors bonne ballade en canot de la 59 à la 46! Notez qu’il y a une quinzaine de perches de disponibles pour ce secteur.

     • Le secteur 3 est à nombre illimité de pêcheurs et offre également une très belle qualité de pêche - en plus de réserver quelques surprises à ceux qui décident de le descendre en canot. La nature y est des plus généreuse par la beauté des paysages. C’est aussi le secteur où on retrouve le grandiose, réputé et regretté site de Bardsville, site malheureusement laissé à l’abandon (et qui est maintenant en désuétude) par une régie intermunicipale composée de politiciens, dont la majorité croyait (et croit toujours) avoir en main la poule aux oeufs d’or…

     • Le secteur 2 est contingenté à 15 perches jusqu’au 1er août. Son accès est ensuite illimité pour le reste de la saison. C’est le premier secteur à contenir des fosses d’envergure où on peut facilement observer des poissons en migration. Comme ce secteur nous rapproche de l’embouchure de la rivière, les saumons sont généralement plus frais et donc plus mordeurs que dans les autres secteurs plus en amont, à mesure que la saison avance.

     • Le secteur 1 est celui des surprises. C’est le seul secteur où tous les saumons et toutes les truites du bras principal et du bras des Murailles se retrouvent. C’est donc le secteur fréquenté par le plus grand nombre de poissons. La grande majorité n’est toutefois que de passage, mis à part aux fosses 8 et 8A où l’importante profondeur de l’eau permet une certaine rétention des poissons. C’est aussi le secteur où le courant est le plus rapide et où les poissons sont les plus dispersés. Il y en a à peu près partout, se reposant dans de petits « trous » que le pêcheur solitaire adorera explorer, particulièrement dans les fosses 1 à 5. Lorsqu’on arrive dans un « trou » occupé par l’objet de nos convoitises, on n’a qu’à bien se tenir, car les prochaines minutes risquent d’être inoubliables.

Le Bras des Murailles

     Le secteur 6, qu’on nomme bras des Murailles, est ouvert à la pêche depuis une quinzaine d’années seulement. À cause des difficultés que présentent les nombreuses chutes (dites sélectives), il ne s’y trouve que du grand saumon. L’eau est d’une limpidité surprenante, même après d’importantes pluies. On peut y accéder en VTT, lesquels sont mis à la disponibilité par la ZEC. La remise à l’eau est obligatoire et on y a aménagé un chalet pouvant accueillir six personnes, soit le nombre de perches disponibles. Le séjour s’apparente à celui de Dam Pool pour ce qui est de l’isolement et de la nature sauvage, mais le saumon y est beaucoup plus mordeur et la truite y est absente. Donc, bienvenue aux puristes!

La Branche Nord-Est

     La branche nord-est est surtout réservée à la compagnie Rio-Tinto-Alcan, qui possède toujours un domaine privé près de l’embouchure. Une entente est conclue avec la ZEC afin de permettre au public d’avoir accès à ce secteur de pêche les dimanches seulement. Comme l’accès est plutôt difficile, quelques irréductibles seulement se prévalent de cette possibilité au cours de la saison.

La Truite de Mer

La Belle Rivière Sainte-Marguerite au Saguenay
     Comme la truite de mer est importante dans la rivière, elle génère une activité de pêche tout aussi importante. Au mois d’août, lorsque le grand saumon devient moins collaborateur, la truite devient plus attrayante sur la rivière. Plusieurs pêcheurs ne viennent alors que pour la truite. Il n’est pas rare d’attraper des spécimens de plus de 5 livres, ce qui constitue un magnifique supplément à un ou deux saumons de 5-6 livres qu’il est possible de garder. La nouvelle règle de quota pour cette année limite à un total de cinq truites, et à un seul spécimen de 14 pouces ou plus. De quoi satisfaire les plus exigeants et vous assurer des journées passionnantes sur la Sainte-Marguerite.

     Après la saison du saumon, qui se termine le 15 septembre, on peut continuer à pêcher (jusqu’au 15 octobre inclusivement) la truite bleue, qui est en fait la même espèce, mais immature pour la reproduction. Cependant, cette pêche est limitée à la partie en aval de la rivière jusqu’à la fosse 38 inclusivement, question de laisser les reproducteurs travailler en toute quiétude à la pérennité de l’espèce sur les frayères plus en amont. Pour cette période, la même règle de quotas s’applique.

     La Sainte-Marguerite n’est pas la plus poissonneuse des rivières à saumon du Québec. Elle n’est donc pas non plus la plus fréquentée, ce qui devient un avantage en bout de ligne. Vous n’aurez donc que très rarement, sinon jamais, l’obligation de faire la queue ou de prendre un numéro pour avoir accès à une fosse en particulier. Sinon, vous aurez toujours le loisir de vous rendre dans une autre belle et bonne fosse tout près et vous vous retrouverez seul (ou avec les personnes qui vous accompagnent !)

     Que vous soyez amant de la nature, pêcheur à la mouche invétéré, ou friand de cette belle ressource (saumon ou truite), vous saurez trouver votre compte en visitant ce joyau que représente la majestueuse rivière Sainte-Marguerite, celle que, depuis au moins 25 ans, je désigne affectueusement comme étant la Belle Marguerite.

Références

» Texte Romain Tremblay; Guide de pêche sur la rivière Sainte-Marguerite (2009).
» Photos Serge J. Vincent
» FQSA
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