La Matane, une Rivière à Découvrir ou à Redécouvrir par Marc Gauthier

     Mes souvenirs de la rivière Matane remontent à mon enfance. Une petite marche à partir de la côte Saint-Jean avec le grand-père Gauthier, avec un petit arrêt au magasin de bonbons à un sous et avec comme destination : le barrage Mathieu d'Amour et la passe migratoire.  Je ne savais pas alors que ces saumons que je voyais derrière la vitre du poste d'observation allaient avoir une importance majeure : ils m'ont donné un champ d'étude, un métier et plus important encore, une passion. une vie quoi !
La Rivière Matane; Destination Pêche à la Mouche
     Cette passe migratoire m'a toujours impressionné au plus haut point : Comment 3000 saumons peuvent-ils trouver une porte aussi petite dans une infrastructure non-naturel aussi large ? Énigme !

     La Matane a été une des premières rivières accessibles au grand public.  C'est Samuel de Champlain en 1603 qui lui a donné le nom de Mantane. C'est au milieu des années 50 qu’un comité à attribués aux fosses leur nom.

     Normal que bien les vétérans y ont fait leurs premières armes. Pour moi c'est au milieu des années 70 que la première mouche fut lancée.  À la dure par-dessus le marché, je me souviens d'avoir regardé ma petite montre un matin, elle indiquait 3h30 et j'avais la canne de la main et mes bottes enfilées.  Je me souviens aussi d’avoir utilisé les battures et ses rochers pour des siestes inconfortables, mais oh! combien salutaire…

Viateur & Marc Gauthier
     Bien sûr je suivais mon père, Viateur.  Faisait partie aussi du décor Claude H. Bernard et Gérald Lefebvre, figures bien connue du monde de la pêche à la mouche. Je faisais mes classes auprès d’eux.  Dans mon apprentissage, je les ai suivis dans différents évènements tel que de faire venir des monteurs émérites.  Je me souviens de Paul Bean qui avait dit que les mouches à saumons devaient être montées comme on aime que les femmes soient vêtues à la plage, c’est-à-dire avec très peu de matériaux.  Cela n’avait pas manqué d’allumer mon esprit de jeunes hommes.  J'ai aussi suivi le forum de pêche à la mouche Québec-Maritimes qui se tenait à Valcourt à l'époque, un  événement annuel que je ne manquais pas (il est à Granby maintenant, début février).

    Ils étaient tous membres fondateurs du groupe ATOS (Achigan, Truite Omble Saumon).  Lors d’une sortie de pêche avec les trois pros susmentionnés, je me ramasse quatrième dans la rotation à la fosse XXX et c’est moi qui est pris un saumon.  Comme quoi on est tous égaux devant Salmo. Il n’y a pas de gêne à débuter devant des pêcheurs aguerris.

     Écrire sur la Matane fais appel à mes racines, mes grands-parents maternels et paternels y habitaient.  L'Association des Gauthier d'Amérique,  y a son siège social. J'ai passé mes étés à courir la grève et à faire les foins.  J'ai pris mon premier saumon sur la Matane et ça, c'est comme sa première blonde, ça ne s'oublie pas. Et la fosse non plus, la Fillion en bas du lot inculte, mon père pêchais un peu plus haut et à un moment donnée je lui cris que je suis pris au fond.  Lui de me crier en retour que l’on ne se prend pas au fond avec une soie calante, une belle femelle de 14 lbs avait littéralement gobée ma petite mouche # 8 ou 10.  Une heure plus tard et le bras en compote je remportais le combat.
 
     Ma grand-mère Madeleine fêtera ses 100 ans en juillet prochains, à deux pas des deux premières fosses au centre-ville.

Barrage Rivière Matane
     Mais parlons-en du centre-ville, on peut y pêcher des saumons tout frais arrivé de la mer dans les fosses un et deux, en bas du Barrage et de la passe migratoire. On y accède par des escaliers de chaque côté de la rivière ou au pilier central du pont par deux échelles, pour cœurs solides… une attraction pour bien des badeaux.

    La Matane, c'est une incontournable.  Si j'avais à venir pêcher n'importe où en Gaspésie, je m'y arrêterai.  Premièrement pour me délier les jambes, quand on vient de Québec ou Montréal, il faut le faire de toute façon et pourquoi pas prendre des nouvelles fraîches des montaisons sur une rivière qui un système de décompte fascinant.  De surcroît, on peut très souvent admirer notre cible, le roi des eaux douces, au poste d'observation.

     Ce fut longtemps le site d'un pèlerinage annuel, surtout en septembre. Nous avons réuni quelquefois trois générations de Gauthier, au début avec Armand mon grand-père, plus tard avec Jordan mon fils.  J’ai un autre souvenir très vif, j’étais quatorzième dans la fosse Métropole et à la toute fin, je décide de mettre une Lefrançois blanche et boom… Quelle fierté à 16 ans de capturer ce saumon, j’ai conservé la mouche à ce jour.

Les frères Lord
     J'avais lu un billet dans le magazine Saumon, la revue de la Fédération Québécoise du Saumon Atlantique qui parlait des jeunes Lord, Jean-Philippe et Guillaume. Il était écrit par Louis Champagne comédien bien connu que j'ai côtoyé sur la rivière Bonaventure, il y a quelques années et  ma curiosité avait été piquée.  Ils ont passé leur enfance et adolescence à suivre les clients et plus tard à les guider.  Leur jeunesse et leur intérêt pour la pêche au saumon ont ouvert les cœurs des clients et avec, les secrets de pêche. Tout fut plus facilement dévoilé et à un très jeune âge, ils ont acquis une expérience incroyable.

     Les Camps Tamagodi, propriété de leur père, Denis, était leur camp de base. Ils ont entendu toutes les histoires de pêche imaginables.

     Ce fut donc un choix logique pour moi quand j'ai contacté les Lord pour une partie de pêche en septembre.  Le contact s'est fait tout naturellement entre saumonier.  C'est Jean-Philippe qui a été désigné pour m'accompagner, ce serait une sortie mère-fils. On a toujours très peu de femmes sur la rivière et c'est dommage. 
la Vieille
     Un bon samedi matin nous décidons de rendre visite à la fosse Lebreux. Elle a peu changé en rapport avec mes souvenirs de jeunesse, car il y a une faille longitudinale dans le roc qui permet peu de modifications. Et l'œil de charrue est toujours là, espèce d'éperon rocheux qui fait une vague à la surface.

     L'eau est basse et très clair pour la Matane, on repère des saumons ! Je laisse Jean-Philippe, le pro, faire la première passe, moi je m'occupe de mon matériel photographique.

     Un peu plus tard nous sommes rejoints par son frère Guillaume et un ami, nous couvrons bien la fosse, mais sans succès.  Nous quittons pour la fosse métropole où nous avons rendez-vous avec ma mère à 10 heures. Il y a plusieurs pêcheurs et nous décidons d'aller à la fosse la Vieille, juste à côté. C’est là que nous avons répandu un peu de mon père dans la rivière Matane, là où tout a commencé.  Ça tombait sous le sens de mettre un peu des cendres de mon père dans cette fosse qu’il affectionnait car elle était une des rares qui lui offrait un accès facile à la fin de sa carrière.  Je veux dire très facile, sentier plat, petit escalier et très peu de grosses roches.  Cet adjectif d'accès facile vaut pour la plupart des fosses sur la Matane.

     Ce fut un bon moment de recueillement : nous avons bouclé la boucle en quelque sorte…

     La veille, j'étais venu prospecter et j'avais rencontré deux directeurs des Moucheurs du Montréal Métropolitain (messieurs André Beaudoin et Pierre Benoit à la fosse Cap-Seize). Elle était fermée à la pêche parce que situé dans le secteur du parc ou secteur numéro cinq, qui ferme le 16 septembre.

La Rivière Matane
     Je ne pouvais pas écrire sur la Matane sans visiter cette fosse célèbre. Célèbre à cause des frères X (des braconniers) mais surtout à cause de son caractère de très bonne fosse de rétention et de grande accessibilité. Le nouveau directeur Sébastien Lavoie m'a expliqué que même en fauteuil roulant on pouvait y pêcher. J'y ai repéré de très beaux saumons et j'ai échangé quelque peu avec les gars des M.M.M. L’un deux avait pris un saumon à la fosse métropole le matin avec une Picasse bleu monté par Lyne Trudeau (tient une autre femme dans mon histoire, elle fait partie des M.M.M et monte de superbe mouche).

     Les gens de chez Uni-Products avait produit du nouveau matériel pour monter le corps : bleu holographique, d'un effet bœuf! J'ai supplié pour voir la chose, et ce fut fait.  Parfois les pêcheurs sont réticents à ouvrir leur coffre à mouche. J'en ai même reçu une en cadeau, wow ! Je venais de tomber en amour pour la ionième fois avec une mouche. Déjà que c’est un patron super prolifique dans la Baie-des-Chaleurs et qui origine de mon ami Marc LeBlanc, le célèbre guide et monteur.
Les Camps Tamagodi
     Nous projetons d'aller dîner aux camps Tamagodi, en chemin on croise un pêcheur quelque peu âgé qui a un saumon sur la ligne et qui ma foi pourrait sûrement bénéficier de notre aide. C'est la fosse XXX avec un enrochement assez haut, Jean-Philippe s’élance avec la puise et tente de sauver le saumon.  Finalement, il se sauvera avec une muddler blanche, parfois c'est saumon qui gagne ! Notre pêcheur est tout sourire et nous apprenons que c'est le père d'Alain Lamontagne, le musicien qui vous met de l'entrain dans la place lorsqu'il a un violon dans les mains.

     Après le dîner, on "scanne" une fosse où j'ai localisé quelques saumons la veille : la fosse XXX. Je retrouve mes amis à nageoires pendant que Jean-Philippe pêche le haut de la fosse.

     Il a repéré des saumons et ça ‘’flash’’ de temps à autre. Je le rejoins juste au moment ou un saumon a suivi sa mouche une XXX. Il y a beaucoup de saumon à cet endroit mais dans de l'eau assez morte. J'en fais bouger un aussi. Nous allons y passer plusieurs mouches sous l'œil amusé de ma mère qui nous regardent comme des enfants qui jouent dans un carré de sable.

     Rien n'y fait, nous décidons d'aller pêcher une fosse au cœur du village de Saint-René, on tente notre chance tous les trois. On ne repère pas de saumon et il n'y a pas d'action.

     Ma mère décide de faire une petite journée et nous laisse. Nous allons finir la journée à la fosse Bécatron, nous croisons un pêcheur qui en sort, tiens, tiens, Alain Lamontagne. Il nous parle de sa mésaventure avec un saumon de belle taille, il a les yeux très grand lorsqu'il se raconte. Il a lui aussi perdu sa bataille contre Salmo, tout comme son père plutôt. Et devinez avec quelle mouche ? La même que papa ! Plein d’espoir nous allons bien pêcher cette fosse jusqu'à la brunante mais rien ne se passe. Je quitte mon guide et je sais que l'on se reverra, quelqu'un d'aussi passionné à l’âge de 21 ans, sera sur les rivières encore très longtemps.

     Le dimanche matin Jean-Philippe est retourné pêcher la fosse XXX et il y a capturé un grand saumon.
Lorsque ma mère est partie elle a laissé de petites attentions pour son guide et je lui ai remis plus tard. Vous auriez dû voir ses yeux lorsqu'il a découvert un petit pot de fraises des champs cueilli à la main par ma mère. Tiens ça me rappelle ma lecture sur les frères Lord.
Rivières a saumon du Québec
     J'ai eu le plaisir de rencontrer Monsieur Martin le François, le président de la SOGERM, la gestionnaire délégué qui est bien sur un organisme sans but lucratif et qui a aussi un caractère de gestion mixte avec son conseil d'administration formé de six pêcheurs et de cinq directeurs délégués (MRN, Ville de Matane, Municipalité de Saint-René, SEPAQ et la FEDCP.

     C'est un président érudit dans le sens où il pêche plusieurs autres rivières de la Gaspésie et il est dynamique.  Notre rencontre a lieu au poste d'observation alors qu'une pelle hydraulique était à restaurer la fosse numéro deux : impressionnant !

     Nous avons discuté du sondage qu'ils ont effectué auprès de la clientèle et qui est très intéressant (Voir le reportage). Il remarque le clivage entre locaux et pêcheurs de l'extérieur qui sont plus portées vers la remise à l'eau. Ils devront être imaginatifs dans leur gestion s'ils veulent assurer la viabilité financière. Un grave déficit d'opération est survenu en 2014, comme quoi un système de décompte sophistiqué qui offre des chiffres sur une base quotidienne peut être un couteau très tranchant.  Il veut bien sûr que les générations à venir puissent bénéficier de cette activité. Quand on achète un droit d'accès, on achète une journée de vacances…

     À la question : pourquoi devrait empêcher la Matane? Il répond que la rivière est très accessible physiquement, il y a un grand nombre de fosses, et c'est peu coûteux. On a aussi accès à des guides et mentor.

     Je crois que la Matane vaut le détour à seulement 4:40 heure de Québec. Et si vous ne la pêcher plus depuis quelques temps, alors penser à y revenir. En septembre dernier, j'ai pêché sur des saumons, j'y ai fait des rencontres intéressantes et la rivière était magnifique.  Si vous envisagez votre première sortie sur la Matane, je vous souhaite d’accumuler plein de beaux souvenirs comme les miens.

Références

» Texte: Marc Gauthier.
» Photos: Marc Gauthier & Alain Charette.
» Magazine Pêche à la Mouche.
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