La Rivière Aguanus

     Depuis la saison 1988, on pêche sportivement le saumon atlantique dans la rivière Aguanus. Voici donc une nouvelle destination qui saura sans doute retenir l'attention des saumoniers.

La Rivière Aguanus
     Jalonnant la rive du fleuve Saint-Laurent, la Côte-Nord s'étend de Tadoussac à Blanc-Sablon, sur une distance de plus de 1 300 km. Dans ce vaste territoire divisé en trois sous-régions - la Haute, la Moyenne et la Basse Côte-Nord -les mordus de la pêche à la ligne peuvent s'adonner à leur activité préférée dans plusieurs plans d'eau qui recèlent pour la plupart, une très bonne population de poissons d'ordre sportif. Parmi les espèces recherchées, le saumon atlantique est sans contredit l'une des plus convoitées par les adeptes de la pêche à la mouche. Des nombreuses rivières qui accueillent le roi des poissons sportifs le long de la côte, il en est une qui deviendra sûrement, au cours des prochaines années, un port d'attache de plusieurs saumoniers québécois et étrangers. Située au pays de Gilles Vigneault, à environ 130 km à l'est de Havre-Saint-Pierre, elle porte le nom d'AGUANUS.

UNE RIVIÈRE EN RESTAURATION

     Il y a quelques années, personne ne péchait sportivement le saumon dans cette rivière qui prend sa source au Labrador, coule sur une distance approximative de 175 mi (280 km) avant de se jeter dans la mer à Aguanish (quelque 25 km à l'ouest de Natashquan), un petit village d'environ 300 habitants. Malheureusement, à l'instar de plusieurs villages nord-côtiers, les résidents y ont longtemps tendu des filets, soit pour assurer leur subsistance ou bien pour en faire le commerce. Des citoyens m'ont raconté avoir déjà dénombré jusqu'à 50 engins à l'embouchure de la rivière. On comprend alors que les pêcheurs qui tentaient de récolter sportivement à la mouche Salmo salar étaient peu nombreux et considérés comme des anarchistes.

     En 1987, deux résidents de ce petit village, Florent Deraps et Judes Gallant, présentèrent un projet lors de la Conférence socio-économique tenue dans toute la Minganie. Ils étaient d'une part, convaincus de pouvoir enrayer le braconnage sur la rivière et, d'autre part, encouragés par la création d'emplois susceptible d'être générée pour leurs concitoyens. Marc-Yvan Côté, présentement ministre de la Santé et responsable, à cette époque, du Développement régional dans le gouvernement Bourassa, donna son accord à cette initiative du milieu. Ils obtinrent par conséquent une subvention intéressante qui leur permit d'implanter une infrastructure d'accueil pour touristes et de démarrer le projet de l'exploitation du saumon dans la rivière par la pêche sportive. Le rêve que chérissait Deraps depuis son adolescence prenait forme peu à peu.

La pêche

     Ce n'est donc que depuis la saison 1988 que le saumon atlantique se pêche sportivement dans la rivière Aguanus. Maintenant que les villageois ont troqué le filet pour la canne à mouche, les mordus de la pêche sportive sont assurés de pratiquer leur sport favori en toute quiétude. Présentement, les scientifiques du MLCP prétendent que plus de 1 000 saumons atlantiques remontent annuellement la rivière pour y frayer. Compte tenu de la quasi-disparition du légendaire braconnage, imaginez la qualité de pêche dans les prochaines années; ce sera sûrement l'une des rivières les plus recherchées des saumoniers.

     À titre d'information, notez qu'au cours des trois premières années d'exploitation, en début de saison, les pêcheurs ont récolté, en moyenne, deux ou trois saumons par jour, dont le poids moyen oscillait autour de 10 lb (4,5 kg). Malheureusement, lors de la dernière saison (1991), les mauvaises conditions climatiques (la pluie, le froid, le vent, etc.) retrouvées sur la Côte-Nord, de même qu'au Labrador et à Terre-Neuve, ont abaissé ce taux de succès des saumoniers considéré parmi les plus élevés de la province. Rappelons que la réglementation permet la récolte de trois saumons par jour dans plusieurs rivières de la Haute Côte-Nord et dans toutes celles de la Moyenne et Basse Côte-Nord, et que la limite saisonnière de prises est de dix.

     Dans le but d'assurer une qualité de pêche des plus intéressantes, l'auberge de la rivière Aguanus (nom de la pourvoirie qui s'occupe de la gestion de la Rivière et de l'auberge) n'accepte, dans le plus fort de la montaison, que huit pêcheurs par jour qui se partagent les 35 repaires à saumons identifiés sur près de 6 km de rivière. Pourquoi la pêche se pratique-t-elle uniquement sur ce tronçon de rivière, me demanderez-vous? Essayez d'imaginer une rivière qui coule sur plus de 270 km, ayant une largeur qui varie entre 50 et 70 mètres et qui s'engouffre dans un tunnel à peine large de quatre mètres à certains endroits... sur une longueur d'environ un kilomètre. Quel spectacle visuel! Il va sans dire que cet obstacle naturel, appelé judicieusement «trait-de-scie», ne peut être franchi par les saumons. C'est du moins ce que soutiennent les spécialistes du MLCP.

     Afin d'appliquer le principe d'équité, le système dit de la rotation est assuré à tous les sportifs selon le nombre de pêcheurs présents à l'Auberge. De sorte que, pendant que des pêcheurs ratissent les fosses situées près de l'embouchure, d'autres «fouettent» celles situées en amont qui sont accessibles en bateau motorisé. Le lendemain, les saumoniers changent de secteur, ce système étant appliqué à tous les jours durant le séjour. Ajoutons que plus la saison avance (et afin d'assurer une haute qualité de pêche), on diminue le nombre de sportifs. Étant donné que la pourvoirie ne possède pas les droits exclusifs de chasse et de pêche sur la rivière, Florent Deraps m'informe qu'il a conclu une entente avec l'Association de chasse et de pêche locale, qui assure à ses membres 17 jours de pêche durant toute la saison et ce, seulement dans les fosses en aval du pont qui enjambe la rivière sur la route 138. Ainsi, les sportifs non-résidents ayant réservé pour un forfait de pêche sont toujours assurés, durant leur séjour, d'être les seuls à taquiner Salar dans toutes les fosses.

Les mouches

     Les saumoniers aguerris savent tous qu'il n'est pas facile de leurrer le roi des poissons sportifs. Ceux-ci vous apprendront que la présentation de la mouche est d'une importance capitale et que sa grosseur (taille, dimension, pesanteur), sa construction (quantité et qualité des matériaux), et enfin sa couleur jouent également un rôle déterminant dans le stimulus pouvant déclencher l'attaque de Salar. En conséquence, le modèle précis n'est pas le critère à privilégier à mon avis. Cependant, je dois vous avouer que les guides locaux - des pêcheurs expérimentés - ont adopté certains modèles qui ont rapporté à leurs clients beaucoup de succès. Mentionnons, entre autres, les mouches noyées Aguanus (dont j'ai décrit la parure dans Sentier Chasse-Pêche, Black Rat, Cosseboom, Mickey Finn, Muddler Minnow et Silver Rat montées sur des hameçons doubles dans les numéros 6 et 8. Notez que plus vous avancez en saison, plus il devient avantageux d'attacher une mouche plus petite à votre bas de ligne. Quant aux mouches sèches, n'hésitez pas à vous procurer la série des Oiseaux, l'Oiseau brun et orange étant très productifs.

Hébergement et restauration

     Lors de leur séjour, les pêcheurs non-résidents demeurent à l'Auberge de la rivière Aguanus, un établissement comprenant neuf chambres luxueuses et une salle à dîner avec vue sur les fosses à saumon du secteur aval et l'ensemble de la baie. Au confort de l'hébergement s'ajoute la qualité de la table. Vous serez agréablement surpris de la cuisine préparée par le chef Jocelyn Delarosbyl, un citoyen de Saint-Urbain qui a travaillé pendant près de 15 ans à la maison Otis de Baie Saint-Paul. Il y met beaucoup d'énergie pour préparer des plats exquis qui comprennent très souvent des produits de la mer dont la fraîcheur est assurée.

     Étant donné que les dernières fosses du secteur amont ne sont accessibles qu'en bateau motorisé, les clients pouvaient difficilement pêcher tôt le matin et en fin de journée, souvent les heures les plus productives. Ainsi, pour accommoder leurs clients, les propriétaires de la pourvoirie ont installé, au printemps 1991, un carré de tente près de la 3e chute, communément appelée «le trait-de-scie», qui peut facilement accueillir quatre personnes. Les saumoniers peuvent donc l'utiliser, soit pour se reposer en après-midi, soit pour se restaurer et/ou pour y passer la nuit. Quant aux guides, ils sont logés dans un autre carré de tente érigé un peu à l'écart.

Accessibilité et coût

     Les sportifs intéressés à pratiquer la pêche du saumon dans cette rivière demeurent à l'Auberge de la rivière Aguanus et doivent y séjourner en plan américain. Compte tenu de la qualité de la pêche, de l'hébergement et de la restauration, les prix varient entre 200 $ et 350 $ par jour, selon le temps de la saison. Pour ce prix, outre le droit d'accès, le service d'un guide pour deux pêcheurs, le bateau et l'essence, vous serez logé et nourri à l'auberge durant votre séjour. Les boîtes à saumons vous seront également fournies pour le transport et votre propre transport sera assuré de l'aéroport et/ou du débarcadère à l'auberge.

     Comme les villages de la Moyenne et de la Basse Côte-Nord ne sont pas encore reliés par la route, vous devez vous rendre à Aguanish par bateau ou par avion. Si vous désirez vous rendre par bateau, le Relais Nordik est le seul point de liaison par la mer et le coût exigé, la saison dernière, entre Havre-Saint-Pierre et Natashquan (environ 7 h), était de 76 $ (droit de passage/personne/aller-retour). Trouvez-vous le trajet trop long? Débarquez à Baie-Johan-Beetz, à environ 3 heures de bateau de Havre-Saint-Pierre (46 $ en 1991 - droit de passage/personne/aller-retour). Un préposé de l'Auberge ira vous chercher avec son véhicule, car ce village est maintenant relié par la route avec Aguanish depuis l'automne dernier. M. Deraps m'affirme que les amateurs de pleine nature seront ravis de cette randonnée de 70 kilomètres.

     Quant à ceux intéressés à effectuer le trajet par avion, contactez Florent Deraps qui a obtenu des tarifs plus qu'intéressants avec une agence de voyage. Ainsi, le prix demandé (1992) pour le trajet aller-retour Montréal/Natashquan est de 411,95 $ (taxes incluses), Québec/Natashquan - 379,85 $ (taxes incluses) et Sept-îles - 197,95 $ (taxes incluses).

Pour le plaisir...

     Je pêche le saumon depuis plusieurs années et j'ai eu la chance de lancer des mouches dans plusieurs rivières à saumon du Québec, du Nouveau-Brunswick, de Terre-Neuve, du Labrador. De toutes les rivières visitées, je dois vous dire que j'ai été agréablement surpris, non pas seulement par la qualité de pêche de cette rivière, mais aussi par l'hospitalité des gens, l'hébergement et le service offerts par le pourvoyeur. S'y rendre pour le dépaysement et la beauté de ses paysages vaut le déplacement! Quelques jours après votre arrivée, vous serez imprégné de la quiétude de cette nature omniprésente et les mots «stress, angoisse» disparaîtront de votre vocabulaire. Alors, si vous désirez vivre une expérience de pêche différente dans un site des plus enchanteurs, si le confort importe autant que la qualité de pêche, pensez à l'Auberge de la rivière Aguanus.

L'Auberge de la Rivière Aguanus
M. Florent Deraps
C.P. 6 Aguanish, Québec
GOG 1A0
Tél.: (418) 533-2366 Fax: (418) 533-2255

Références

» Texte & Photo: Gilles Aubert (Juin 1992).
» Magazine Sentier Chasse & Pêche.
Page 4 sur 20