La rivière Nouvelle par Gilles Aubert

     Voici un autre heureux cas de restauration où le travail soutenu de bénévoles locaux a réussi à redonner à une rivière dévastée son cachet et sa productivité d'antan.

La rivière Nouvelle
     Rêvez-vous d'avoir une petite rivière d'une limpidité exceptionnelle presque à vous seul pour y pêcher le saumon atlantique, la truite de mer, et ce en pleine sauvagerie dans un décor des plus impressionnants? Son nom, me demanderez-vous? Eh bien, c'est la Nouvelle, une rivière qui prend sa source sur les hauts plateaux des Chic-Chocs en Gaspésie, non loin de la réserve de Dunière. Elle coule sur une distance de près de 70 km avant de se jeter dans la baie des Chaleurs dans la petite municipalité du même nom, à quelque 60 km de Matapédia.

HISTORIQUE

     Au début du siècle, et ce jusqu'à 1960 environ, la rivière Nouvelle était le royaume de clubs exclusifs fréquentés par des gens riches. On y récoltait bon nombre de saumons et des truites de mer géantes. Malheureusement, les compagnies forestières se chargèrent de bousculer ce délicat écosystème en y pratiquant la coupe du bois et son transport par flottaison. Pour assurer une meilleure dérive des billes, des béliers mécaniques labourèrent le lit et les berges de la rivière. On empila même des galets à plusieurs endroits le long de la rive. Les montaisons de saumons se firent donc moins nombreuses, et les «sportsmen» abandonnèrent la pêche. La Nouvelle laissée sans surveillance, le saumon disparut presque complètement de ce cours d'eau.

RESTAURATION

     Au début des années 60, la population locale souhaita que la rivière et son bassin versant fassent partie d'une réserve. Cependant, plusieurs fosses étant de tenure privée, le projet fut abandonné. Puis, vers 1990, des bénévoles de la région, amants de la nature et soucieux de ressusciter ce joyau qu'est la Nouvelle, entreprirent la démarche de redonner à la rivière son cachet d'antan, soit celui d’une rivière à saumon des plus productives. Le travail de gens tels Charles Edmond Landry, de Nouvelle, et Dave Williamson de Carleton fut récompensé. Grâce au soutien financier du Programme de développement économique du saumon (PDES), les travaux de restauration débutèrent en 1992.

     Des ensemencements massifs d'alevins et de saumoneaux ont été effectués de 1992 à 1997 (57 000 tacons et 260 000 saumoneaux), ce qui devait ramener une bonne population de grands saumons, comme autrefois. On a aussi réalisé des aménagements (réfection des fosses, stabilisation des berges, etc.) et mis en place des mesures de protection. Tous ces efforts ont porté fruit, et les montaisons de saumons étant de plus en plus nombreuses, la pêche sportive a repris en 1997.

LA PECHE SPORTIVE

La rivière Nouvelle
     J'ai eu l'impression de revivre le bon vieux temps où, avec mon père, je péchais dans de minuscules rivières peu profondes dont l'eau non polluée était cristalline comme du gin. Cependant, dans la Nouvelle, les poissons sont pour la plupart très gros, A une occasion, nous avons même vu sous un arbre renversé, dans moins d'un mètre (3 pi) d'eau, douze truites de mer dont nous estimions le poids entre 1,4 et 2,6 kg (3 et 6 lb). Un spectacle qui valait le déplacement à lui seul!

     Selon les inventaires, plus de 1000 ombles de fontaine anadromes remonteraient la Nouvelle chaque année. Toutefois, en 1997, peu de saumons y ont été récoltés, contrairement aux 215 truites de mer dont quelques-unes faisaient osciller la balance à 2,25 kg (5 lb). L'année dernière, en (in de saison, on a dénombré 76 saumons (211 en 1996. 106 en 1995. 86 en 1994,54 en 1993). Selon deux études indépendantes, la Nouvelle pourrait théoriquement accueillir entre 1800 et 2200 saumons, ce qui démontre bien l'incroyable potentiel de cette rivière.

     La pêche n'est pas facile dans la Nouvelle, particulièrement en période de canicule. Il faut donc l'aborder d'une manière spéciale: les saumons et les truites de mer étant confinés dans des espaces restreints, ils sont farouches et difficiles à leurrer. Même si bon nombre de fosses peuvent être pêchées à partir de la berge, évitez d'être vu des poissons. C'est l'endroit parfait pour utiliser de l'équipement ultra léger, et puisqu'il s'agit d'une rivière à saumon reconnue, seule la mouche artificielle y est autorisée.

     Quand aux mouches les plus productives pour la pêche du saumon, on recommande la Green Highlander et la Black Bear Green But. Et comme la rivière abrite beaucoup de chabots, attachez des imitations de ce petit poisson à votre bas de ligne pour pêcher la truite de mer. Les Wooly Bugger et les Muddler de couleur verte sont aussi des artificielles très productives. Cependant, la rivière étant en restauration, vous comprendrez qu'on y pêche avec l'obligation de gracier les grands saumons, soit ceux de plus de 63 cm (24 1/2 po). D'ailleurs, il me semble que le nombre de truites pouvant y être capturées (15) est un peu excessif.

RENSEIGNEMENTS UTILES

     C'est la Société de restauration et de gestion de la Nouvelle inc. qui gère la pêche sportive sur cette partie (35 km) de la rivière. On y dénombre 57 fosses, et elle est divisée en quatre secteurs (A, B. C, D). En 1998, le C sera contingenté à six perches par jour; elles seront réservées par tirages au sort à l'automne et 48 heures avant la date choisie.

     Dans les secteurs non contingentés, on exige 30.$/jour (taxes non comprises) et dans le secteur C, 50.$. Il faut être membre de la zec et la carte d'adhésion coûte 15.36$. Heureuse initiative, les jeunes de moins de 18 ans ne payent que la moitié du coût du droit d'accès. En 1998, aucun droit d'accès ne sera exigé pour pêcher dans les affluents de la Nouvelle où seule la truite est présente. De plus, il en coûtera fort probablement 20.$ par jour dans le secteur A au lieu de 30 $. Le poste d'accueil est situé dans le village de Nouvelle le long de la route 132, où il est aussi possible de réserver un des 17 sites du terrain de camping aménagé à cette fin. Pour plus d'information, écrivez à ; SRGN, 141, route 132 Est, C.P. 351, Nouvelle (Québec) GOC 2EO ou composez le (418) 794-2120.

CONCLUSION

     La Nouvelle deviendra-t-elle une rivière incontournable pour les amateurs de pêche à la mouche? A mon avis, si l'on réussit à résoudre l'énigme qui tait que les saumons ayant passé quelques années en mer reviennent en moins grand nombre dans les rivières québécoises, ce sera le cas. Ainsi, dans l'avenir, ce bijou qu'est la Nouvelle sera sûrement une destination de choix pour les saumoniers. Et comme «crémage» sur le gâteau, la possibilité de capturer des truites de mer géantes constitue un autre attrait de cette merveilleuse rivière.

Références

» Texte & Photo: Gilles Aubert (1998).
» Magazine Sentier Chasse & Pêche (Annuel de Pêche).

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