Le Lancer SPEY SIMPLE en Images par Claude Hamel

    Nous sommes le 1er juin 2012 et j’ai le bonheur de me retrouver en la compagnie de Gérard Bilodeau, sur les berges de la rivière Dartmouth à Gaspé. Nous sommes dans le secteur des Falls et il n’y a personne d’autre que nous en ce début d’après-midi ensoleillé. Je pêche la fosse Ladder en Spey, avec ma canne de 13 pieds, pendant que Gérard prend une série de photos avec sa Nikon D-300. Pédagogue dans l’âme, il se demande si la fonction continue haute vitesse (6 images/seconde) de sa caméra permettrait de bien illustrer les étapes des différents lancers Spey que j’exécute.
LE LANCER SPEY SIMPLE EN IMAGES
     De retour à la maison, Gérard est surpris par la qualité des images croquées dans le décor enchanteur de Ladder sur la Dartmouth. Les photos permettent de percevoir des détails difficiles à saisir dans des vidéos, à cause du mouvement continu. De plus on inclut rarement autant de photos dans les livres techniques, par souci d’espace. Gérard propose donc que nous nous rencontrions plus tard au cours de l’été, dans l’optique de refaire l’exercice avec le soin voulu et de publier une série d’articles portant sur les principaux lancers Spey, dans le magazine saumon. Comme d’autres, il déplore le fait qu’il existe peu ou pas de références en langue française sur cette approche de lancer, pourtant de plus en plus populaire parmi les saumoniers du Québec. Cette rencontre n’aura pas eu lieu pour des raisons d’horaire.
 
     En conséquence, nous choisissons aujourd’hui de présenter une première séquence de photos portant sur le lancer Spey simple (single Spey) , en espérant que cela serve aux saumoniers unilingues français qui éprouvent de la difficulté dans l’apprentissage de ce lancer. En outre, advenant un intérêt de la part des lecteurs de la revue, on pourrait poursuivre la série en faisant appel, cette fois, à de véritables experts locaux du lancer Spey, tels que David Bishop, Raynald Ménard, Neil Houlding ou d’autres de ce calibre qu’on a vus s’exhiber avec brio lors des récentes éditions du Forum Spey de Sherbrooke. 

Pourquoi débuter avec le lancer Spey simple?

     Nous avons choisi de débuter ce qui pourrait devenir une série par une présentation sur le lancer Spey simple  et cela, pour deux raisons principales. Premièrement, c’est le lancer qui semble donner le plus de fil à retordre aux saumoniers qui font l’apprentissage du Spey. Pour cette raison, plusieurs se restreignent à utiliser des lancers plus faciles à apprendre comme le Snap T, mais qui ont des côtés dérangeants à la pêche (c’est un lancer qui brasse l’eau plus que le Spey simple). Comparativement, le Spey simple s’avère plus puissant et efficace, en plus d’être plus économe en mouvements. Et, honnêtement, il y a une seconde raison au choix du Spey simple pour ce premier article : les autres types de lancers exécutés par moi en juin 2012, et photographiés par Gérard, furent disons... encore plus perfectibles que la séquence relative au Spey simple présentée ci-dessous!

Définition du Spey simple

Définition du Spey simple
     Le Spey simple est essentiellement un Switch Cast  avec un changement de direction. Le lancer swicth est généralement le premier lancer que l’on exécute à nos débuts en Spey. Certains auteurs le nomment forward Spey , alors que d’autres réservent le terme Spey pour les lancers avec changement de direction. Il consiste essentiellement à lancer une mouche qui traîne au bout de nos pieds (on the dangle), pour la retourner au même endroit. Il se compose des éléments essentiels à tout lancer Spey, notamment la soie qui passe sous le bout de la canne lors du lancer arrière, l’ancrage sur l’eau et la boucle en forme de D (D loop).

Explications et illustrations de la technique du Spey simple

     Le présent article illustre la technique du Spey simple exécutée par un pêcheur droitier, sur la rive gauche de la rivière. Il consiste, dans ce cas, à prendre la soie qui traîne devant nous comme dans le cas d’un lancer Switch  pour la replacer à notre droite en direction de la cible, avant d’exécuter la partie finale du lancer. C’est dire qu’il ne peut être exécuté efficacement et sécuritairement que lorsqu’il ne vente pas ou lorsque le vent remonte la rivière (vient de la gauche).
 
     Quand le vent change de bord ou qu’on change de rive (toujours avec un vent remontant la rivière), il faut changer de main ou lancer du revers (on dit souvent  cack- handed). Quand le vent descend le cours d’eau, on doit plutôt avoir recours à d’autres lancers, tels le Spey double ou le Snake Roll.

Photo # 1

     Le Spey simple commence normalement avec la soie traînant à nos pieds, tendue dans le courant. Ce n’est pas ce qu’on voit tout à fait dans la première photo, car la session de photos s’est déroulée alors que j’amorçais souvent mon prochain lancer avant que la soie ne se soit totalement arrêtée. Mais l'illustration est satisfaisante pour les besoins de cet article.

Le Lancer SPEY SIMPLE en Images par: Claude Hamel
    Avant d’amorcer le lancer, il convient comme nous le prescrit Simon Gawesworth*, un des grands experts mondiaux du Spey, de tracer une flèche imaginaire en ligne directe avec la cible du lancer. Pour qu’un lancer soit efficace, il faudra lors du repositionnement de la soie de l’aval vers l’amont que l’ancrage de la soie sur l’eau et la boucle en D formée par le mouvement arrière de la canne (backcast) se retrouvent en ligne directe avec la cible (règle du 180 degrés). À défaut de cela, le lancer sera fichu ou inefficace.

    Le corps du pêcheur doit lui aussi être enligné correctement. C’est pourquoi, comme on peut le voir dans l’image, le pêcheur a pris soin au préalable de pointer ses pieds en direction de sa cible de lancer. Son pied droit est un peu en avant du gauche. Il s’est ensuite retourné vers le point de suspension de la mouche (dangle) qui a terminé sa parade à la suite du lancer précédent. Quand il fera une rotation pour effectuer le changement de direction, non seulement se retrouvera-t-il enligné avec la cible en accord avec ladite règle de 180 degrés, mais le relâchement de l’énergie engendrée par la torsion du corps contre le bassin sera transférée avantageusement à la propulsion de la soie. Le lancer avant sera efficace si l’ancrage et la boucle en D du lancer arrière sont parallèles, à l’intérieur et près de la ligne imaginaire qu’on aura tracée au préalable (Gawesworth parle de railroad tracks).

Photos # 1 à 5

     Ces premières photos nous montrent l’amorce du lancer par le soulèvement de la canne (lift). On commence avec le bout de la canne près de l’eau, afin d’éviter du mou dans la ligne, et on soulève la canne verticalement, directement devant soi, de manière à libérer en partie la soie de l’emprise de l’eau. Ce mouvement se fait lentement, sans à-coups (smoothly) et se termine en pointant le bout de la canne vers 10 h ou 11 h selon le style de lancer et la longueur de soie sur l’eau. Les recommandations des experts varient sur ce dernier point, mais tous s’entendent sur l’importance du  lift pour la suite du lancer. La mise en tension de la soie lors du  lift ne doit pas se perdre tout au long du lancer. Notons qu’il peut être avantageux de commencer le lift plus vers la berge (à gauche ici) lorsqu’on utilise des soies à long fuseau qu’on ne récupère pas entre les lancers ou pour faire des changements de direction plus importants que 60 degrés.

Photos # 5 à 8

     On voit ici l’étape du changement de direction propre au Spey simple. Le lift est terminé et le pêcheur amorce maintenant la rotation qui servira à replacer la soie de l’aval vers l’amont, en préparation pour le lancer avant final. Il s’agit d’une étape difficile pour les nouveaux. À la fin du lift donc, sans marquer de pause, le bout de la canne change de direction en se déplaçant maintenant sur un plan horizontal. Ce déplacement horizontal continue de façon souple (smooth) jusqu’à ce que le corps se retrouve en ligne avec la cible, de même que le combiné canne/soie. La mouche sortira de l’eau durant ce déplacement (raison pour laquelle le Spey simple est classé dans la catégorie des airborne anchors) permettant, à l’étape suivante, d’ancrer le bas de ligne et de former la boucle en D du lancer arrière (backcast), en ligne directe avec la cible.

     Les photos no 5 à 8 révèlent la pleine valeur de la fonction continue de la caméra de Gérard et montrent bien le mouvement de repositionnement de la soie, par voie de balayage sur un plan horizontal de la canne jusqu’en position pour le lancer avant. Ce balayage horizontal est primordial, car c’est lui qui permet de placer l’ancrage à une distance optimale du pêcheur, soit une longueur de canne à ses côtés et plus ou moins en avant de lui (selon le style de lancer – traditionnel, scandinave ou Skagit – et la longueur des têtes de soie et bas de ligne utilisés)**. Il faut souligner l’importance de ne pas baisser (dip) le bout de la canne durant le balayage, sinon on produira ce que Gawesworth appelle un bloody L très nuisible au lancer.

Bloody L
     Les photos no 5 à 8 révèlent la pleine valeur de la fonction continue de la caméra de Gérard et montrent bien le mouvement de repositionnement de la soie, par voie de balayage sur un plan horizontal de la canne jusqu’en position pour le lancer avant. Ce balayage horizontal est primordial, car c’est lui qui permet de placer l’ancrage à une distance optimale du pêcheur, soit une longueur de canne à ses côtés et plus ou moins en avant de lui (selon le style de lancer – traditionnel, scandinave ou Skagit – et la longueur des têtes de soie et bas de ligne utilisés)**. Il faut souligner l’importance de ne pas baisser (dip) le bout de la canne durant le balayage, sinon on produira ce que Gawesworth appelle un Bloody L très nuisible au lancer.

Photos # 8 à 11

     À la fin du balayage illustré à la photo 8, le déplacement latéral est terminé et la canne se retrouve en direction opposée à la cible (presque à angle droit), de même que le corps du pêcheur. Le bout de la canne change de nouveau sa direction en accélérant progressivement vers l’arrière et vers le haut jusqu’à sa position finale (autour de 13 h sur l’horloge, de dire Gawesworth). Rendue là, la canne fait un arrêt net et attend pendant un très bref moment que le bas de ligne (et un peu de soie, selon le cas) touche à l’eau. Le mouvement imparti forme aussi la boucle en D à l’arrière, le tout idéalement en ligne directe avec la cible.
 
La vitesse de l’accélération détermine la profondeur de la boucle en D. Plus celle-ci est profonde, plus il est facile de lancer avec puissance, efficacité et avec moins d’effort. On ne peut malheureusement pas voir la boucle en D dans les photos nos 10 et 11 (ce qu’on projetait de corriger dans la reprise projetée de l’exercice).

Photos # 10 et 11

     Le passage de la photo no 10 à la photo no 11 illustre bien l’importance du timing  dans l’exécution du Spey simple. En effet, on peut observer que le bas de ligne touche à peine l’eau (splash-and-go) alors que le pêcheur doit amorcer la phase finale du lancer vers l’avant (forward cast). C’est une des opérations difficiles à réaliser, au début, dans l’apprentissage du lancer Spey et que seule la pratique permet de bien exécuter sur une base régulière.
 
Pour s’aider, il est important de garder les yeux sur l’ancrage et même obliquement sur la boucle en D à l’arrière. Comme on l’explique dans les vidéos et les livres sur le Spey, si on n’attend pas assez, on se retrouve avec un lancer arrière (backcast) comme lors du lancer overhead, alors que si on attend trop, la boucle en D s’affaisse et s’ancre à l’arrière, entravant sérieusement l’efficacité de la procédure. Les photos montrent également un ancrage à plat (flat anchor), qui est un avantage à rechercher pour faire de beaux lancers avant.

Photos # 12 à 15

     Dans ces photos, la partie avant du lancer a été exécutée. Avec la technique scandinave ou en main basse (underhand) utilisée dans les photos, la main droite sert principalement (uniquement, diront les puristes) de pivot alors que la main gauche applique la puissance. On ne peut le voir dans les photos, vu que le pêcheur tourne le dos à la caméra. Si la technique est exécutée correctement, la soie se déploie en produisant une boucle (loop) étroite, dynamique et efficace.
 
     Une fois le lancer avant complété (après un arrêt net), la canne reste haute; dans le cas contraire, on ouvre la boucle et le lancer perd de son impulsion. C’est seulement après qu’il y a suffisamment de soie de sortie en route vers la cible qu’on l’accompagne pour un dépôt en douceur de la mouche.

     Tel qu’indiqué auparavant, le lancer avant doit projeter la soie à l’intérieur et parallèlement à la ligne fictive qu’on s’est tracée au départ. Si par mégarde, on n’a pas réussi à bien enligner l’ancrage et la boucle en D avant le lancer avant, il suffit alors de modifier notre plan initial et de lancer parallèlement et à l’intérieur de la ligne que trace la soie à cet instant (ancrée à côté et en D à l’arrière). Dans le cas contraire, on risque de faire une boucle croisée (tailing loop) ou de rater le lancer complètement. D’où l’importance de garder un oeil sur l’ancrage et si possible la boucle en D durant tout le processus. Neil Houlding dit qu’il le fait encore après 30 ans et on n’a qu’à constater l’excellence du résultat!

Conclusion et regard vers l’avenir

     Le but du présent article était de présenter aux lecteurs du magazine saumon une explication illustrée du lancer Spey simple. Il va sans dire qu’il y aurait lieu de présenter des photos plus précises d’un lancer encore mieux exécuté, de discuter plus exhaustivement des principaux écueils à éviter lors de son apprentissage, ainsi que la façon de les corriger.
 
     Nous n’en espérons pas moins que les lecteurs du magazine y trouveront quelque utilité et que quelqu’un d’autre de plus compétent encore y trouvera motivation à donner suite au projet au bénéfice des lecteurs francophones de la revue.
 
     L’article aura au moins montré l’utilité d’utiliser une caméra ou un appareil vidéo pour se donner du feedback en pratiquant les lancers. C’est ce travail en autodidacte qu’a accompli Raynald Ménard depuis ses débuts dans le Spey, lui qui est devenu à notre humble avis un des instructeurs de lancer Spey les plus élégants sur la scène canadienne. Rappelons-nous en terminant ces paroles de feu Mike Maxwell (un pionnier du Spey en Amérique du Nord) : « On ne peut pas s’attendre à faire des lancers Spey parfaits à tout coup! »

    Voir, entre autres, son extraordinaire Single-Handed Speycasting. Solutions to Casts, Obstructions, Tight Spots and Other Casting Challenges of Real-Life Fishing. Stackpole Books, 2010.

Références

» Texte Claude Hamel (2013).
» Photos Gérard Bilodeau
» FQSA.
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