Le Saguenay; Le Forillon de la Rive-Nord

     J'admets me faire plaisir en commençant les reportages «Salmo Salar en tournée» par une visite à Sacré-Coeur, sur la rivière Sainte-Marguerite, royaume de notre ami Gérard «La chemise» Brisson. A quelques heures de Québec, la région touristique du fjord du Saguenay nous propose en effet un environnement, des activités et même une série d'aventures qu'on ne retrouve que très rarement au Québec. Décor majestueux, excursion en mer pour contempler les baleines ou taquiner «dame morue», croisière sur le Saguenay pour admirer le fjord et les mammifères marins, visite de lieux historiques et culturels, pisciculture, théâtre d'été, festival du saumon et, bien sûr, pêche du saumon atlantique, tout cela est offert au visiteur à partir de Tadoussac ou de Sacré-Coeur, deux agglomérations distantes d'une dizaine de kilomètres seulement et situées à l'embouchure de la superbe rivière Saguenay.

Le Saguenay; Le Forillon de la Rive-Nord
     Pour un couple en vacances, un séjour dans ce coin de pays aux attraits multiples peut être mémorable, et ce, même si certaines journées les conjoints n'ont pas les mêmes activités, ce qui se présente en outre lorsque seulement un des deux conjoints est un pêcheur sportif du saumon. Un séjour de deux jours et demi dans ce monde en effervescence est beaucoup trop court croyez-moi. Si l'on considère que la pêche au saumon n'est pas la seule activité passionnante dont on puisse jouir, il faut penser passer au moins 4 ou 5 jours pour goûter à cette alcôve saguenéenne en couple, ou même en famille. Pour les «grands malades», juin est sans doute le mois de la pêche au saumon en célibataire. Mais juillet et août offrent à la fois pêche, température plus douce et activités pour tous et, dans cette vision du concept vacance, l'axe Sacré-Coeur/Tadoussac vous comblera...

Alcan - Sainte-Marguerite ZEC.

     Étant à toutes fins pratiques un pêcheur de rivière depuis trente-cinq ans, et de saumon en rivière depuis dix ans je peux dire qu'un bon nombre de rivières ont mis de l'eau dans mes bottes au fil des saisons de pêche. Et, globalement, la Rivière Sainte-Marguerite n'a rien à envié à aucune de celles que j'ai pêchées. Rivière aux multiples facettes, très souvent encaissée par des parois de roc qui touchent le ciel, elle devient lentement mais sûrement l'un des joyaux de la pêche au saumon au Québec. Il n'est donc pas surprenant de constater que le Club de pêche Sainte-Marguerite (Alcan) s'y était confortablement installé avec la bénédiction de nos élus d'hier.

Le contexte hydrographique.

     Ce qu'on appelle la rivière Sainte-Marguerite est plutôt, à mon avis, un complexe hydrographique de trois cours d'eau dont deux (le saviez-vous?) permettent la pêche sportive du saumon, et dont le troisième devient une pépinière à saumon pour l'un des deux cours d'eau exploités. Des précisions s'imposent. A quatre ou cinq kilomètres de son embouchure dans le Saguenay, la rivière Sainte-Marguerite se divise en deux branches, chacune d'elles ayant un débit assez important pour mériter l'étiquette de rivière à saumon. Pour l'instant, on les appelle la Sainte-Marguerite, branche principale et la Sainte-Marguerite, branche nord-est.

La Sainte-Marguerite, branche principale.

Le Saguenay; Le Forillon de la Rive-Nord
     La Sainte-Marguerite, branche principale, est gérée par la ZEC mais protégée et exploitée conjointement par l'Alcan et la ZEC, chacun des partenaires ayant accès aux secteurs contingentés (2 et 4) à tour de rôle (chacun sa semaine dans le 4 pendant que l'autre pêche le 2). Les secteurs 1 et 3 sont quant à eux à accès illimité.

     La partie amont de la rivière est un sanctuaire où une barrière de rétention garde le saumon à vue aussi longtemps que cela s'avère nécessaire. Dans le secteur 4 de cette branche principale se jette la branche nord-ouest qui, à l'initiative de la ZEC et en collaboration avec le Centre écologique du Lac Saint-Jean, de la Fondation de la Faune du Québec, du MLCP et de l'Alcan, est à devenir une pépinière à saumon pour la branche principale. En effet, la collaboration de ces intervenants a permis une étude qui a mené à la construction d'un incubateur d'oeufs de saumon; ce dernier fournit, depuis deux ans, plus de 125,000 alevins (projet de 10 ans) par année. Ces alevins sont déversés à chaque printemps dans la branche nord-ouest. Selon le biologiste Marc Valentine du Centre écologique du Lac Saint-Jean, ces alevins se développent plus rapidement qu'ailleurs et devraient augmenter sensiblement le nombre de grands saumons qui remonteront la branche principale dans un proche avenir. Bravo!

La Sainte-Marguerite, branche nord-est.

     Le débit de la Sainte-Marguerite, branche nord-est, est aussi important que celui de la principale. Cette rivière, qui ne recevait à peu près plus de saumons il y a moins d'une douzaine d'années, a accueilli en 1990 probablement autant, sinon davantage, de saumons que la branche principale elle-même ! Que s'est-il passé? Au début des années 80, l'Alcan y a construit une passe migratoire pour annuler l'effet d'une chute infranchissable et a procédé à des ensemencements massifs. Lors de mon passage à la fin de juillet, plus de 800 saumons avaient déjà emprunté lapasse et une quantité indéfinie de beaux spécimens sautaient encore dans les chutes, offrant un spectacle étourdissant.

     Le succès du réaménagement de cette rivière semble assuré; il ne manque maintenant qu'une entente Alcan/ZEC pour son exploitation rationnelle. Si le passé est garant de l'avenir, «LES» rivières Sainte-Marguerite deviendront le symbole contemporain des mariages de raison possibles entre une entreprise privée et une ZEC. A défaut d'investissements sérieux de nos gouvernements dans ce patrimoine régional, et considérant les erreurs du passé qui ont accordé des privilèges démesurés à des groupes bien nantis, je crois personnellement que ces mariages de raison sont bons pour le développement de la ressource et qu'ils permettent des retombées économiques importantes, tout en assurant une accessibilité certaine à l'ensemble des payeurs de taxes. Quoiqu'il en soit, la cohabitation Alcan/ ZEC Sainte-Marguerite est une bénédiction si on la compare à la relation quasi-esclavagiste du Club de pêche Molson avec la ZEC et les citoyens de Godbout. Mais ça, c'est une autre histoire et j'y reviendrai très bientôt.

Le Saguenay; Le Forillon de la Rive-Nord
     Je me permets tout de même une suggestion au Conseil d'administration de la ZEC Sainte-Marguerite: Pourriez-vous trouver un nom plus original à la «branche nord-est»? Et puis, Gérard, avec deux rivières à saumon distinctes, tu pourrais peut-être avoir deux subventions à la protection... pardon, deux contrats de service. Car tu sais, la protection du territoire relève du gouvernement du Québec et non pas des ZECS à saumon.

La pêche

     Quant à la pêche elle-même, je n'ai pu l'exercer que quelques heures. J'avais beaucoup de visites à faire et la température ne descendait pas longtemps sous les 30°C. Quoiqu'il en soit j'ai quand même eu le temps d'enlever une sèche de la gueule d'un dibermarin et d'en perdre un autre lors du «ferrage», avant d'en perdre un troisième et dernier après un bref combat; sans compter les très gros saumons venus renifler ma mouche selon les dires de Gérard qui était juché sur la cime d'un cèdre au péril de sa vie...

     Si vous avez comme projet de séjourner dans la région Sacré-Coeur/Tadoussac et que l'aventure saumon est à votre agenda, vous pouvez vous rendre au bureau de la ZEC à Sacré-Coeur et y prendre un droit d'accès pour l'un ou l'autre des secteurs non contingentés (1 et 3). Quant aux secteurs contingentés (2 et 4), vous devez tenter d'obtenir une réservation durant l'hiver ou «48 heures à l'avance» à moins d'être un chanceux qui, une fois surplace, peut se procurer un droit d'accès non vendu pour l'un de ces secteurs. Pour les modalités de ces réservations à l'avance, communiquez avec la ZEC. Et surveillez de plus les développements possibles sur la «branche nord-est».

     Une recommandation: si vous n'êtes pas accompagné d'un autre pêcheur qui connaît la rivière ou si vous n'utilisez pas les services d'un guide lors de votre première visite sur la Sainte-Marguerite, rendez-vous y à la fin de juillet ou en août, les saumons y sont alors généralement plus visibles et vous pourrez mieux découvrir la rivière et ses mystères. La saison se déroule du 1er juin au 31 août, mais avant le 10 juin...

     L'hébergement va, quant à lui, du camping semi-aménagé aux superbes chalets, en passant par les chambres de motels. Ace propos, demandez la brochure de la ZEC et ajoutez à la liste la «Ferme 5 étoiles», où vous pouvez loger dans de beaux chalets nouvellement construits avec cuisinière et réfrigérateur. Sont aussi disponibles sur place des services de guide et de location d'équipement. L'accueil y est tel que vous pourriez vous sentir chez vous dans cet autre paradis.

référence

» Par Clermont Grand'Maison
» Photos Clermont Grand'Maison
» Salmo Salar #22, Automne, Novembre 1990.
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