Les P'tits Bonheurs de la Pêche… au Féminin !

     Isabelle Arnaud est ma collègue et mon bras droit dans les activités de pêche à la Maison des jeunes. Elle pêche depuis qu’elle est toute petite et son rêve a toujours été de pêcher à la mouche. C’est maintenant chose faite : bienheureux ceux (et celles) qui réalisent leurs rêves ! D’ailleurs, elle resplendit de bonheur quand elle enseigne la pêche à la mouche aux jeunes et sa joie est communicative. Les jeunes l’adorent et elle a toujours une bonne parole pour ceux et celles qui se tournent vers elle, parfois découragés par mes commentaires francs et directs. On peut dire qu’on se complète bien... Isabelle réfléchit beaucoup sur la pêche sportive et son raisonnement est toujours très intéressant même si, par les temps qui courent, ça tourne plutôt en rond ! C’est qu’elle part au Honduras pêcher le « bonefish » à la mouche, pour la première fois de sa vie ! Elle ne parle que de ça ! Heureusement qu’elle avait complété cet article avant que son voyage ne se confirme... (M.V.)

Les P'tits Bonheurs de la Pêche… au Féminin !
     Si, au gré des saisons, vous rencontrez une bande de jeunes maniaques de la pêche à la mouche aux salons et nombreuses manifestations du monde de la pêche sportive, ou encore sur les rivières du Québec et du Nord des Etats-Unis, eh bien, il s’agit sûrement du groupe de pêche à la mouche de la Maison des jeunes Point de Mire. 

     Plusieurs s'étonnent en voyant notre groupe : « Des ados qui aiment la pêche ? Ce sont probablement de jeunes “ granos ” vivant près des bois dans des régions éloignées ! », se disent-ils. Eh non, ils viennent bel et bien de Verdun, en plein centre-ville de Montréal, et sont tout ce qu’il y a d’urbains : « trippant basketball », film d'horreur et vedettes pop. Seulement, ils sont réconciliés avec la nature et tous les petits bonheurs de la vie au grand air et, savez-vous quoi ? Ils en redemandent !

     Deuxième étonnement face à notre bande de joyeux pêcheurs : elle comprend autant de filles que de garçons ! En tant que représentante de la gent féminine, je ne vois pas ce qu'il y a de bizarre là-dedans. J'ai toujours adoré la pêche et maintenant que je l'enseigne aux jeunes, je n'aurais pas pu rêver mieux pour vivre ma passion. Cependant, quand je pense à toutes nos sorties en rivières, c'est vrai qu'on y rencontre peu de femmes, encore moins de jeunes adolescentes. Je peux comprendre la curiosité que l'on soulève. Imaginez une bande de filles qui débarquent sur une fosse, des adolescentes de 14, 15 ans avec leurs vêtements « mode » et qui mouchent comme de vraies pros ! Très souvent, les autres pêcheurs n'en reviennent simplement pas et ne peuvent s'empêcher de venir à notre rencontre pour nous souhaiter une bonne pêche. Certains y vont même de leurs petits conseils : « Soyez prudentes les filles, le courant est fort ! ». N'ayez crainte, monsieur, quand les filles débarquent sur une belle fosse, il n'y a pas grand-chose pour les arrêter !

     Qu’est-ce que les filles peuvent bien trouver à la pêche à la mouche pour « tripper » tant que ça ? En fait, plusieurs choses retiennent l'attention des filles car, même si elles adorent attraper le poisson, elles comprennent plus facilement que les garçons, que la pêche ne se résume pas à ça. Je me souviens que Patricia et Julie adoraient regarder les paysages, observer les oiseaux et tous les autres animaux, ou que Selma adorait chanter au rythme des mouvements de sa soie. Ces filles pêchent pour relaxer, profiter des grands espaces, s'oublier quelques instants. J'ai rarement entendu une fille se plaindre que ça ne mord pas ; pour elles, c'est peut-être moins important. Évidemment, la joie de prendre un poisson est tout aussi grande chez les filles que chez les garçons, mais elles trouvent tout naturel de faire une belle remise à l'eau, après la traditionnelle photo pour la postérité.

     Quoiqu’on en pense, les filles n'ont pas peur de manipuler les poissons, il suffit de leur laisser le temps de s'habituer. Vanessa, par exemple, détestait la texture « gluante et dégueulasse » des poissons. Néanmoins, après le combat fantastique qu’elle avait livré avec son premier saumon, elle était si high qu’elle n'a pas hésité une seconde à l'embrasser (une tradition à Point de Mire) et depuis, elle ne regarde plus du tout les poissons de la même façon. J'ai déjà vu de jeunes adolescents bien moins courageux que certaines filles lors de leur premier contact avec un poisson bien vivant. Je me souviens d’un garçon incapable de décrocher un minuscule tacon ou d’un autre, près de s'évanouir à la vue d'un inoffensif poulamon.

     Les garçons aussi prennent le temps d'admirer le paysage, surtout lorsqu'il est époustouflant (comme à notre dernier voyage en Gaspésie), mais ils ont surtout en tête la recherche du gros poisson à capturer. Comme Akim faisait remarquer : « Lorsque j'ai pris mon premier poisson, j'ai ressenti tout un frisson ! Je croyais que cette impression disparaîtrait avec l'habitude, mais c'est toujours cette même sensation forte que je ressens lorsque je combats un nouveau poisson ». C'est souvent à contre-coeur qu'ils remettent le poisson à l'eau, mais restent conscients du beau geste qu'ils portent. À la Maison des jeunes Point de Mire, nous remettons 99,9 % de nos poissons à l'eau.

     Avant d'aller pêcher, nos jeunes moucheurs et moucheuses ont tout un apprentissage à faire. Entomologie, éthique, noeuds, techniques de lancer et, bien entendu, montage de mouches ! Certaines filles sont très méticuleuses lors du montage, elles reproduisent fidèlement le patron d'une mouche et leur dextérité est surprenante. C’est pourquoi  je m'étonne qu'il n'y ait pas plus de femmes lors des grands concours internationaux de montage. Si elles savent jouer avec les différentes couleurs de matériaux, elles osent moins faire d’expérience ou inventer leurs propres mouches. Les garçons sont plus aventureux à ce sujet. Mathieu, par exemple, ne savait faire qu'une seule mouche au début, mais il voulait quand même créer immédiatement sa propre invention, en jurant qu'elle serait « mortelle », lors de sa première sortie de pêche ! Résultat ? Une sorte de Wolly Bugger bicolore avec du poil dépassant de partout et une queue faite de chenille toute « pendouillarde ». Hum ! un peu douteux, mais certes, très créatif ! Il y a aussi Jean-Olivier et Tomasz, cet été, qui ont inventé une panoplie de nouvelles mouches plus farfelues les unes que les autres, dont une avec des cheveux humains et une autre nommée firefly parce qu'ils la faisaient flamber ! Décidément, les filles sont plus timides quand vient le temps de créer de nouvelles mouches…

     On ne peut bien sûr généraliser l’intérêt pour la pêche à la mouche selon le sexe, puisque la personnalité de chacun prime. J'ai vu des garçons pas « viandeux » du tout et des pêcheuses qui voulaient toujours lancer plus loin que les autres. En fait, la pêche à la mouche, c'est génial parce c'est tellement vaste et complet que chacun y trouve son compte : les gars et les filles, solitaires, boute-en-train, rêveurs, sportifs, scientifiques…

     La FAPAQ a fait un grand pas dans ce sens en choisissant comme porte-parole Mélanie Turgeon, elle-même une jeune fille dynamique et pratiquant la pêche sportive ! Un modèle différent de ceux que nous voyons habituellement dans les émissions de pêche à la télévision. Pourtant, les jeunes pêcheurs et pêcheuses adorent la télévision et les magazines, mais on leur offre rarement des modèles auxquels ils peuvent s’identifier.

     Je pense aussi à toutes les femmes qui voudraient s'initier à la pêche à la mouche, mais qui n'osent pas… Essayez, mesdames, vous n'allez pas le regretter et si vous n'êtes pas convaincus, venez rencontrer nos jeunes adolescentes lors des salons montréalais de chasse et pêche. Elles sauront sans doute vous transmettre leur passion et les secrets de leur art !

référence

» Texte: Isabelle Arnaud.
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