Premier Saumon; Expérience Mémorable !

     C’est à la Fête nationale du Québec que commença notre périple à la pêche au saumon. La route était très longue. Nous avions hâte. Mon ami Jean-Sébastien et moi étions fébriles à l’idée de pouvoir capturer un grand saumon atlantique... du moins essayer! Nous ne savions pas à quoi nous attendre de ce voyage d’une semaine sur la rivière York. Heureusement, nous avions la personne idéale pour nous guider sur cette incroyable rivière. Gislain Pelletier, l’oncle de Jean-Séb, pêche sur la York depuis plus de 25 ans. Donc, c’est avec lui et les parents à Jean-Séb, Nathalie et Berni, que nous entamons notre premier voyage de pêche au saumon.

     Arrivés à destination, nous avons installé la roulotte à la fosse Spruin Rock, une des plus belles fosses de la rivière. En allant prospecter celle-ci, je suis tombé en amour avec la couleur de l’eau dès mon premier regard posé sur la rivière. L’eau est d’une pureté inégalée, d’un vert limpide et transparent à la fois. Je n’en revenais pas ! L’idée de pêcher dans cette rivière m’émerveillait, et quand j’y étais enfin, je n’y croyais pas!

     Nous nous sommes couchés à 20h le premier soir pour être en forme le lendemain. Je n’ai pas besoin de vous expliquer pourquoi je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit-là. À 2 h 45 AM tapant, le cadran sonna. C’était l’heure. L’heure de s’habiller et de partir à la pêche, enfin! Nous nous sommes arrêtés sur le bord de la rue pour prendre le sentier qui nous conduisait à la fosse Gorge. Plus on avançait dans le noir et plus on entendait le débit de la rivière. C’était parfait ! La luminosité apparut tranquillement et c’est là que j’aperçus un saumon sauter hors de l’eau dans la fosse. La pêche était ouverte...

     Pour ma part, je n’ai pas eu d’action sur ma canne le premier jour, mais j’ai été comblé par la beauté des paysages et du soleil qui tapait de tous ses rayons sur la rivière. J’ai aussi assisté à la capture d’un saumon par notre guide Gislain. C’était incroyable. Il n’y a pas de mot pour décrire ce que l’on ressent. Même après 25 ans de pêche sur cette rivière, Gislain avait l’air fou de joie à avoir le saumon au bout de sa ligne. Comme si c’était son premier à vie. Quelle aventure!

     Le lendemain, je suis parti avec Gislain et Nathalie en amont de la fosse Guard Rail. Jean-Séb et Berni sont sortis dans le contingenté cette journée-là. Gislain connaissait la place sur le bout des doigts. Il nous a amenés à son « spot » qu’il préférait. Rendus à l’endroit que l’on appelle un pot, nous avons aperçu quatre saumons un à côté de l’autre. Il y en avait deux, estimés à 10 livres et deux autres estimés à plus de 15 livres. Alors, nous avons passé à tour de rôle notre ligne sur ce pot pour voir si les saumons allaient mordre. Après quelques tentatives, nous sommes montés un peu plus en amont où Gislain avait repéré un autre saumon. Aucune action. Je suis donc retourné plus bas avec Gislain à l’endroit où les quatre saumons se trouvaient. De son côté, Nathalie pêchait toujours en amont. Gislain s’est placé sur le bord du cap de roche pour bien analyser mes lancées sur les saumons. Il m’a donné une de ses mouches qui lui a apporté beaucoup de succès sur la York.

     Il s’agissait d’une mouche noyée Roger Fancy que Gislain avait montée lui-même sur un hameçon double #2. Au deuxième lancer, Gislain m’a dit que le gros saumon avait monté sur ma mouche, mais ne l’avait pas pris. Lorsqu’il me dit cela, mon cœur a arrêté de battre et j’ai commencé à trembler d’excitation. Ceux qui ont déjà pêché un saumon comprennent ce que je dis, pour les autres, je vous recommande d’essayer l’expérience au moins une fois dans votre vie. Il n’y a pas de mot exact pour décrire les sensations que ça nous apporte. Il faut le vivre et le voir pour le croire!

Roger Fancy
     Gislain m’a dit de continuer à taquiner le saumon pendant qu’il allait rejoindre Nathalie en amont. Il était 10 h 30 à ce moment-là. Nous devions être au chemin en haut pour rejoindre les autres à 11 h et nous étions à 30 minutes de marche, alors il ne nous restait pas énormément de temps pour pêcher. Je vous mets donc un peu en contexte. La rivière où nous nous trouvons forme un U, et je me trouve en aval du U tandis que Nathalie et Gislain sont situés en amont du U. La rivière est entourée de grands caps de rochers qui sont à couper le souffle. Donc, Gislain et Nathalie ne me voient pas.

     Vous savez, la pêche au saumon en rivière d’eau douce est particulière, car le poisson est en phase de reproduction. Il ne va pas vouloir manger nos mouches pour se nourrir. Le saumon va venir prendre la mouche pour la caler dans le fond de l’eau et ensuite la relâcher une fois qu’elle est bien noyée. Donc il faut ferrer au bon moment et assez fort pour bien prendre le saumon.

     Donc, j’étais toujours à mes quatre saumons, dans ma tête, à me parler de plein de sujets et à me poser des questions existentielles, quand soudain ma soie se raidit!
11 h moins quart, on pouvait entendre à des milles un énorme « FISH ON » ! Eh oui ! La pêche est ouverte. Le saumon est bien attelé à ma ligne et il est lourd. C’était le gros saumon qui avait monté sur ma mouche quelque temps avant. Pendant que je tenais ma perche bien pliée, je criais de toutes mes forces en direction de l’amont de la rivière pour que Nathalie et Gislain m’entendent et viennent à ma rescousse. Au début, le saumon restait dans le fond de la fosse et ne bougeait pas. Juste son poids sur ma ligne faisait en sorte que je ne pouvais le ramener. Soudain, j’ai aperçu Gislain et Nathalie qui arrivaient en courant sur le bord de la rivière. J’étais soulagé, car Gislain allait me dire quoi faire pour ramener le saumon avec efficacité.

     Au même moment, le saumon a pris la poudre d’escampette dans le rapide en aval et descendait à vive allure. Mon moulinet se vidait au fur et à mesure. En peu de temps, j’étais dans le back ligne. Gislain, qui n’était pas encore arrivé près de moi, me cria de le suivre en rembobinant. Naturellement, je suis sorti de l’eau pour courir sur le bord du cap qui longeait la rivière, et heureusement, il m’était possible de le suivre. Arrivé à la fin du rapide, le saumon prit une pause. Mon back ligne s’était emmêlé dans mon moulinet, dû au fait que la tension de mon moulinet n’était pas assez raide. Alors, j’ai profité de la pause du saumon pour reprendre mon souffle. Gislain est arrivé à côté de moi et m’a dit d’enlever mon moulinet pour défaire les nœuds dans le back ligne. Mes mains tremblaient sans arrêt. Gislain m’aidait à démêler mon back ligne tandis que Nathalie arrivait près de nous. Le saumon était toujours au bout de la ligne et avait décidé de partir à nouveau vers l’aval. Le problème était que mon moulinet n’était pas encore installé sur la canne et je tenais le fil dans mes mains. Vous auriez dû voir l’ouverture que le glissement du back ligne m’a faite à la main… Sur le moment même, qui s’est déroulé à toute allure dans ma tête, à l’aide du moulinet, nous avons bloqué la ligne. Et là, « Pouf ! », la soie s’est décrochée du back ligne.
Gislain, Nathalie et moi, la bouche à terre, regardions ma soie partir dans l’eau avec le saumon. Bye-bye la soie, et au revoir saumon! Je ne réalisais pas trop ce qui se passait. Je pensais à comment j’allais faire pour continuer à pêcher sans soie.

     Alors j’ai dit que ce n’était pas grave et que j’avais eu bien du plaisir, mais Gislain réfléchissait. Soudain, il dit : « J’ai déjà entendu une histoire de pêche où la personne avait perdu sa soie sur un saumon. Le gars est descendu la rivière et a récupéré sa soie plus bas et a fini son combat avec le saumon. »

     D’un pas découragé, nous avons descendu plus bas en analysant la rivière. C’est alors que j’aperçus ma soie dans l’eau. Elle était bien allongée et ne bougeait pas dans le courant. Notre déduction était que le saumon était encore au bout de la ligne. La soie était sur le bord de la rivière, mais de l’autre côté. Gislain et moi avons traversé plus bas et Nathalie est restée sur le bord, car l’eau était trop haute pour qu’elle traverse en toute sécurité. Je lui ai donc laissé mon cellulaire pour ne pas le mouiller et en même temps, elle a pu filmer le déroulement du reste de l’histoire.

     Arrivé près de la soie, Gislain a pris celle-ci avec délicatesse pour ne pas attirer des soupçons chez le saumon qui était assurément au bout de la ligne. J’étais à côté de Gislain et je le regardais faire le nœud pour attacher la soie au back ligne, et je m’apercevais qu’il tremblait… Et il tremblait… Assez, qu’il lui a fallu cinq tentatives pour qu’il réussisse à attacher convenablement la ligne. À ce moment-là, il m’a dit : « Tu vois, même après 35 ans de pêche ça me fait encore cet effet-là ! »

     Après avoir ri un bon coup et avoir repris nos souffles, j’ai commencé à rembobiner tranquillement en avançant sur le bord de la rivière. À cet endroit, le rapide était assez loin, ce qui me donnait un terrain de jeu convenable.

     Avec grand bonheur et autant de joie, le saumon était toujours présent sur la ligne. Avec toutes ses forces, il nous a livré un superbe spectacle, et à moi un incroyable combat que je n’oublierai jamais !

     À midi et demi je tenais mon saumon dans mes mains. Au moins 7 kilos (18 livres), selon Gislain. Il était lourd. Quelques instants après, je le graciais. C’est fou quand même de penser qu’après 45 minutes de stress et d’efforts pour mettre la main sur le saumon, on lui donne un bec, et on fait une remise à l’eau. « Catch and release » et tu restes avec le sourire fendu jusqu’aux oreilles.

     Toute qu’une aventure pour un premier saumon ! Heureusement, j’étais accompagné du meilleur, Gislain Pelletier. Sans lui, je n’aurais jamais vécu un tel « thrill » et je pense qu’il a aussi vécu quelque chose de spécial avec ce saumon.

     Malheureusement, mon grand ami Jean-Séb n’a pas assisté à la capture de mon premier saumon. Mais nous nous sommes repris plus tard où lui a pris un beau saumon de 10 livres à la sèche.

     Ce n’est que partie remise; d’autres occasions du genre se reproduiront sans conteste... et je l’espère grandement, car l’expérience est géniale bien que carrément indescriptible !

référence

» Texte & photos Sylvain Bilodeau (Hiver 2017).
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