Choisir la Bonne Sèche

     Fin juillet sur la Natashquan, à la deuxième chute les saumons s'activent autour de l'embarcation avant de tenter de franchir l'obstacle sur le chemin de leur course migratoire. Fréquemment autour de nous, les saumons crèvent l'eau de cette vaste rivière qui est l'une des plus productives au Québec. Je regarde les mouches sèches de mes boîtes pour en ressortir un oiseau blanc n° 4 qui me semble approprié par ce temps ensoleillé.

Choisir la Bonne Sèche
     L'insecte symbolique est présenté sur l'onde et semble descendre le courant librement, comme le veut la technique de l'art. Quelques saumons crèvent encore l'eau mais loin de la petite « touffe » de poils et de plumes blanches. Après cinq minutes d'essai tout autour de l'embarcation, sans succès, je suspends les offrandes.

     Assis dans l'embarcation j'observe les nombreuses manifestations des saumons qui agitent l'eau sombre de la Côte-Nord. Je représente rapidement la mouche aux endroits où les saumons se sont manifestés, aucune réaction. Je rentre le tout pour changer la mouche. Je choisis une autre blanche mais plus petite. Sans succès encore cette fois. Suivent alors des présentations de sèches de différentes grosseurs et couleurs, entrecoupées de pauses de plus en plus longues.

     Devant l'insuccès, les idées noires habituelles m'envahissent. « Les saumons sont préoccupés par une seule idée: franchir les chutes et ne veulent rien savoir des mouches.» Ils sont là depuis longtemps et leur indifférence est proportionnelle au nombre de mouches déjà vues. Je n'ai pas su trouver rapidement la bonne mouche et je suis en train de brûler la fosse et bien d'autres idées toutes aussi peu réconfortantes!

Choisir la Bonne Sèche
     Le regard plongé dans les petites boîtes de sèches, je tasse avec le bout du doigt les insuccès, pour tenter de découvrir la surprise flottante qui déjouerait l'indifférence de Salmo salar. Tout au fond, en-dessous, des glorieuses de grande renommée, un petit Bug jaune n°10. Je vais essayer cette petite chose que je ne fréquente pas souvent.

     Surprise! Après quelques lancers, plusieurs saumons montent vers le petit objet flottant sans crever l'eau. C'est une manifestation d'un intérêt évident, mais le saumon n'apprécie pas encore assez cette mouche pour la saisir. Je retire la petite sèche avec une angoisse certaine, ne sachant pas si j'en ai d'autres versions. Fébrilement, je bouscule dans les boîtes les décevantes de la journée pour enfin trouver deux versions en « gresley » de la même dimension.

     Cela fait maintenant plus de deux heures que les saumons se manifestent sur la grande Natashquan tout en refusant plus d'une douzaine de modèles et de grosseurs différents de sèches! La petite sèche grise n°10 est déposée sur l'onde à quelques reprises et soudainement sans avertissement, Salmo la saisit et le combat débute immédiatement en sauts et fuites qui nous comblent d'émotions. En deux jours de pêche, je prends cinq saumons avec cette mouche dont trois seront graciés sans compter quelques pertes dues à la grosseur de la mouche.

     Choisir la bonne sèche, ce n'est pas évident; mais il faut persister à chercher la stimulante. Il me semble que Salmo salar a souvent des préférences très marquées pour un modèle, une couleur et une grosseur de sèche bien définie. Votre choix ne sera pas nécessairement celui du saumon; changer est une partie de la solution.

     Ceci étant dit, il ne nous reste plus qu'à expérimenter et à se souvenir des conditions dans lesquelles le saumon a pris la mouche. Vous avez sûrement, vous aussi, des idées ou des réflexions à ce sujet, écrivez-les dans la revue Salmo Salar pour les partager avec les autres saumoniers de la FQSA.

référence

» Textes et photos Bernard Beaudin
» Salmo Salar #33, Hiver, Décembre 1993.
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