La Mouche « Pêchante » et Efficace

     Voici donc les observations pertinentes d'un pêcheur d'expérience qui se défend bien de donner des conseils.

     Bien sûr, à force de lancer des mouches artificielles sur l'eau depuis un demi-siècle déjà (comme le temps passe), j'ai fini par me poser quelques questions impertinentes du genre de celle-ci : Comment se fait-il que certaines mouches sèches à saumon, que j'avais particulièrement bien réussies, esthétiquement parlant, ne donnaient pas les résultats que j'en attendais, alors que d'autres, fagotées à la diable, faisaient merveille dans les pires conditions de pêche ? Quelles sont au juste les qualités requises pour qu'une mouche sèche à saumon soit « pêchante » et efficace ?

La mouche « pêchante » et efficace
     Pour être fidèle aux préceptes que j'ai reçus, je ne donnerai pas de conseils au lecteur, je lui ferai simplement part de mes conclusions toutes personnelles, sachant bien par avance qu'elles peuvent être diamétralement opposées aux siennes.

     Afin d'en savoir plus long sur le sujet, j'ai réuni au fil des saisons la plupart des mouches avec lesquelles j'avais pris des saumons... J'avoue que pour un grand nombre d'entre elles la question est demeurée sans réponse, car c'est aux saumons eux-mêmes qu'il eût fallu la poser. Néanmoins, j'ai observé quelques faits qui ne manquent pas d'intérêt.

     Comme il existe très peu de monteurs de mouches sèches à saumon en France, permettez-moi de déposer dans le panier communautaire le fruit de mes observations. Tout d'abord, je n'ai trouvé aucune différence notoire quant à la comparaison avec des mouches colorées qui ont déjà fait leurs preuves sur les rivières à saumon du Québec. Par contre, une différence flagrante s'observait dans la dimension et le volume de l'habillement. Dans les mouches de forte dimension, telles que les mouches sèches à saumon, il existe un équilibre qui favorise la pause, la flottabilité et la tenue de surface, toutes considérations auxquelles les saumons sont très sensibles, particulièrement si vous avez affaire à des poissons fréquemment sollicités.

Sur les rivières québécoises

     Les mouches qui attirent le plus sur les rivières du Québec sont bâties sur des hameçons fil-de-fer no 4 et no 6, et c'est là qu'intervient la subtilité d'un montage équilibré, car on peut fort bien utiliser un hameçon no 6 pour confectionner une mouche qui aura le volume d'une no 4.

     C'est d'ailleurs l'erreur que font couramment les monteurs débutants. Ils obtiennent ainsi une sorte de pompon difforme que l'on nomme, en anglais, over dressed ou « sur-habillé ». Par contre, l'opération inverse, c'est-à-dire le montage d'un volume no 6 sur un hameçon no 4 se pratique volontairement et avec succès. Le seul inconvénient de ce genre de montage se traduit par une diminution de la flottabilité assez désagréable les jours de houle et de vent ou dans les courants agités. D'une façon générale les mouches « sous-vêtues », qu'elles soient sèches ou noyées, sont plus efficaces que les mouches over dressed.

Mes modifications

     À mes débuts en mouches sèches à saumon, vers 1960, j'utilisais des mouches de type White-Wulff, Grey-Wulff et Brown-Wulff, construites selon la recette originale avec l'utilisation exclusive du poil de cerf de Virginie (Buck-tail) aussi bien pour le corps, les ailes et la queue. Puis peu à peu, tout en conservant l'aspect général de la mouche, j'y ai mis ma touche personnelle. J'ai remplacé le poil de cerf par du poil creux de caribou pour le corps, puis j'ai utilisé la plume de coq pour la collerette palmer à laquelle j'ai ajouté quatre pointes de hackles pour les ailes et deux autres pour les cerques de la queue. Enfin, j'ai remplacé le fil ciré de la construction classique par un mono filament en nylon de 8/100 qui a l'avantage d'être élastique et de maintenir un serrage constant sur les éléments, en plus de limiter le volume des enroulements et de les rendre invisibles.

     Le résultat de cette méthode de confection, à condition que les composantes soient judicieusement dosées, est une mouche au posé délicat, dont les ailes et la queue sont réellement fonctionnelles pendant la chute et ne sont pas seulement des éléments de parure. Cette mouche a également une bonne tenue de surface pendant le coulée et ne se noie pas facilement.

Les défauts à éviter et leurs conséquences

     Si la collerette est trop imposante, vous aurez une mouche informe et peu « pêchante », car la silhouette est le principal facteur de succès. Les saumons monteront parfois sur votre mouche mais ne la prendront pas.

     Si, au contraire, la collerette est trop étroite avec des hackles trop longs et des cerques trop courts, votre mouche se cabrera sur la surface de l'eau, elle tombera la queue première et aura tendance à se noyer très rapidement. Là encore, les résultats seront maigres.

Méthodes de construction

     - Étape 1 : On fixe sur la hampe de l'hameçon les deux pointes de plumes qui feront la queue (cerques).

     - Étape 2 : Pour la confection du corps, on utilise de petites touffes de poils de caribou ayant la grosseur d'une allumette. Chaque touffe pliée en deux, à cheval sur le fil de construction, est poussée jusqu'à la hampe de l'hameçon puis ligotée à cette dernière par trois ou quatre tours de fil ; ceci fait, on noue une fausse boucle sur la hampe afin de verrouiller la première touffe de poils, puis on procède de la même façon pour toutes les autres touffes qu'on ajoute une à une jusqu'au remplissage complet.

     Détail important : chaque touffe doit être tassée contre la précédente en la vrillant avec le pouce et l'index, ceci afin de répartir également le poil sur toute la circonférence du corps de la mouche.

     - Étape 3 : Lorsque la hampe de l'hameçon est garnie de poils jusqu'à sa bouche, on retire le tout de l'étau sans couper le fil de construction, puis on procède à la taille au ciseau en prenant bien soin de ne pas couper le fil et les pointes de queue.

     - Étape 4 : La mouche est replacée dans l'étau, une plume de la couleur choisie est nouée par sa base près de la queue de la mouche, puis on enroule cette plume colorée en même temps que le fil, en larges spires et en faisant pénétrer ces dernières entre les poils du corps tout en remontant vers la tête de la mouche où on ligature le tout.

     - Étape 5 : On enroule le fil de construction une dizaine de tours en revenant vers le centre du corps de la mouche, puis on fixe une à une les plumes que l'on enroulera en palmer pour confectionner la collerette (trois plumes moyennes).

      - Étape 6 : À travers la collerette, et de chaque côté de la tête de la mouche, on place deux à deux les quatre pointes de plumes destinées aux ailes. Ces plumes doivent être placées à l'horizontal, les pointes tournées vers l'avant et presque parallèles de chaque côté et au-dessus du corps. En les serrant avec le fil, elles se redresseront d'elles-mêmes et prendront l'orientation désirée.

     Il ne restera plus qu'à terminer l'enroulage final et à procéder au collage ; toutefois, il est recommandé d'appliquer un vernis incolore après chaque opération et pas seulement à la fin du montage.

     Et voilà... vous en savez maintenant autant que moi sur les mouches sèches à saumon et, lorsque vous les aurez essayées, les mouches de mon cru deviendront les mouches de votre culte...

     Mais attention ! l'over-dressed c'est comme l'over-dose, ça tue...

Quatre mouches bombers de Guy-Noël Chaumont :

Blue & white

Blue & white

Grizzly bomber

grizzly bomber

Brown & white

brown & white

Brown bird

brown bird

références

» Par Guy-Noël Chaumont
» Saumons illimités #60, Printemps-Été 2001.
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