Achigan à Petite Bouche; Pour Moucheurs Avancés

     L'auteur a accompagné un fervent adepte de pêche de l'achigan à petite bouche à la mouche qui a développé au fil des années une approche méthodique des plus productives, et il nous livre les secrets de ce perfectionniste.

Achigan à Petite Bouche; Pour Moucheurs Avancés
     Au Québec, l'achigan à petite bouche est de plus en plus recherché des pêcheurs sportifs, et pour cause! Accessible à toutes les bourses et présent en grand nombre dans plusieurs plans d'eau, ce poisson représente, à longueur et poids égaux, l'une des espèces les plus gourmandes et les plus combatives. De plus, on peut récolter l'achigan jusqu'à la fin du mois de novembre dans plusieurs secteurs de la province. Enfin, si vous effectuez le bon choix d'artificielles et utilisez les techniques de pêche appropriées, vous aurez sûrement du succès en péchant l'achigan à la mouche.

     Pour tromper l'achigan, plusieurs moucheurs se servent de bourdons (poppers) et autres artificielles de surface. De son côté, Jacques Juneau, pêcheur sportif émérite de la région de Trois-Rivières, pratique la pêche de l'achigan à la mouche depuis plus de 20 ans et préfère surtout utiliser des streamers.

    Certes, il est d'avis que les bourdons de type attractif et les poppers sont très efficaces, tout comme les imitations d'insectes aquatiques à l'état de nymphe ou d'adulte, mais contrairement aux streamers ils ne le sont qu'à des moments précis de la journée et, souvent, à certaines périodes au cours de la saison de pêche. L'expérience lui a appris que les streamers sont plus productifs la plupart du temps, et à l'usage il en est venu à sélectionner quelques modèles qui conviennent à la majorité des situations de pêche.

L'ÉQUIPEMENT

     Même si la canne à mouche avec une soie n° 6 ou 7 utilisée habituellement par le pêcheur à la truite peut faire l'affaire, Juneau se sert d'une canne qui accepte une soie plus lourde, soit n° 8 ou 9. Les streamers étant des leurres plutôt gros et pesants, ils sont plus faciles à propulser avec des soies d'un poids plus élevé. De plus, compte tenu de la grosseur des artificielles attachées au bas de ligne et du mouvement très c exercé avec la canne pour assurer la pénétration de l'hameçon dans la gueule de l'achigan lors du ferrage, il préfère une canne puissante, assez rigide et d'une longueur de 8,1/2 ou 9 pi.

L'ÉQUIPEMENT
     Cependant, ce ne sont pas là les seules raisons de ce choix. L'achigan étant un poisson qui chasse à l'affût, il se positionne souvent près ou sous les embûches telles herbiers, cailloux, arbres submergés, etc. Comme ce poisson très fort livre toute une bataille aussitôt ferré, le pécheur doit rapidement l'amener hors de ces obstacles. «Vous comprenez que la canne doit être capable de supporter une telle traction, sans compter qu'étant donné les endroits à prospecter, l'hameçon s'accroche souvent dans la végétation, les branches submergées, les roches, etc», d'ajouter Juneau.

     Pour lui, et ce peu importe la profondeur de la colonne d'eau à prospecter, la soie entièrement calante est celle qu'il privilégie avec des streamers. Selon ce professionnel de la pêche, comme il faut ferrer rapidement dès qu'une touche est ressentie, la soie calante permet une meilleure pénétration de l'hameçon dans la gueule du poisson puisqu'elle est dans le même axe que le bas de ligne et le streamer. Il ajoute qu'elle assure une meilleure action de nage à l'artificielle.

     Quant au bas de ligne d'une longueur de 5 à 6 pi, il est non fuselé avec un bout fin (tippet) de résistance appropriée à la grosseur du streamer. Plus celui-ci est gros, plus Juneau diminue la longueur du bas de ligne et augmente le diamètre du bout fin; dans la plupart des situations de pêche avec un streamer, le diamètre du bout fin a une résistance variant de 8 à 12 lb. Selon notre expert, il n'est pas nécessaire d'avoir un moulinet coûteux pour combattre l'achigan, car ce n'est pas l'élément le plus déterminant. Étant donné qu'il est plutôt rare que l'achigan entreprenne une longue course effrénée comme le saumon, un bon moulinet à action simple utilisé pour la pêche de la truite convient très bien, en autant qu'il ait la contenance adéquate.

Récupération du streamer

RÉCUPÉRATION DU STREAMER
     Pour obtenir du succès à la pêche de l'achigan en rivière et en lac, il faut avoir un équipement adéquat, prospecter les bons endroits, mais il est aussi très important de bien présenter le streamer. Peu importe le modèle choisi, Juneau insiste sur le fait qu'il doive être en mouvement pour être efficace. Il faut se rappeler que les streamers sont des artificielles qui imitent des poissons-fourrage, des salamandres, des sangsues ou d'autres invertébrés vivant surtout près du lit du plan d'eau ou d'obstacles submergés. Même si plusieurs streamers sont aussi des mouches attractives, tous doivent simuler le comportement de petits animaux vivants pour inciter le poisson à attaquer. «Or, ceux-ci voyagent rarement en ligne droite et à la même vitesse, d'où l'importance de modifier la nage de l'artificielle», souligne Jacques.

     L'approche la plus usuelle employée par Juneau est de récupérer la mouche par saccades irrégulières. Dès que l'artificielle est déposée à l'endroit souhaité, il abaisse la canne près de la surface, et avec sa main gauche (il est droitier) il récupère de la soie, fait une pause et récupère à nouveau (figure 1 ). Il n'hésite pas à accroître ou à réduire le temps de nage et la vitesse de récupération du leurre.

     Généralement, une récupération d'une longueur d'environ 4 à 6 po (10 à 15 cm) avant chaque pause s'avère un bon choix. Retenez que dans les endroits où il y a peu d'eau, il ramène la mouche par saccades brusques et rapides, et plus la colonne d'eau est importante plus il accorde une longue pause entre chaque tirade. L'achigan peut gober la mouche en tout temps, mais très souvent il l'attrape au moment où elle coule entre chaque tirade. Il m'a démontré qu'il fallait toujours être attentif et ferrer rapidement, car souvent l'achigan recrache le leurre immédiatement.

RÉCUPÉRATION DU STREAMER 2
     L'ami Juneau se sert de cette technique d'approche, mais ce qui en fait un pêcheur émérite c'est qu'il y apporte des modifications. La technique de base demeure toujours la même, mais des variantes sont apportées dans la façon de récupérer le leurre. Ainsi, si l'eau est assez claire il attend que le streamer repose sur le lit du plan d'eau, puis il l'élève vers la surface par une longue tirade de la soie; dès qu'il l'aperçoit, il le laisse descendre à nouveau sur le fond du plan d'eau. Il répète ce manège de façon méthodique jusqu'à ce que le leurre soit à proximité de lui. Cette manière suscite très souvent l'attaque de l'ogre recherché.

     Quelques fois, si Juneau soupçonne la présence du poisson et que celui-ci n'est pas coopératif, il laisse la mouche se déposer sur le lit du plan d'eau dans son repaire présumé. Après quelques secondes d'attente immobile, il agite sa canne d'un mouvement varié de va-et-vient pour donner une apparence de vie à l'artificielle toujours déposée sur le fond. Il répète ce même geste après avoir récupéré un pouce ou deux de soie (2,5 ou 5 cm), et ainsi de suite, alors que la mouche demeure toujours près du fond. Dans cette situation, il n'est vraiment pas facile de percevoir l'attaque, car l'achigan gobe le leurre très délicatement; il faut donc redoubler de vigilance.

     Juneau utilise aussi avec succès une autre technique originale de récupération qui s'apparente à celle des pêcheurs de doré avec un jig. La mouche déposée sur le fond du plan d'eau, il abaisse la canne à l'horizontale près de la surface. Après quelques secondes d'attente, il relève le scion de la canne, provoquant une remontée du streamer dans la colonne d'eau. Dès que la canne est presque à la verticale, il l'abaisse à nouveau vers la surface de l'onde. Lors de la descente de la mouche vers le fond, il s'empresse de récupérer la soie lâche avec sa main libre (figure 2). Si le poisson n'a pas gobé l'artificielle, il la laisse à nouveau se déposer sur le fond et il recommence le même stratagème. Étant donné que l'attaque se produit habituellement lors de la descente du streamer, il ferre rapidement à la moindre résistance.

Les artificielles

     Au fil des ans, Juneau n'a pas hésité à modifier la parure de streamers connus, et même d'en inventer pour les rendre plus attrayants et productifs dans les lacs et rivières du Québec. Dans la plupart des cas, il ajoute aux artificielles quelques fibres de Krystal Flash, de Flashabou ou des plumes de marabout pour plus de luminosité et de mouvement. Ses créations sont productives peu importe la couleur de l'eau, la profondeur, le degré de luminosité, le moment de la saison, etc. Dans sa boîte à mouches, vous retrouvez les modèles suivants dans les n° 2, 4 et 6: la Bécancour, la Juneau Casual Dress, la Juneau Spéciale, la Marabout noire, la Mickey Finn à tête rouge, la Mickey Finn avec Krystal Flash et la Wooly Bugger.

     Pour Jacques Juneau, la pêche de l'achigan est l'une des plus captivantes et des plus excitantes qui soit. Pour obtenir du succès, il conseille en conclusion de se servir d'une longue canne, d'une soie calante et de streamers colorés activés de façon originale sous l'eau. Considérant ses succès, les intéressés ont tout avantage à mettre son expérience à profit.

PARURE DES MOUCHES PRÉFÉRÉES DE JACQUES JUNEAU

JUNEAU SPÉCIALE

​JUNEAU SPÉCIALE
Hameçon: Mustad 79580 N° 4.
Fil de montage: Uni 6/0 rouge.
Queue: Fibres de hackle mou, de couleur orange.
Corps: Laine synthétique (Phentex), de couleur orange.
Côtes: Fil lamé or martelé plat moyen.
Aile: 4 hackles mous de selle, de couleur orange.
Gorge: Fibres de hackle mou, de couleur orange.
Tête: Fil de montage rouge.

MICKEY FINN AVEC KRYSTAL FLASH

MICKEY FINN AVEC KRYSTAL FLASH
Hameçon: Mustad 79580 N° 4.
Corps: Lamé argent plat.
Côtes: Fil lamé argent ovale fin.
Aile: En quatre parties, commençant par quelques fibres vert pâle de Krystal Flash, recouvertes de quelques poils d'une queue de chevreuil teinte jaune canari, puis une pincée de poils d'une queue de chevreuil teinte rouge vif et coiffée d'une pincée de poils de chevreuil teints jaune canari.
Tête: Fil de montage rouge fluorescent.

MARABOUT NOIRE

MARABOUT NOIRE
Hameçon: Mustad 79580 N° 2.
Queue: Fibres de hackle mou, de couleur rouge.
Corps: Laine noire.
Côtes: Tinsel plat argent.
Ailes: Plume de marabout, de couleur noire.
Gorge: Fibres de hackle mou, de couleur rouge.
Tête: Fil de montage rouge.

MICKEY FINN À TÊTE ROUGE

MICKEY FINN À TÊTE ROUGE
Hameçon: Mustad 79580 N° 4.
Corps: Lamé argent plat.
Côtes: Fil lamé argent ovale fin.
Aile en trois parties égales: Une pincée de poils d'une queue de chevreuil teinte jaune canari, une pincée de poils d'une queue de chevreuil teinte rouge vif par-dessus, puis une pincée de poils d'une queue de chevreuil teinte jaune canari au-dessus.
Tête: fil de montage rouge fluorescent.

BÉCANCOUR

BÉCANCOUR
Hameçon: N° 4 dont l'oeillet est en prolongement horizontal de la hampe.          .
Corps: Lamé or ovale.
Ventre: Une pincée de poils d'une queue de chevreuil teinte jaune canari.
Côtés: Une pincée de poils d'une queue de chevreuil teinte en rouge fixée de chaque côté de l'artificielle.
Aile: Une pincée de poils d'une queue de chevreuil teinte orangé fluorescent.
Tête: Fil de montage rouge fluorescent enroulé sur la base des poils du ventre, des côtés et de l'aile et ce, autour de la hampe pour former une tête. Celle-ci est recouverte d'époxy.

JUNEAU CASUAL DRESS

JUNEAU CASUAL DRESS
Fil de montage: Uni noir 6/0.
Hameçon: Mustad 79580 N° 6.
Queue: Une pincée de poils de garde (les plus longs) pris sur le dos d'un rat musqué, recouverts à moitié par du dubbing de rat musqué (duvet).
Corps: Dubbing de rat musqué (duvet).
Collerette: Poils de garde d'un rat musqué.
Tête: Fourrure de lapin teinte noir.

WOOLY BUGGER

Fil de montage: Uni 6/0 rouge.
Hameçon: Mustad 79580 N° 4 et 6.
Queue: Fibres d'une plume de marabout noir et fibres vertes de Krystal Flash.
Corps: Chenille noire.
Côtes: Hackle de selle noir.
Collier: Hackle de selle noir.
Tête: Fil de montage rouge.

Références

» Texte & Photo: Gilles Aubert (Juillet 1999).
» Magazine Sentier Chasse & Pêche.
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