SAUMON ATLANTIQUE

hommage a nos mentors

     À la suite du décès de M. Gérard Bilodeau, emporté par la maladie, Fabri-Mouches a décidé de poser un geste pour rendre hommage à nos mentors de la pêche du saumon atlantique.

Gérard Bilodeau Saumon Atlantique
    Pêcher le saumon Atlantique à la mouche est à la fois infiniment complexe et infiniment simple. J'ai débuté la pêche du saumon Atlantique en 1976. En 1988  j'estimais que je faisais toujours mes classes à la pêche du saumon Atlantique.
 
     Depuis quelques années déjà, je cherchais un livre sur la pêche du saumon Atlantique, le montage de mouches... dans ma langue maternelle, je voulais parfaire mes connaissances dans le domaine. Hors, lors de mon anniversaire de 1988 ma conjointe (Mimi) m'offre en cadeau, le livre "Saumon Atlantique" de Gilles Aubert, André-A Bellemare et Gérard Bilodeau. Au premier coup-oeil, je dis; «WOW! Enfin un livre en français sur la pêche du saumon Atlantique, fait par des québécois et...». J'avais entendu parler de ces trois «maniaques» de pêche à la mouche, je me doutais bien que...
 
     Dès sa parution, en 1988, par le magazine Sentier Chasse & Pêche, le livre "Saumon Atlantique" de: Gilles Aubert, André-A Bellemare et Gérard Bilodeau est devenu vite un incontournable pour qui veux connaître et/ou s'amélioré dans le domaine de la pêche du saumon Atlantique. L'expertise des auteurs ont menée à l’émergence d’un livre unique, un livre axé sur la pédagogie..., facile à lire et à comprendre, un livre qui démystifie plusieurs techniques de la pêche du saumon Atlantique.

     De plus: Gilles Aubert, André-A Bellemare et Gérard Bilodeau en compagnie de leur mentor François de Beaulieu Gourdeau sont les tous premiers défenseurs des lacs, des rivières, de l’environnement et de l’habitat du poisson au Québec. Ils sont aussi les membres fondateurs de l'Association des Pêcheurs Sportifs de Saumons du Québec (A.P.S.S.Q.) en 1976, qui est devenu: la Fédération Québécoise pour le Saumon Atlantique (F.Q.S.A.) en 1983. Part leurs visions, le partage des connaissances..., ils ont eu assurément une grande influence dans le monde des saumoniers québécois.

     Après avoir lu et relu ce livre, j'ai constaté que, c’est un livre incontournable pour le débutant, intermédiaire et avancé, Personnellement, ce que j'ai retenu le plus des auteurs: Gilles Aubert, André-A Bellemare et Gérard Bilodeau que: une passion ça ce partage par des passionnés et nul besoin d'être millionnaire pour pêcher le saumon Atlantique. C'est d’abord et avant tout un loisir extraordinaire et accessible à tous.
 
    NOTE: Sincère remerciement aux partenaires de la Société Fabri-Mouches: Gilles Aubert, André-A Bellemare, Gérard Bilodeau, Jeannot Ruel et Daniel Leboeuf, pour l'autorisation de publié le livre "Saumon Atlantique".

    Croyez-moi ! Cette petite bible du saumonier «Saumon Atlantique» est resté très longtemps mon livre de chevet ! À votre tour de le découvrir !


     Bonne Lecture !

Le livre de: Gilles Aubert, André-A. Bellemare et Gérard Bilodeau

Saumon Atlantique; Gilles Aubert, André-A Bellemare et Gérard Bilodeau
Dédicace: À Hélène, Isabelle, Lyne, Micheline Frédéric, Jean-François, Maxime et Martin. Ainsi qu'à tous les saumoniers d'hier, d'aujourd'hui et de demain.

Remerciements à: André Boucher, Serge Boulard, Yvon Côté, Michel Grenier, Vianney Legendre, Pierre-Philippe Morin, Yvon Perron
Gilles Shooner.
 
Photos des auteurs, sauf indications contraires.
Conception des illustrations: Jeannot Ruel.
Réalisation des illustrations graphiques: Luc Métivier.
Conception des illustrations: Jeannot Ruel.
Photo de la page couverture: Gérard Bilodeau à l'œuvre sur la rivière York.

PRÉFACE

Gilles Aubert, André-A Bellemare et Gérard Bilodeau

     Avec plus d'une centaine de rivières à saumons, le Québec peut s'enorgueillir de posséder l'une des plus belles richesses halieutiques au monde. Pourtant, les ouvrages québécois qui traitent du saumon atlantique ne sont pas légion; probablement parce que les pêcheurs sportifs d'ici commencent à peine à découvrir et à goûter aux joies indescriptibles que procure la pêche sportive du saumon atlantique, autrefois réservée à une minorité.
 
    Les trois auteurs de ce livre ne sont pas de «vieux pêcheurs» en âge, mais la somme de leur expérience de pêche du saumon est riche et diversifiée. Gilles Aubert, André-A. Bellemare et Gérard Bilodeau sont des saumoniers accomplis. Ayant bourlingués sur de nombreuses rivières d'ici et d'ailleurs, ils ont mis en commun leurs connaissances acquises au fil des ans. C'est également leur passion invétérée pour ce noble et «grand» poisson qui les a amenés à réaliser un ouvrage qui sera sûrement l'un des grands classiques de la littérature halieutique.
 
    Saumon atlantique n'est pas seulement un recueil sur le saumon - bien qu'il renferme des éléments inédits -, mais aussi un livre de conseils judicieux, d'informations pratiques et pertinentes. Rédigé dans un style clair et concis, avec un souci du détail et un grand respect pour la ressource, il saura sans doute combler les attentes des néophytes et même des saumoniers les plus aguerris; et à ma connaissance, jamais un ouvrage sur le sujet n'aura réussi à joindre le texte et l'image d'une façon aussi complémentaire.
 
     Saumon atlantique se veut un instrument précieux au même titre que toutes les autres pièces d'équipement. Il deviendra vite un livre de chevet, une source intarissable à laquelle on ne se lassera jamais de puiser. Saumon atlantique est, en quelque sorte, un hommage et une consécration au «roi» des poissons sportifs.

    Daniel Leboeuf.

AVANT-PROPOS

HOMMAGE À FRANÇOIS DE BEAULIEU GOURDEAU

     Le mercredi 5 novembre 1980, les amants de la nature et de la faune du  Québec, plus particulièrement les saumoniers, ont perdu un grand ami  et un maître: François de Beaulieu Gourdeau, «Monsieur Saumon», s'est éteint au terme d'une réunion du Conseil supérieur de la faune du Québec.
     Cet homme exceptionnel, qui fut notre compagnon de pêche pendant quelques années, s'est promené pendant des décennies dans la province, le cœur sur la main, pour prendre la défense d'un territoire national violé de toute part, pour protéger un patrimoine faunique tant massacré, pour prendre le parti de ses frères chasseurs et pêcheurs. Son coeur, François l'a prêté à tellement de personnes et à tant de causes qu'il a fini par l'user prématurément.
 
     Pourtant, François aurait pu, en 1975 (il était alors âgé de seulement 60 ans), prendre un repos bien mérité après 35 années de loyaux services au ministère de la Chasse et de la Pêche du Québec. Que non! Il n'a cessé d'être sur la brèche, de 1975 à 1980, continuant de parcourir le Québec dans tous les sens pour créer des associations sportives, pour donner des conférences et des cours, pour participe! à des congrès, à des colloques, des séminaires, des réunions, etc.

    François avait accepté, en 1978, durant sa retraite, de devenir membre du Conseil supérieur de la faune du Québec (le «conseil privé» du ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche), pour mieux défendre encore le patrimoine faunique et les droits des chasseurs et pêcheurs.

    En 1979, François acceptait de devenir le président de l'Association des pêcheurs sportifs de saumons du Québec (A.P.S.S.Q.), dont il avait évidemment été l'un des membres fondateurs.

    Sobre et discret, comme savent l'être les véritables amants de la nature, François était presque gêné d'admettre qu'il était l'un des «bâtisseurs» de la Gaspésie. Il a procédé à l'aménagement du parc du Cap Bon-Ami (l'actuel parc national fédéral de Forillon), de l'Auberge de Fort-Prével, du Gîte du Mont- Albert, de la réserve faunique de Matane, de la réserve faunique de la Petite-Cascapédia ... entre autres choses! Sans compter le « déclubbage » de plusieurs rivières à saumons, dont la Matane (en 1949! ... ), puis ensuite des rivières Sainte-Anne, Saint-Jean et Petit-Saguenay.

    Il était trop humble pour s'attribuer le fait d'avoir suscité la plupart des vocations de chroniqueurs de chasse et pêche dans les médias du Québec, à commencer par celle du regretté Serge Deyglun. Alors qu'il n'y avait aucune politique gouvernementale de relations publiques vis-à-vis des journalistes québécois, au début des années 1960, François décida d'aider les informateurs à répandre la bonne nouvelle au sujet des richesses fauniques de la province et il décida de fournir aux journalistes les outils de travail nécessaires à un meilleur accomplissement de leur tâche.

    Vous qui lisez ce livre, sachez que François en est indirectement l'un des grands responsables. Même s'il est parti rejoindre le Créateur depuis quelques années, nous considérons François comme un «co-auteur» du présent livre. Nous devons accepter d'être momentanément séparés de lui, sachant que nous irons participer un jour à cette éternelle expédition de chasse et de pêche ... dans un territoire débarrassé des obstacles qu'on trouve ici-bas.

    Vous sentez bien que François a exercé une énorme influence sur nous trois. Nous avons constamment tenté de comprendre tous ses enseignements et de l'imiter ensuite au meilleur de notre jugement et de nos capacités. Depuis qu'il nous a quittés, nous avons continué nos observations, nos expériences, nos recherches et nos discussions. C'est le produit de tout cela que nous vous livrons ici. Nous avons voulu le faire de la façon la plus pédagogique possible, comme nous l'a appris François, dans l'espoir que vous puissiez comprendre facilement tout ce que nous avons à vous communiquer.

    Ce livre technique vous permettra, nous le souhaitons, de découvrir que la récolte de Salar n'est pas l'effet du hasard. Puissiez-vous, après une lecture attentive de ce livre, retirer autant de satisfaction que nous de la pêche du saumon atlantique à la mouche artificielle.

sommaire

INTRODUCTION
PÊCHE DU SAUMON D'HIER À AUJOURD'HUI

CHAPITRE 1; LE SAUMON
A- LE POISSON
B- VISION
C- AUTRES ORGANES
D- CYCLE DE VIE

CHAPITRE 2; L'ÉQUIPEMENT DE PÊCHE
A- LA CANNE À MOUCHER
B- LE MOULINET
C- LA SOIE À MOUCHER
D- LE BAS DE LIGNE ET LA LIGNE DE RÉSERVE
E- LES NŒUDS
F- AUTRES PIÈCES D'ÉQUIPEMENT

CHAPITRE 3; LA RIVIÈRE
A- QUE RECHERCHE SALAR DANS UNE RIVIÈRE? ....
B- LES FORMES QUE PRENNENT LES FOSSES
C- OÙ TROUVER LES FOSSES
D- ENDROITS PRÉFÉRÉS DU SAUMON DANS UNE FOSSE
E-  LA TENUE DU SAUMON
F-  LOCALISATION DUSAUMON DANS UNE FOSSE
 
CHAPITRE 4; LA MOUCHE
A- POURQUOISALARATTAQUE-T-ILLAMOUCHE? ...
B- TYPES DE MOUCHES À SAUMONS
C- CHOIX
D- GROSSEUR
E- CONSTRUCTION
F- COULEUR
G- MODÈLES

CHAPITRE 5; LES TECHNIQUES DE PÊCHE
A- MANIÈRES DE LANCER
B- VITESSE DE LA MOUCHE
C- TECHNIQUES DE PÊCHEÀ LAMOUCHE NOYÉE
D- TECH NIQUES DE PÊCHE À LA MOUCHE SÈCHE
E-  DÉROULEMENT DE LA BATAILLE
F-  MANIÈRES DE SORTIR LE SAUMON DE L'EAU
C- TRANSPORT ET CONSERVATION

CHAPITRE 6; RIVIÈRES À PÊCHER
A- MODES DE GESTION
B- LA JACQUES-CARTIER
C- RIVIÈRES DU BAS-SAINT-LAURENT ET DE LA GASPÉSIE
D- RIVIÈRES DE CHARLEVOIX ET DU SACUENAY
E- RIVIÈRES DE LA CÔTE-NORD
F-  RIVIÈRES DE LA BASSE-CÔTE-NORD
G- RIVIÈRES D'ANTICOSTI
H- RIVIÈRES DU NOUVEAU-QUÉBEC
I-   AUTRES PROVINCES

APPENDICE
COMMENT «GRACIER» UN SAUMON
RÉGLEMENTATION
LE BRACONNAGE
COMPORTEMENT DU SAUMONIER DANS LES FOSSES
LES CANOTEURS ET LES SAUMONIERS SUR LES RIVIÈRES
LES PRÉCIPITATIONS ACIDES
PRISES RECORDS
FUMAGE DU SAUMON «À LA F. DE B. GOURDEAU»
PROSPECTIVE: UN REGARD SUR L'AVENIR
LEXIQUE FRANÇAIS-ANGLAIS
LEXIQUE ANGLAIS-FRANÇAIS
BIBLIOGRAPHIE               

introduction

LA PÊCHE DU SAUMON, D'HIER À AUJOURD'HUI

HIER...

     Aussi étonnant que cela puisse paraître, les preuves de l'existence du saumon dans l'Histoire nous font reculer jusqu'à 20 000 ans avant Jésus-Christ. En effet, l'homme de Cro-Magnon (en Dordogne, en France) dépendait, entre autres, du saumon pour se nourrir. De plus, les représentations les plus anciennes d'un saumon qui datent à peu près de la même époque, nous viennent du plancher de la Grotte du Poisson (non loin de Les Eysies de Tayac, en France).
 
     La première marque d'intérêt pour la pêche sportive du saumon à la mouche artificielle date de 130 ans après Jésus-Christ: un auteur, Claudius Aelianus, décrit une mouche utilisée sur la rivière Astraeus, en Macédoine (région historique de la péninsule des Balkans, maintenant partagée entre la Bulgarie, la Grèce et la Yougoslavie). Cette mouche est, selon François de B. Gourdeau, identique à la Soldier Palmer employée
de nos jours!
 
     Il a fallu attendre jusqu'à la fin du Moyen-Âge (en 1496) avant de voir un écrit concernant la pêche du saumon à la mouche artificielle. Une religieuse britannique, Juliana Berners, prieure du monastère des Bénédictines de St. Alban, dans son livre intitulé: Treatyse of Fysshynge wyth an Angle, parle de la pêche du saumon et va même jusqu'à communiquer la parure d'une douzaine de mouches.
 
     Près de deux siècles plus tard (1653), Izaak Walton publie, en Angleterre, Compleat Angler or the Contemplative Man's Recreation, dans lequel il est question de pêche du saumon; Walton mettait déjà le saumon sur un piédestal par rapport aux autres espèces de poissons. Mais, à l'époque de Walton, la pêche sportive n'était pratiquée que par une minorité; le peuple n'avait pas de temps à consacrer à un tel divertissement, trop occupé qu'il était à travailler pour survivre. Le saumon, pour la majorité, n'était que source de nourriture (abondante) et qu'effet de commerce.
 
     Dans l'est de l'Amérique du Nord, les saumons fréquentaient la majorité des rivières, de la baie d'Ungava dans le Grand Nord jusqu'au détroit de Long Island (New York). Les chutes du Niagara constituaient alors la limite occidentale de l'aire de dispersion du saumon en Amérique du Nord. Entre la ville de Québec et le lac Ontario, le saumon était bien présent dans les rivières Jacques-Cartier, Sainte-Anne, Saint-Maurice, Saint-François et des Outaouais; dans le cas des deux dernières rivières, certains biologistes soutiennent qu'il s'agissait de ouananiches. Chose certaine, les autochtones capturaient des saumons en grande quantité dans la Saint-Charles, qui coule au milieu de l'agglomération urbaine de Québec! Sur la rive sud du Saint-Laurent, de nombreux cours d'eau accueillaient des saumons, sauf les rivières Madeleine (en Gaspésie), Armagh (ou du Sud, à Montmagny) et Chaudière (en face de Québec). Les falaises abruptes du plateau laurentien, en créant des chutes à l'embouchure de bien des rivières de la rive nord du fleuve en aval de Québec, bloquaient les saumons dans leurs tentatives de remonter ces rivières: la Montmorency, immédiatement à l'est de Québec, est un exemple typique de ce phénomène (des saumons s'arrêtent à son embouchure, encore aujourd'hui, ce qui est un fait de plus en plus connu).
 
     Parmi les premiers témoignages prouvant que la pêche sportive du saumon atlantique à la ligne était pratiquée au 18e siècle en Amérique du Nord britannique, on compte une gravure ancienne montrant les officiers de la garnison de Fort Frederick, au Nouveau-Brunswick, s'adonnant à ce divertissement dans l'embouchure de la Saint-Jean, en 1758.

au 19 ime siècle

AU 19 IME SIÈCLE
     La pêche sportive du saumon atlantique à la mouche a pris de l'ampleur vers le milieu du 19e siècle. Mais tous les textes historiques de l'époque mentionnent que surtout les aristocrates s'y sont intéressés, puisqu'ils étaient les seuls à disposer du temps et des ressources pécuniaires pour s'y adonner.
 
     Le Québec n'a évidemment pas échappé à ce phénomène. Ainsi, à l'époque, la Grande-Cascapédia était réservée au gouverneur général du Canada qui la fréquentait en compagnie de nobles et de biens nantis.
 
     Au Québec, selon les écrits disponibles sur le sujet, la pêche sportive du saumon était pratiquée depuis le début du 19e siècle. Il est amusant de prendre connaissance de vieux textes qui relatent, avec force détails, des excursions de pêche du saumon. Des officiers militaires britanniques, cantonnés au Canada, ont décrit les plaisirs qu'ils avaient à la pêche du saumon atlantique. Walter Henry (Events of a Military Life, 1843), Frederic Tolfrey (The Sportsman in Canada, 1845), le capitaine Campbell Hardy (Sporting Adventure in The New World,1855) ainsi que le major William Ross King (The Sportsman and Naturalist in Canada, 1866) ont contribué, par leurs écrits, à enrichir la littérature halieutique. Ainsi, l'un d'eux, Frederic Tolfrey, a largement décrit des scènes de pêche du saumon sur les bords de la Jacques-Cartier, près de Québec, tandis que Walter Henry partageait avec ses lecteurs quelques jours de pêche sur la rivière Malbaie, dans Charlevoix, au début de juillet 1850.
 
     En Gaspésie, ce sont les rivières Grande-Cascapédia et Ristigouche qui étaient les mieux cotées par des pêcheurs fortunés d'Europe et d'Amérique. Ainsi, Mr. Dun, de la maison Dun Wiman & Co., de New York, a payé 10098 $ pour deux fosses sur la Grande-Cascapédia, en 1897. Un ministre anglican, le docteur Raineford de l'église St. George, de New York, est devenu membre du Ristigouche Salmon Club après avoir payé 4700 $ pour son droit d'entrée, en 1890. D'autres rivières attiraient aussi l'attention de quelques aristocrates; ainsi, Lady Dufferin, épouse de Lord Dufferin, gouvemeur général du Canada de 1872 à 1878, a rédigé et publié ses notes (My Canadian Journal, 1872-78) à propos des voyages qu'elle a faits sur les rivières Dartmouth, York et Saint-Jean. Dans The Emigrant and the Sportsman in Canada (1876), John Rowan mentionne que les rivières à saumons étaient offertes en location; par exemple, on demandait 50 $ annuellement pour la rivière Sainte-Anne, 40 $ pour la Matane et 20 $ pour la
Rimouski ...
 
     Les rivières de la Côte-Nord attiraient aussi l'intérêt des gens riches. La Moïsie et la Natashquan ont été les plus populaires à cause de l'abondance et de la grosseur de leurs saumons. Les 16 premiers km (10 premiers mi) de la Moïsie étaient la propriété de la maison Fraser & Co., qu'elle louait 10 000 $ par année.
 
     À cette époque, la pêche n'était pas assujettie à des règlements sur les limites de prises et de possession. La grande quantité de saumons aidant, il n'était pas rare que des pêcheurs capturent plusieurs saumons quotidiennement. À ce sujet, mentionnons que Napoléon-Alexandre Comeau a capturé, à la mouche, 57 saumons dans la rivière Godbout (dans le secteur des chutes) en une seule journée (le 9 juillet 1874)!
 
     Les rivières de l'île d'Anticosti furent peu pêchées jusqu'à ce que Henri Menier la «découvre», en 1895. Au début de juin 1896, Menier et son ami, Martin Zédé, explorèrent la rivière Jupiter. Voici un résumé du recueil de notes de Martin Zédé: «Eau très claire, froide et courant rapide. Les saumons sautaient sans arrêt dans le pool, troublant aimablement notre sommeil. Nous commençâmes à pêcher le lendemain matin et n'en prîmes que de taille moyenne, le plus gros étant de 11 livres.» Martin Zédé est venu près d'égaler le nombre de prises de N.-A Comeau durant une seule journée, car il en a pris 52 dans la rivière Jupiter, le 6 juillet 1913!
 
     Le nombre de saumons remontant les rivières était grand jusqu'au début du 19e  siècle, alors qu'il a commencé à décliner; cette diminution s'accentua fortement au milieu du siècle. Vers 1840, des changements culturels et sociaux survenus au Québec ont permis un accroissement notable du nombre des adeptes de la pêche sportive du saumon atlantique chez nous; l'influence des saumoniers s'est accrue aussi sur les gouvernants et ce sont les pêcheurs sportifs qui furent les premiers à s'inquiéter de la survie du saumon et à prendre sa défense. En 1858, Richard Nettie, surintendant des pêcheries pour le Bas-Canada, créa la première pisciculture d'Amérique du Nord qui ait réussi à produire des alevins de saumons.
 
     Cette pisciculture, que Nettie nommait «ovarium», était établie dans la haute-ville de Québec, dans la maison sise à l'angle des rues Saint-Jean et Sainte-Ursule. Pour sa pisciculture, il utilisait des oeufs provenant de géniteurs de la rivière Jacques-Cartier, à Donnacona (Portneuf). Nettie s'est préoccupé de sensibiliser la population aux grandes possibilités que représenterait la ressource saumon, si elle était mieux gérée.

...aujourd'hui

     Durant la première moitié du 20e siècle, les «clubs privés» ont joué le rôle de gestionnaires de plusieurs des bonnes rivières à saumons du Québec. En effet, les gouvernements ont cédé à des groupes généralement constitués de personnes bien nanties pécuniairement, des parties de rivières ou des rivières entières en vue d'y faire la pêche du saumon.
 
     Puis, à l'instigation de François de B. Gourdeau, la rivière Matane fut «ouverte au public», en 1949. L'effet de cette démocratisation de la pêche sportive du saumon ne s'est fait sentir qu'au début des années 1970, alors que les simples citoyens adeptes de la pêche à la mouche découvrirent peu à peu la pêche du saumon, puisqu'ils commençaient alors à avoir accès à un plus grand nombre de rivières. Mais les citoyens réalisèrent que trop de rivières étaient encore sous l'emprise de clubs privés et réclamèrent en conséquence l'accès à d'autres rivières. Le gouvernement a donc annulé les baux de location des rivières Matapédia, Dartmouth et autres pour en assurer la gestion.
 
     Simultanément, un pareil mouvement de «libération» prenait vie sur la Côte-Nord et à Anticosti. La pêche du saumon a pris alors beaucoup d'ampleur chez les pêcheurs à la mouche québécois, puisqu'elle était enfin devenue accessible à tous.
 
     Une fois qu'ils eurent goûté aux jouissances de la pêche sportive du saumon, les Québécois se sont pris d'affection pour Salar et ils ont décidé, en plus grand nombre, de prendre sa défense, de s'occuper de sa surveillance, de se charger de sa gestion et de travailler à l'aménagement, à la restauration et à la résurrection des rivières.
 
     Soulignons la création de l'Association des pêcheurs sportifs de saumons du Québec (A.P.S.S.Q.), en 1976, puis celle de plusieurs ZEC-saumon (zones d'exploitation contrôlée) et de quelques pourvoiries pour la pêche du saumon. L'existence de tous ces groupements a donné naissance, en 1983, à la Fédération québécoise pour le saumon atlantique (F.Q.S.A.), laquelle surveille de très près l'avenir de cette ressource halieutique inestimable et qui prend charge des intérêts des saumoniers et des gestionnaires. Les groupements francophones sont venus seconder, dans ses efforts entrepris depuis quelques décennies, l'Association pour le saumon atlantique (A.S.A.) et la Fédération internationale pour le saumon atlantique (F.Q.S.A.), deux groupes ayant surtout réussi à réunir des saumoniers anglophones ayant accès, depuis bien longtemps, aux rivières à saumons du Québec.
 
     Tout cela laisse entrevoir un avenir plus ... rose pour le saumon, à la condition, évidemment, que tous ceux qui s'intéressent à la cause de Salar ne relâchent pas leurs pressions sur les autorités gouvernementales concernées.

PrécédentPage 1 sur 11