Aller, Traverser, Pêcher et Revenir

    Lors de la pratique de la pêche du saumon atlantique, la sécurité doit primer en tout temps. Aller, traverser, pêcher et revenir de façon sécuritaire est essentiel pour assurer le haut niveau de plaisir recherché !

    La marche dans les sentiers, l’approche de la rivière, l’entrée dans l’eau, le positionnement, les déplacements pour pêcher et la traversée des cours d’eau sont des étapes extrêmement importantes lors d’une journée de pêche dans nos rivières à saumon. Être à la bonne place au bon moment est un dicton qui s’applique parfaitement à notre sport, mais encore faut-il s’y rendre sécuritairement! Pour éviter les chutes durant une journée de pêche, il faut prendre son temps et se doter d’un bon équipement.

L’équipement

Aller, Traverser, Pêcher et Revenir
     Un équipement bien ajusté est essentiel. Le pantalon imperméable parfaitement adapté à votre taille, muni d’une ceinture attachée, ainsi que les bottillons avec semelles antidérapantes de feutre dense de nouvelle génération ou de caoutchouc de type Vibram, munies de grappins métalliques ou non, offrant la mobilité et la traction nécessaires. Les modèles récents de bottillons assurent confort, support et stabilité. Utilisez la veste ou un sac à dos pour transporter avec soi tous les effets requis pour la pêche, sans oublier le lunch et les boissons.

     Pour augmenter le niveau de stabilité dans le sentier comme dans l’eau, servez-vous d’un bâton de rivière! Il vous permet de sonder le fond de rivière et il confirme ou modifie le passage choisi à l’oeil.

     Il est facile de comprendre les jeunes de ne pas vouloir s’encombrer d’un tel accessoire. Mais, avec les années, à un moment imprévu et souvent très inopportun, la chute a lieu, la canne est brisée et pire encore, il y a blessure ou baignade forcée. C’est à chacun de peser le pour et le contre! Une compagnie de filtre à l’huile pour moteur avait comme slogan « Payez-moi tout de suite ou payez-moi plus tard ». J’ai commencé à me servir du bâton à l’âge de 40 ans, suite à quelques chutes. Les appareils photo des années 70 et 80 étaient affectés par la moindre goutte d’eau et avaient dû être mis au rancart.

     Ayant une boucle d’attache à la ceinture du pantalon imperméable, le mousqueton du cordon du bâton s’y attache et s’enlève facilement. Le cordon du bâton doit être à peine plus long que le bras. L’attache à la ceinture peut être à droite ou à gauche, au choix de chacun. Durant la pêche, le bâton est lâche et libre dans le courant. Le cordon du bâton peut aussi être porté au-dessus de l’épaule opposée à l’attache, le bâton tombant à l’arrière du pêcheur.

Types de Bâtons de Rivière

Types de Bâtons de Rivière
     La nature fait bien les choses. En effet, si vous avez oublié le vôtre, vous pourrez vous tirer d’embarras en ramassant un bâton sur la rive pour effectuer la traversée. Une fois rendu à destination, placez le bâton en vue et servez-vous en pour le retour. Il arrive souvent que des pêcheurs utilisent un ancien bâton de ski recyclé comme bâton de marche ou comme bâton de rivière. Dans le commerce, on retrouve les bâtons de métal. On peut aussi se procurer des bâtons de bois fabriqués de façon artisanale.

LE BÂTON DE MÉTAL

     Il est constitué d’une poignée de liège et de courtes sections de tubes métalliques s’emboitant les unes dans les autres et retenues par un puissant élastique. Lorsque le pêcheur veut l’utiliser, il suffit de le sortir de son étui porté à la ceinture, le laisser s’allonger sous la tension de l’élastique et l’abouter, saisir la poignée de liège et entamer la traversée. Différents manufacturiers offrent ce type de bâton dans nos boutiques spécialisées de pêche à la mouche.

Le Bâton de Bois

Le Bâton de Bois
     Il est fabriqué de façon artisanale en utilisant différentes essences de bois. Une simple branche choisie dans le décor, travaillée à la maison, munie d’une poignée confortable et d’un cordon d’attache est suffisante.

     Celui que je fabrique est à faible conicité, finement sablé et recouvert de trois couches d’huile d’abrasin. Ce fini isole le bois de l’humidité et donne une belle apparence semi-lustrée. Le tout est complété d’une poignée faite de corde enroulée et d’un cordage d’attache muni d’un mousqueton français prêt pour l’attache à la boucle de la ceinture. La longueur d’un bâton varie selon le confort de chacun, soit de 46 à 56 pouces (117 à 142 cm). Pour ces bâtons, j’utilise le chêne, le frêne, l’érable, l’érable piqué, l’érable frisé et le cerisier d’automne.

     Le bâton de bois a l’avantage d’être silencieux lorsque le bout entre en contact avec les cailloux du fond de rivière et en plus, il flotte. Très peu bruyant, il est toujours à la portée de main.

     Mon ami André Boucher fabrique de magnifiques bâtons de rivière décorés d’incrustations sculptées et munis d’une poignée recouverte d’un salmonidé enroulé. Un cordon d’attache et un mousqueton complètent ce bâton de très grande qualité.

Déplacements dans l’Eau

Déplacements dans l’Eau
     Plusieurs pêcheurs au moment de perdre l’équilibre et de tomber à l’eau sont portés instinctivement à vouloir protéger leur canne à mouche. Ils craignent de la briser dans la chute. Ceci est vrai sur la terre ferme, mais pas dans l’eau. Agiter la canne dans l’air ou la rabattre violemment sur la surface de la rivière peut rarement l’endommager. La canne peut servir à retrouver l’équilibre en la déposant avec force à la surface de l’eau. Durant cette courte période de temps avant que la canne s’enfonce, elle peut aider à retrouver cette stabilité temporairement perdue.

     Il est évidemment plus facile de marcher dans l’eau lente jusqu’à la taille que dans l’eau rapide au niveau des genoux. La vitesse du courant pousse les pieds jusqu’à les faire déraper et vous faire tomber. Lorsqu’il est possible de choisir, évitez le courant rapide.

Si Vous Êtes Seul

Si Vous Êtes Seul
     Pour traverser une section peu profonde et rapide, présentez le flanc de la jambe au courant, stabilisez chaque pied en les remuant dans le substrat, avancez et stabilisez le pied aval en sondant le fond pour repérer les gros blocs. Si vous utilisez un bâton de rivière, celui-ci aura été avancé et ancré dans le fond avant le déplacement du pied aval. Avancez maintenant le pied amont. Répétez ce geste vers la berge opposée tout en suivant une trajectoire à angle vers l’aval. Chacun devrait choisir l’angle de la trajectoire à suivre en fonction de la vitesse de l’eau et de sa profondeur. Plus la vitesse est forte, plus l’angle de la trajectoire de traversée doit être orienté vers l’aval. La puissance du courant facilite alors le déplacement vers le bas de la rivière.

     Lorsque la limpidité de l’eau permet de choisir la trajectoire avant d’entamer la traversée, choisissez les endroits de gravier plutôt fin à l’aval de plus gros blocs où se forment des contre-courants neutres. Si la traversée doit se faire dans une section de gros blocs, vérifiez leur stabilité et la profondeur de l’eau à l’aval de chacun avant d’y déposer le pied. Il faut éviter de faire face au courant. Le pêcheur offre alors une grande surface de son corps et une perte de stabilité survient rapidement.

     Au moment du retour, déplacez-vous sur la berge vers l’amont, à un point permettant une traversée en direction du point d’arrivée choisi. Il faut se rappeler que la vitesse de l’eau et sa profondeur sont déterminantes dans le choix de la trajectoire sélectionnée. Il est impératif de traverser en direction de l’aval du point de départ. Il est conseillé de porter le vêtement de flottaison de votre choix pour vous sécuriser.

     Si vous êtes un adepte du bâton de rivière, vous avez maintenant un allié de taille! Celui-ci vous permet d’ajouter un troisième point d’appui lors de tous vos déplacements.

     Lorsque vous êtes en sentier, il agit comme bâton de marche et, dans l’eau, comme stabilisateur pendant qu’un pied est avancé. Avec le bâton, il est permis de maintenir deux points d’appui en contact avec le sol, consolidant ainsi votre équilibre, donc votre sécurité. Lorsque le bâton est avancé, les deux pieds sont ancrés. Lorsqu’un pied est avancé, le deuxième pied et le bâton sont ancrés et ainsi de suite.

Si Vous Devez Traverser en Étant plus de Deux Pêcheurs 

Si Vous Devez Traverser en Étant plus de Deux Pêcheurs
     Faites-le en groupe de deux à la fois. Voici les façons de faire :

     1- Les deux pêcheurs présentent leur flanc au courant, le plus costaud ou le guide étant à l’amont pour absorber une bonne partie de la force de l’eau. L’accompagné se déplace ainsi en eau beaucoup plus calme dans le contre-courant.

     2- Les deux peuvent se tenir par la main.

     3- Ils peuvent s’entrecroiser le bras, mais il faut bien synchroniser les pas.

     4- En eau rapide, ils peuvent croiser et tenir devant eux les deux cannes à l’horizontale, chacun ayant en main la poignée de sa canne et le scion de l’autre canne. Alors qu’un avance, l’autre agit comme pivot d’ancrage. Le premier devient alors le pivot pendant que le deuxième avance de deux grands pas. Si les cannes sont encore dans leurs tubes, tenez les tubes! J’ai maintes fois utilisé cette méthode et je peux vous assurer qu’il n’y a aucun danger de bris de canne. À cette même méthode, les deux peuvent en plus ajouter le bâton de rivière dans la main libre.

     5- Vous pouvez aider un pêcheur âgé et peu stable en lui offrant le bout de la poignée de votre canne alors qu’il utilise le bâton de rivière dans son autre main.

     6- Un bâton de rivière peut servir à deux pêcheurs. Le titulaire du bâton le dépose dans le fond de la rivière, avance d’un pas et rend la poignée accessible à son compagnon qui s’y appuie pour avancer de deux pas. Il faut alors répéter la séquence jusqu’à la rive.

     7- Le même bâton peut être tenu à l’horizontale par les deux pêcheurs. Pendant qu’un avance, l’autre agit comme pivot d’ancrage. Le premier devient alors le pivot pendant que le deuxième avance de deux grands pas.

Tourner dans le Courant

Étant plus âgé on a besoin d’un bâton et du pommeau de la canne d’un plus jeune
     En pêchant, il est facile de se laisser distraire et de se retrouver en eau un peu trop profonde. Cela vous est-il déjà arrivé? Attention, le danger vous guette! Vous devez alors virer pour retourner en eau sécuritaire.

     Voici comment faire :
     1- Le niveau de l’eau est sous la mi-cuisse. Lorsque vous devez tourner dans un courant d’une profondeur égale ou inférieure à votre mi-cuisse, le geste est simple et sécuritaire. Présentez un flanc au courant, prenez appui sur le pied aval, relevez le pied amont et pivotez tout votre corps de 180 degrés. La force du courant et sa faible profondeur devraient vous aider à tourner. Le pied amont que vous avez levé est maintenant à l’aval et vous êtes face à la berge opposée.

     2- Par contre, lorsque vous devez tourner dans un courant puissant alors que la profondeur de l’eau est plus qu’à la mi-cuisse, il faut faire différemment. Dans cette condition il est recommandé de ne pas tourner le dos au courant. Il faut faire plutôt face au courant et se pencher légèrement vers l’amont. Tournez lentement, glissez, placez et ancrez chaque pied solidement pour faire face à votre point de sortie. Pendant ces mouvements, bougez et ancrez le pied amont en premier.

     3- Si jamais vous êtes en eau au-delà de la ceinture et qu’il n’est pas possible de vous retourner, vous devez alors faire dos au courant et entreprendre une série de pas lunaires en tentant de vous rapprocher de la berge.

Perte de Contrôle

     Si vous perdez pied et partez à la dérive, laissez-vous flotter sur le dos les pieds vers l’aval. Restez calme! Tout en flottant, tentez de vous diriger en eau peu profonde avec les bras et les mains jusqu’au point où les pieds toucheront le fond.

     Plutôt que d’essayer de vous lever, rampez vers la berge. Une fois rendu en eau très peu profonde, en étant couché sur le dos, relevez les jambes très hautes une à une pour évacuer l’eau de votre pantalon imperméable.

     En pareille situation il est préférable de laisser aller votre canne à pêche. Il sera sans doute possible de tenter de la retrouver et de la récupérer plus tard.

Le Saumon est sur Votre Ligne

     Plusieurs pêcheurs ont tendance à reculer aussitôt qu’un saumon prend leur mouche. Il y en a même qui semblent vouloir grimper dans le bois de reculons. Très mauvaise idée! En plus d’être dangereux, de tomber à la renverse et de se blesser, le pêcheur brise la première et la plus importante règle, soit de tenter de garder le saumon sur une courte ligne. Le pêcheur devrait essayer de garder le saumon sur la ligne la plus courte possible et de rester dans l’eau à la hauteur des genoux lorsque cela est possible. La maîtrise du saumon est beaucoup plus facile et rapide dans de l’eau entre 60 et 75 cm de profondeur. Le saumon est plus facilement approché et maîtrisé alors qu’il résiste dans de l’eau peu profonde. La prise à la main est très facile dans ce cas. Bien sûr que les conditions parfaites ne sont pas toujours disponibles. Dans ce cas, le pêcheur se tourne, comme décrit précédemment et fait face à la berge pour s’en approcher.

Verres Polarisés, Ah Oui !

     Pour ajouter encore plus de sécurité à l’activité, il s’avère avantageux de très bien voir le fond de l’eau. En effet, la lecture de la surface de l’eau est essentielle, mais l’information recueillie peut être insuffisante, à l’occasion, et mener directement dans un guet-apens malencontreux.

     La lunette polarisée commerciale ou de prescription élimine la très grande majorité des reflets de la lumière sur l’eau. Ces reflets étant éliminés, la vue améliorée à travers l’eau permet de scruter le fond et de bien choisir le trajet à emprunter avant et pendant la traversée.

     Avec l’utilisation de verres polarisés, l’appréciation de la nature du substrat, le choix de parcours et la façon de l’aborder rendront la traversée encore plus sécuritaire. Oui, oui, les verres polarisés sont quasiment essentiels pour s’assurer une traversée et une arrivée au sec !

Attention au Bruit !

     Rappelons-nous que le son voyage très loin dans l’eau. Sans interférence, il peut franchir au-delà d’un kilomètre par seconde, soit 1493 m/s. Cela est cinq fois plus rapide que dans l’air. Il faut aussi se souvenir que l’ouïe du saumon atlantique est sensible aux bruits de basses fréquences de 30 à 400 Hz. L’oreille des poissons est très vive entre 10 et 1000 Hz. Sous l’eau, c’est un monde de basses fréquences. L’étendue de l’ouïe de l’homme se situe entre 10 et 20,000 Hz. Le bruit léger à l’extérieur de l’eau n’y entre pas; donc, parler n’affecte en rien le poisson.

     Le déplacement insouciant des pieds d’un pêcheur dans le gravier du fond de rivière, le cliquetis du bout d’un bâton de rivière à pointe métallique ou le grincement des grappins métalliques des bottillons, génèrent tous ces bruits à basse fréquence avertissant le saumon de notre approche éminente. Tout bruit généré sous l’eau est à fréquence plus basse que le même bruit généré sur les cailloux secs de la berge. Le pêcheur doit donc se déplacer avec précaution, silencieusement, mais surtout lentement.

     Au saumon, nous prenons notre temps pour aller, traverser, pêcher et revenir, d’accord ?

Références

» Texte et photos: Claude H. Bernard (2013).
» FQSA
» Magazine Fly Fusion hiver 2011.
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