Montage d'une Mouche à Saumon en Plume Simple La « Mitchell »

Avant-propos

     Combien de saumoniers hésitent à fabriquer une mouche à saumon classique sous prétexte de sa complexité? La réponse est simple, la plupart des monteurs d'artificielles appréhendent le montage d'une classique parce qu'ils croient que la composition de leurs ailes en plumes est un mystère réservé exclusivement à l'élite. Sans vouloir prétendre que la fabrication d'une mouche à saumon classique est chose simple, il existe néanmoins quelques petits trucs de base qui en facilite grandement la confection. La connaissance de ces «secrets» nous apprend à travailler une grande diversité de matériaux couramment utilisés dans la confection de tout type d'artificielle, telle la Blue Charm, en passant par la réputée Silver Rat à la fameuse Jock Scott.

     Lisez attentivement chacune des étapes du montage de la «Mitchell». Recommencez une, deux et même plusieurs fois chacune des composantes lorsque leur disposition ne vous satisfait pas entièrement. La patience et la recherche du détail sont vos principaux atouts...

     C'est donc avec grand plaisir que vous est présenté ce modeste travail. Une première partie vous est présentée dans ce numéro et la seconde partie sera présentée dans le numéro de janvier.

1. Introduction

Montage d'une Mouche à Saumon en Plume Simple La Mitchell
     Selon le docteur Joseph D. Bâtes (Bâtes, J.D. 1971. Atlantic Salmon Flies and Fishing, Stackpole Edition, 362 p.), il y a déjà longtemps que nos ancêtres se sont intéressés à fabriquer des mouches à saumon. Initialement, elles auraient d'abord été développées pour le brochet, à la façon de nos streamers modernes. Lorsque les mouches à saumon ont pris leur véritable identité au siècle dernier, elles employaient déjà un style à l'allure allongée, flamboyantes de tous les amalgames de teintes et de couleurs possibles telles les Durham Ranger, les Red Sandy, les Maclntyre et l'éblouissante Chatterer, dont la complexité n'a d'égal que l'ingéniosité dont ont fait preuve leurs créateurs: irlandais et britaniques. Et imaginez-vous qu'ils ne possédaient alors comme outils pour les fabriquer que leurs seules mains.

     La tradition des mouches à plumes vient de ce que l'utilisation des poils et fourrures en général était méconnue des monteurs à cette époque, et que l'emploi de matériaux divers aussi splendides que rares dans certains cas consistait principalement en des plumes d'oiseaux d'outre-mer. Cet héritage, des hommes comme Haie, Kelson, Pryce Tannat et plus près de nous Alcott, Glasso et Boyd ont voulu l'immortaliser.

     Évidemment peu nombreux demeurent les artisans qui pèchent encore ces merveilleuses mouches toutes montées de plumes, remplacées de nos jours par les modèles en poils auxquels on reconnaît une plus grande efficacité. Mais la beauté de ces grandes classiques incite de plus en plus d'adeptes à les fabriquer, ne serait-ce que pour les mettre en montre dans un cadre mural. Leur montage demande toutefois une bonne maîtrise des techniques de base simples, un art qui facilite également le montage de tout autre type de mouches artificielles.

     C'est cet art mystérieux que nous vous invitons à découvrir aujourd'hui. Pour éviter les longues heures que nécessiterait le montage d'une Jock Scott, nous nous sommes limités à présenter la «Mitchell», une mouche simple à plume.

2. Bref historique

     Selon l'ouvrage de Bâtes (1971), la Mitchell a été conçue en 1887 par Archibald Mitchell, originaire de Norwich au Connecticut (E.U.). Il aurait eu l'idée de sa création en pensant qu'une mouche très foncée fournirait possiblement de bons succès à la pêche au saumon sur la rivière Penobscot (Maine). A son origine la mouche ne possédait pas une section arrière du corps en floche jaune or mais plutôt un bout en floche rouge uniquement. La «Mitchell» est la mouche favorite des Terreneuviens et se monte généralement avec quelques légères variations sur des hameçons de grosseur no. 6 ou 8.

Toilette de la «Mitchell »
3. Toilette de la «Mitchell » (Source : selon Bâtes (1971)

     - Hameçon (hook) : #2 à 8.

     - Ferret (tag) : Trois (3) jours de tinsel oval argent fin.

     - Bout (tip) : Deux (2) tours de floche jaune or (très petit).

     - Queue (tail) : Une crête de Faisan doré, au-dessus de laquelle on place quelques fibres de Blue Chatterer (ou martin-pêcheur). Les fibres seront substituées par du hackle bleu.

     - Couronne (butt) : Autruche noire.

     - Corps (body) : Deux (2) ou trois (3) tours de floche jaune or, au-devant de laquelle on monte une seconde couronne d'autruche rouge. Le reste du corps (environ les 4/5) est conçu de floche noire.

     - Côtes (ribbing) : Cinq (5) tours de tinsel oval argent (fin pour hameçons 2 à 8 et moyen pour le 2/0 sur la floche noire.

     - Gorge (throat) : Une pincée éparse de hackle teint de jaune montée au-dessous de la hampe de l'hameçon, recouvert au-devant de trois (3) tours de hackle noir monté en collerette, descendu vers le bas et écrasé vers l'arrière.

     - Ailes (wings) : Deux (2) sections de plume d'ailes de corbeau, de cygne, d'oie ou de canard teintes noires.

     - Épaules (shoulders) : Coq de Sonnorat assez long.

     - Joues (cheeks) : Plume de Blue Chatterer ou de martin-pêcheur.

     - Coiffe (topping): Crête de Faisan doré.

     - Tête (head) : Fil de nylon tressé noir (8/0) dont la partie arrière est laquée d'une bande rouge claire.

4. Composantes et proportions

     Nous nous sommes permis de traduire et synthétiser quelques lignes de l'ouvrage de Jorgensen (1971, P. 1978. Salmon flies, their character, style and dressing. Stackpole édition, Harrisburg, Pennsylvania. 256 p.) afin que vous soyez en mesure de bien saisir les éléments propres aux mouches à saumon classiques. Le volume de Poul Jorgensen est l'un des bons ouvrages actuellement disponibles qui décrit les techniques de montage avec justesse, de façon complète et adéquate. Ceux qui désirent acquérir les techniques les plus traditionnelles du montage des classiques pourront se référer à l'ouvrage de Pryce-Tannat, T.E. (1914. How to dress salmon flies. A & C. Block édition, 3e édition (1977), London, 289 p.)

5. Technique de montage

     Cette section livre essentiellement les procédures à suivre pour bien réussir chacune des composantes du modèle de la «Mitchell». Il en existe bien d'autres, mais votre propre apprentissage ne saurait mieux vous laisser les découvrir.

5.1 Filage de fond

     Pour assurer une parfaite symétrie du corps de la mouche il est primordial que les tours de fil qui vous permettent de vous rendre de la tête à la section postérieure de l'hameçon soient serrés et non pas espacés. Cette procédure peut paraître ennuyante surtout si vous utilisez du fil 14/0, mais elle demeure l'une des pratiques correctes qui à la base vous permettra d'obtenir un corps parfaitement uniforme (sans bosses), surtout lorsque celui-ci est constitué de tinsel plat.

     À l'avant, partez toujours votre fil de l'endroit où se terminera le fuseau de la tête, c'est à dire environ trois ou quatre tours (fil 8/0) de la courbure de l'oeil. Serrez bien la seconde tige de l'oeil qui se prolonge vers l'arrière contre la hampe principale de l'hameçon en vous servant de vos doigts pendant l'enroulage du fil.

     Ne faites jamais de va-et-vient avec votre fil au cours de cette première étape. Respectez autant que possible cette façon de faire tout au long du montage de votre mouche. Ceci évitera de créer inutilement de petits reliefs apparents sur le corps.

     N'oubliez pas d'arrêter au centre de la hampe afin de poser le tinsel qui sert à confectionner le ferret.

5.2 Le ferret

     Il est exceptionnel que le ferret ne soit pas fabriqué avec du tinsel. Pour cette composante, le tinsel oval ou plat doit d'abord être apposé au centre et au-dessous de la hampe de l'hameçon. La technique la plus facile pour réaliser cette étape consiste à replier le tinsel sur lui-même autour du fil, à tenir fermement le tinsel entre l'index et le pouce, puis à replier à son tour le fil sur le tinsel en portant le support de la bobine au-dessus de l'hameçon. Il suffit ensuite de laisser glisser lentement le tinsel sous la hampe en tirant graduellement le support de la bobine vers le haut. Relâcher la section avant du tinsel et barrez le de trois ou quatre tours de fil. Assurez-vous que le surplus du tinsel est suffisamment long pour rejoindre le bout de la tige secondaire de la hampe. Cette dernière méthode est celle que vous pourrez adopter pour apposer sur l'hameçon tout autre matériau, tel le tinsel, floche ou laine qui entrent dans la composition du bout, de la couronne du joint, du corps, des côtés et parfois de la tête. Coupez toujours le surplus de ces matériaux au niveau du bout de la tige secondaire de la hampe. Ils créeront ainsi une bourrure contribuant à grossir sensiblement le corps de la mouche.

     Ceci dit, tenez votre tinsel vers l'arrière en droite ligne avec la hampe, à 45° vers le bas par rapport à l'hameçon et continuez à rouler le fil jusqu'au niveau de l'aisselle de l'ardillon. Le tinsel sera alors parfaitement centré en dessous de la hampe.

     Revenez un peu vers l'avant avec le fil en faisant toujours des tours serrés, sans espacement. En principe, vous devriez toujours suivre cette précaution tout au long de la fabrication de votre mouche.

     Roulez ensuite en vous dirigeant vers l'avant trois tours de tinsel, un tour sur l'hameçon nu et les deux autres sur le fond de fil et barrer le directement sous l'hameçon en tirant légèrement sur le tinsel que vous maintiendrez ici de votre main droite (même façon pour les gauchers) en direction de votre abdomen. De l'ongle du pouce, resserrez bien les tours du tinsel, puis enduisez d'une goutte de colle.

     Enfin, portez le fil jusqu'au niveau de la pointe de l'hameçon. Pour la «Mitchell», le fil s'arrête un peu avant d'atteindre la pointe si on veut respecter fidèlement la toilette donnée dans l'ouvrage de Bâtes (1971).

     Lorsque le ferret est en continuité avec le bout, comme dans le montage d'une Durham Ranger, on utilise normalement un tinsel plat attaché à la hauteur de la pointe de l'hameçon. Il est d'abord enroulé vers l'arrière par-dessus le fond de fil et couvre à l'extrémité postérieure du filage une infime portion de l'hameçon nu, puis reconduit à son départ. Notons ici que chaque tour de tinsel doit se suivre parfaitement, sans espacement ni superposition, tant à l'aller qu'au retour. Cette façon de faire doit aussi être respectée lorsque le corps est conçu de tinsel plat. Il est préférable d'appliquer de la colle en utilisant un petit pinceau ou les doigts pour préserver le lustre brillant du tinsel.

5.3 Le bout

     Le bout est le plus souvent composé d'une floche de couleur diverse. La floche à quatre brins est sans doute la plus appropriée puisqu'en général elle s'étend beaucoup plus uniformément. On la monte exactement de la même façon qu'un tinsel plat.

     Pour bien réussir une section de floche, on doit l'enrouler de manière à ce que les quatre brins soient bien visibles à l'oeil, c'est à dire tous côte à côte, jamais entortillés.

     On attache et barre toujours la floche au-dessous de la hampe. Il est recommandé de toujours effectuer un noeud simple pour sécuriser l'attache d'un matériau quelconque. Cette façon de faire est plus particulièrement conseillée pour toutes les composantes qui servent à la confection des ailes, du dubbing et tout autre matériau rigide comme les hackles, les tinsels, les crêtes, etc. Ceci vous évitera de subir de très désagréables expériences.

     Finalement, une floche entièrement uniforme est obtenue en glissant sur toute son étendue un objet dur, lisse et rond. Un stylo de plastique fait très bien l'affaire. La technique consiste à effectuer un mouvement de va-et-vient avec le stylo maintenu perpendiculairement à la portion de floche, tout en appliquant une légère pression. Aux endroits où apparaissent des reliefs plus prononcés on applique une plus forte pression.

     Il est conseillé d'adapter la technique que nous venons de décrire pour réaliser toutes les parties du montage qui nécessitent l'application de la floche, exception faite des voiles si il y a lieu.

5.4 La queue

     En général, la queue est invariablement montée d'une crête de faisan doré. Comme la crête présente très souvent une courbure naturelle non conforme (déviée, désaxée ou irrégulière) on doit la préparer avant de la monter sur l'hameçon. Cet exercice peut être réalisé simultanément avec un grand nombre de crêtes, parmi lesquelles certaines pourront être utilisées comme substitut au montage des voiles et les plus longues sélectionnées pour la coiffe.

     En premier lieu on trempe toutes les crêtes dans un contenant d'eau froide ou tiède. Evitez le séjour dans l'eau bouillante qui provoque l'écartement et la courbure des fibres vers l'extérieur plutôt que dans l'axe convexe de la tige. Ensuite, on fait sécher les crêtes étirées sur un objet courbé, une bouteille de vin par exemple. Laissez sécher graduellement à la température de la pièce jusqu'à ce que les crêtes soient complètement sèches.

     Pour la queue, la longueur de la crête à choisir se mesure de la pointe jusqu'à la limite où l'on observe une décoloration marquée de fibres situées à la base de la plume. La longueur doit être équivalente à une fois et demi l'ouverture de l'hameçon.

     Toutes les précautions permettront ainsi de bien centrer la crête dans l'axe de l'hameçon, sans qu'elle ne s'écarte vers la gauche ou la droite. Posez la crête sur le dessus de l'hameçon. Si elle dépasse la courbe de l'hameçon, c'est qu'elle est trop inclinée vers le bas. Pour corriger cette situation, créez un fuseau avec le fil avant de placer la crête, ce qui aura pour effet de remonter le bout de la queue. Ne passez pas de tours de fil derrière la crête après qu'elle soit posée. Coupez le surplus de la tige qui dépasse. Afin de rassembler davantage les fibres de la crête il suffit d'écraser délicatement la base de la queue en se servant d'une petite pince pointue. On pourra également faire usage de cette procédure afin de mieux resserrer les ailes l'une contre l'autre.

     Lorsque d'autres matériaux sont ajoutés à l'assemblage de la queue, ils doivent la plupart du temps être superposés à la crête. La queue de la «Mitchell» requiert ainsi quelques plumes de martin-pêcheur (ou pointes de hackle bleu). Deux plumes suffiront. Cependant, elles peuvent être montées de part et d'autre de la crête et suivre l'axe ascendant de la queue, en s'assurant que le dos des plumes est orienté du côté extérieur. Lorsqu'une seule plume est employée, elle est superposée à plat sur la crête et montre le dos sur le dessus.

5.5 La couronne

     La couronne suit immédiatement la queue et demande habituellement l'emploi de plume d'autruche, de laine ou de fourrure de phoque de teintes diverses.

     Pour les couronnes ou les joints, les fibres d'autruches doivent être orientées vers l'arrière. Ce sont les caractéristiques des plumes d'autruche plutôt que la façon de les monter qui nous permettent de fabriquer ainsi les couronnes. En effet, les fibres de plumes d'autruches possèdent une inclinaison naturelle par rapport à la tige. En les examinant à la loupe on remarquera que leur orientation s'apparente à un «V». Ce type de plume est très fragile et sa manipulation doit être délicate.

     Quand on place les fibres d'autruches, on doit donc toujours s'assurer qu'elles sont dirigées vers l'arrière. La plume est d'abord attachée par sa pointe effilée au-dessous de la hampe en orientant les fibres vers le haut. Une fois bien barrée, on coupe le surplus et on fixe à l'autre extrémité une pince à hackle. Il est préférable de choisir une pince délicate, de type Thompson par exemple, pour prévenir de casser la plume. Trois tours de fil sont ensuite enroulés à l'hameçon et recouvert de trois tours de plume d'autruche en prenant bien soin de juxtaposer très étroitement chacun des tours de la plume, qui en aucun cas ne doit passer par-dessus le ou les tours précédent. On sécurise sous la hampe les trois premiers tours de la plume avec un seul tour de fil, puis on poursuit l'enroulage jusqu'à ce qu'on obtienne une couronne assez dense.

     La couronne ou le joint requiert six à neuf tours de plume d'autruche dépendamment de la grosseur de l'hameçon et de la densité des fibres de la plume employée. Il est suggéré de barrer l'autruche à tous les trois tours afin d'éviter que la plume ne glisse vers l'avant durant son montage ou plus spécifiquement qu'elle ne se casse à la pêche. On conseille également de maintenir les fibres vers l'arrière avec le pouce et l'index entre chaque tour si l'on désire obtenir une couronne bien orientée, dense et régulière.

     La laine est montée de façon analogue à la floche. Lorsque la fourrure de phoque entre dans la composition de la couronne ou du joint, celle-ci est appliquée en pratiquant la technique du «dubbing» que nous aborderons plus loin.

5.6 Le corps

     Dans le dernier numéro, nous avons décrit certaines techniques pour la confection des composantes précédentes, que vous avez maintenant l'occasion d'essayer au cours du montage du corps de votre mouche.

5.6.1  La floche

     Pour la «Mitchell». la première étape consiste d'abord à fabriquer une portion de floche de la même couleur que celle que vous avez choisie pour la composition du bout. Cette portion suit immédiatement la couronne et couvrira environ le 1/5 de la longueur du corps mesurée de la couronne jusqu'à la position postérieure de la tête. En référence, indiquons que sur un hameçon régulier no 2/0 de marque Mustad la longueur du corps mesure environ 23 mm, alors que sur un modèle Partridge de même grosseur, elle est approximativement de 25 mm.

     Avancez votre fil jusqu'à l'emplacement où débute la section de floche en prenant la précaution de toujours faire suivre les matériaux de surplus en droite ligne avec l'axe de la hampe de l'hameçon. Ensuite, fabriquez la portion de floche de la même façon que vous avez conçu le bout.

5.6.2  Le joint

     La confection du joint est l'étape suivante. Complétez d'abord sept à neuf tours de fil et attachez la laine rouge. Pour enrouler la laine, la procédure à suivre est semblable à celle qui fut utilisée pour la floche. Dépendamment de la grosseur que l'on désire mettre en évidence, l'enroulage de la laine se fera plus ou moins étroitement. Ainsi, un joint plat (bas) sera obtenu si les tours de laine sont espacés et plus gros (haut) s'ils sont rapprochés. Si vous désirez obtenir un joint encore plus gros vous pouvez superposer quelques tours de laine supplémentaires. Un joint d'autruche se monte comme une couronne confectionnée du même matériel.

     Il ne reste plus qu'à placer le tinsel oval au-dessous de la hampe le plus près possible du joint avant de passer à la prochaine étape.

5.6.3 Le dubbing

     Nous avons remplacé la dernière section du corps de la «Mitchell» habituellement conçu de floche par de la fourrure de phoque, dans le but de vous permettre d'expérimenter la technique du dubbing. La fourrure de phoque est en effet un matériel très souvent utilisé dans les mouches classiques à plume.

     Avant de débuter, effectuez un noeud. Enduisez généreusement le fil de cire adhésive sur une longueur de 10 cm environ. Appliquez ensuite une portion de fourrure noire perpendiculairement au fil, de manière à ce qu'elle soit parsemée sur la partie du fil qui est la plus près de l'hameçon et graduellement plus dense à mesure que vous vous rapprochez du support de la bobine. Cette dernière disposition permet d'accentuer l'allure fusiforme du corps terminé. Placez votre index sur le fil au bas de la fourrure, et repliez le fil par-dessus votre doigt et la fourrure pour rejoindre l'hameçon. Barrez ensuite le fil de la même manière qu'un noeud de départ sur l'hameçon nu et substituez le doigt qui maintient le montage en position par une pince à hackle ou un outil conçu spécialement à cet effet. Les poils trop longs doivent être enlevés ou replacés. Coupez ensuite la fourrure de chaque côté de façon à obtenir la forme d'un arbre, ce qui aura pour effet de créer un corps d'apparence fusiforme. Avec l'outil, faites tourner le montage sur lui-même jusqu'à ce qu'il forme un cône et que les poils de la fourrure puissent être difficilement extractibles.

     Portez votre fil jusqu'à l'emplacement de la tête et commencez à enrouler la fourrure de phoque, que vous maintiendrez vers l'arrière entre votre index et le pouce à chaque tour. Ceci aura pour effet de diriger les poils par-derrière, comme l'autruche. Encore ici, il importe de souligner qu'en aucun cas, l'enroulage ne doit se superposer, sauf au début. Terminez le dub-bing au niveau de la partie postérieure de la tête et sécurisez le montage d'un noeud simple.

5.6.4 Les côtes

     Passons maintenant à la pose des côtes. Parce que les tinsels ont tendance à ternir en vieillissant on recommande normalement de protéger leur lustre brillant en appliquant de la colle avant d'enrouler le tinsel sur le corps de la mouche. Une ou deux gouttes de colle peuvent être étendues avec le poinçon que l'on fera glisser en retenant fermement le tinsel vers le bas. Laisser sécher complètement la colle avant d'installer le tinsel.

     Selon la norme reconnue, les côtes sont constituées de cinq tours de tinsel sauf lorsque le corps est composé de plusieurs sections indépendantes. A l'aide d'un poinçon, maintenez les poils de la fourrure de phoque vers l'avant aux endroits où passe chaque tour de tinsel. Cette opération doit être effectuée simultanément à l'enroulage du tinsel. Il est préférable aussi de ne pas mettre trop de pression sur le tinsel pendant l'installation, afin d'éviter de créer des sillons sur la floche ou de déformer le dubbing advenant le cas où les côtes doivent être reprises. Cette pression pourra être appliquée de façon modérée lorsque les côtes seront bien positionnées, c'est-à-dire équidistantes l'une par rapport à l'autre, en tirant de la main droite l'extrémité du tinsel vers soi, tout en guidant les segments déjà enroulés avec l'index et le pouce de la main gauche. Attachez bien le tinsel au-dessous de l'hameçon et coupez le surplus. Retirez les poils qui sont pris sous les côtes en vous servant du poinçon. Finalement, amenez tous les poils à s'orienter obliquement vers l'arrière et vers le bas tout en les écrasant contre l'hameçon entre l'index et le pouce.

5.7 Le jabot (ou gorge)

     La confection du jabot de la «Mitchell» requiert l'usage de deux méthodes différentes que nous apprendrons ici à maîtriser pour poser les hackles. L'une des méthodes consiste à simplement fixer les fibres de hackles sous l'hameçon et l'autre, à enrouler un hackle autour de l'hameçon pour former ce qu'on appelle une collerette.

     Ces deux méthodes seront examinées à tour de rôle en commençant par l'installation des fibres de hackle jaune, puis par la confection d'une collerette de hackle noir.
Les hackles sélectionnés pour la fabrication d'une gorge proviennent ordinairement de selle de coq qui possèdent des fibres duveteuses et molles, contrairement aux hackles de cou plus rigides et luisants, réservés à la confection des mouches sèches.

     Au cours des prochaines étapes, réduisez au maximum l'enroulage du fil si vous désirez obtenir une petite tête.

5.7.1 Gorge sous-jacente

     Choisissez d'abord un hackle jaune approprié dont les fibres présentent une longueur égale à une fois et demie l'ouverture de l'hameçon. Pour préparer le hackle avant de le poser, ramenez les fibres perpendiculairement à la tige en glissant à rebrousse-poil la plume entre votre index et le pouce. Coupez la pointe et enlevez les fibres trop duveteuses rencontrées à la base de la tige. Il est conseillé de ne conserver que la portion nécessaire à la confection. La «Mitchell» ne demande qu'une mince pincée de hackle jaune. Séparez en deux parties égales la portion conservée en ramenant les fibres du haut à leur position normale et en repoussant davantage les fibres du bas vers l'arrière.

     Installez le hackle au-dessous de l'hameçon en prenant soin de laisser la courbure naturelle des fibres s'orienter vers le haut. Il suffit de rouler trois tours lâches de fil à l'endroit qui délimite les deux sections distinctes de la plume préparée.

     Tirez doucement le hackle vers l'avant en maintenant délicatement les fibres de part et d'autre contre le corps de la mouche entre l'index et le pouce de la main gauche, jusqu'à ce qu'elles atteignent la longueur recherchée. De l'ongle du pouce, apportez une pression sur le fil lâche au-dessous de l'hameçon et faites glisser le pouce de gauche à droite pour écarter un peu les fibres.

     Serrez le fil et examinez l'inclinaison des fibres par rapport au corps. Elles doivent montrer un angle de 45 degrés environ. Si les fibres sont accolées au corps, on peut créer un fuseau avec le fil avant de fixer le hackle. Si elles sont trop inclinées vers l'avant, on peut écraser davantage les fibres en roulant quelques tours de fils vers l'arrière, en autant que cette opération ne modifie pas la bonne proportion de la mouche. Lorsque la position est correcte, effectuez un noeud simple et coupez le surplus.
Enlevez maintenant la partie haute triangulaire de la section de plume que vous venez de couper. Placez ensuite les fibres de l'une des moitiés de cette plume sur le côté de l'hameçon en ajustant la longueur et l'angle des fibres dans la même orientation que la gorge déjà en place. Servez-vous de votre main gauche en maintenant la plume contre l'hameçon entre le pouce et l'index, et attachez les fibres avec le fil. Coupez la dernière section de plume complémentaire, que vous conservez pour la placer de l'autre côté de la tête en répétant exactement les mêmes opérations.

5.7.2 La collerette

     La formation d'une collerette est une technique relativement simple. La préparation du hackle se fait selon la procédure que nous avons décrite pour le hackle jaune, sauf que la pointe demeure et qu'il n'est pas divisé en deux sections distinctes. Puisque la plume est attachée par la pointe, il faut couper quelques fibres du haut avec des ciseaux pour favoriser une bonne emprise au fil et éviter que le hackle ne glisse au cours de sa manipulation.

     Fixez sous l'hameçon la plume ainsi préparée et installez une pince à hackle à l'autre extrémité. Assurez-vous que la face luisante de la plume est orientée vers l'avant ou le bas. En vous servant de la pince à hackle, maintenez le hackle au-dessus de l'hameçon. De l'autre main, entre le pouce et l'index généreusement humectés de salive, repliez les fibres sur elles-mêmes vers l'arrière et perpendiculairement à la tige de la plume. Lorsque cette opération est terminée, enroulez quelques tours de hackle autour de l'hameçon exactement comme nous avons procédé pour le dubbing en fourrure de phoque. Sécurisez bien l'attache finale du hackle et coupez le surplus.

     Du pouce et de l'index, les fibres sont ensuite écrasées vers l'arrière et le bas. Le fil est enroulé par-dessus les fibres afin qu'elles maintiennent cette position, dans le même angle que les fibres jaunes sous-jacentes.

5.8 Les ailes

     Maintenant que vous avez appris à bien fabriquer le corps de votre mouche, nous passons à l'étape qui témoigne le plus de la réussite d'une classique: les ailes. Comme il a été mentionné dans la section de la toilette, les ailes que nous fabriquerons ici, seront légèrement modifiées pour vous permettre de devenir plus familier avec le mariage des plumes et concevoir des ailes composées de tout niveau de complexité.

     La première étape consiste à préparer les ailes. La composition des ailes doit en effet être effectuée avant la pose sur l'hameçon. La hauteur des ailes principales doit présenter une largeur moyenne égale à la moitié de l'ouverture de l'hameçon. Sur un hameçon de grosseur 2/0, cette règle demande l'utilisation de sections de plume contenant de 20 à 25 fibres. Pour fabriquer les ailes d'une mince bande bleu pâle superposée à la bande noire principale, nous prendrons environ cinq fibres d'ailes bleu pâle et 20 fibres d'ailes noires.

     Coupez d'abord les bandes individuelles sur le côté (intérieur ou extérieur) d'une aile gauche et droite appariées où les fibres sont les plus longues, pour chacune des deux couleurs requises. Afin d'éviter de mélanger les sections de couleurs provenant des ailes gauches à celles des ailes droites, disposez séparément les bandes selon leur provenance respective sur la table devant vous.

     Les plumes d'ailes de dinde, d'oie, de cygne ou de tout autre oiseau se soudent ensemble comme une fermeture éclair, de la même façon que l'illustrent deux peignes imbriqués ensemble. Avant de marier les bandes de plumes entre elles, courbez-les légèrement vers le bas (sur le sens de la longueur). Tenez ensuite l'une des bandes noires par le centre entre le pouce et l'index, en prenant la précaution de toujours les maintenir dans la position où elles se présenteront une fois montées sur l'hameçon. Apposez la bande bleue correspondante par-dessus. Le mariage des deux sections ainsi superposées se réalise en flattant de droite à gauche, entre le pouce et l'index de la main gauche, les deux bandes maintenues par la main droite (vice-versa pour les gauchers). Lorsque le mariage des deux ailes est complété, courbez de nouveau les ailes.

     Pour fixer les ailes dans une bonne position, il suffit d'accoler chacune des sections d'ailes à 45 degrés sur le côté de l'hameçon, que vous immobiliserez fermement entre le pouce et l'index de la main gauche. Enroulez un tour lâche de fil autour des ailes et de l'hameçon et commencez à resserrer doucement le fil en maintenant correctement la position des ailes jusqu'à ce qu'elles soient bien écrasées sur le dessus de l'hameçon. Avant de relâcher la pression sur les ailes, effectuez trois ou quatre tours de fil enroulés de manière identique au premier tour. Vous pouvez maintenant glisser légèrement le pouce et l'index vers l'arrière et effectuer une dizaine de tours de fil. La plupart du temps, les ailes auront une bonne position si elles couvrent à l'emplacement de la tête le quart supérieur de l'hameçon. Faites un noeud, puis coupez le surplus de matériel en maintenant fermement les ailes, et appliquez une goutte de colle.

     Afin d'obtenir une tête fuselée, plus petite et mieux proportionnée, utilisez une lame de rasoir pour éliminer davantage le surplus. Il est conseillé de le faire en pratiquant des incisions obliques et en ayant soin d'éviter de couper le fil.

5.9 Les épaules

     Nous parlerons surtout ici de la préparation des plumes, puisque le montage des épaules s'avère chose relativement simple, qui dépend de chaque nouvelle mouche fabriquée.

     Choisissez deux plumes de coq de Sonnerat, l'une à gauche et l'autre à droite d'un camail. Si vous possédez seulement des plumes individuelles, sélectionnez les plumes qui présentent également une courbure naturelle opposée. Mesurez la longueur des plumes afin qu'elles atteignent sur le côté des ailes la position de la couronne. Avec des ciseaux fins, enlevez uniquement la portion de fibres en surplus de la longueur mesurée et conservez toute la longueur de la tige.

     En principe, une plume bien choisie doit exhiber entièrement les trois plaques blanchâtres qu'elle comporte. Leur installation s'effectue individuellement à 30 degrés par rapport à l'hameçon de telle sorte qu'elles se rangent directement au centre des ailes principales.

5.10 Les joues

     Les plumes employées, soit du martin-pêcheur, soit des pointes de hackle blanc, sont préparées de la même façon que le coq de Sonnerat. Elles sont placées directement par-dessus les matériaux des épaules qu'elles couvriront de moitié.

5.11 La coiffe

     Invariablement constituée d'une longue crête de faisan doré, la coiffe peut se mesurer en retenant la base de la tige avec une pince à sourcil. Pour prendre la longueur, on appuie la plume dans sa position anticipée contre l'hameçon. On casse ensuite la tige à l'endroit désigné où elle sera attachée à l'hameçon en utilisant la pince à sourcil. Puis on coupe les fibres en surplus sur la tige.

     Pour fixer la crête, il suffit premièrement de la placer dans la position recherchée au-dessus des ailes à l'aide de la pince à sourcil. Maintenez-là ensuite dans cette position avec le pouce et l'index de la main gauche qui envelopperont également les ailes. Enroulez plusieurs tours fermes de fil sur la base de la tige et faites un noeud. Pour couper le surplus de la tige, reprenez l'emprise recommandée plus haut et utilisez une lame de rasoir avec laquelle vous pratiquerez une incision à l'oblique.

5.12 La tête

     Plusieurs monteurs réalisent à tort cette dernière composante sans attention. Pour former une tête régulière sans relief disgracieux, il existe une seule façon de procéder. Seule la direction avec lequel le fil est enroulé sur l'hameçon peut différer selon les monteurs.

     Pour ma part, je suggère de remonter le fil sur les matériaux des ailes et de la gorge plutôt que de le descendre vers l'oeil de l'hameçon. Ce choix s'appuie d'une constatation vécue: éviter que le fil ne glisse sur les matériaux lors de la descente vers l'oeil.

     D'abord, partez le fil à proximité de l'oeil de l'hameçon en laissant un espace suffisant au devant pour y attacher un monofilament. Puis commencez à rouler le fil fermement en remontant vers l'extrémité postérieure de la tête. Assurez-vous que les endroits creux soient bien remplis et tentez autant que possible de juxtaposer graduellement chaque tour de fil dirigé vers l'arrière par la suite. Le noeud de finition est effectué à environ 1 mm de l'extrémité postérieure de la tête. L'espace à combler pour terminer la tête est occupé par un brin monocorde ou une petite laine de couleur rouge qui exprime la signature de la mouche. Si vous préférez appliquer de la laque rouge, le fil noir doit être enroulé jusqu'au bout de la tête. Tirez légèrement sur le fil au moment où vous le sectionnez, celui-ci disparaîtra sous l'enroulage final.

     La dernière étape consiste à laquer le fil de trois ou quatre couches minces de colle. Pour prévenir l'apparition de petites bulles dans la laque, laissez sécher la colle au moins un quart d'heure entre chaque couche.

     Utilisez le poinçon pour réajuster correctement la position des matériaux déplacés sur la mouche, spécialement la coiffe ou l'autruche.

     Et voilà, votre «Mitchell» est terminée! N'est-elle pas superbe? Dans l'affirmative, la confection d'une Jock Scott est maintenant à votre portée.

6. Conclusion

     Vous venez de réaliser le montage d'une mouche classique en utilisant une procédure adéquate. Ce ne sont là que quelques-uns des petits trucs qui sont utilisés dans la confection de mouches classiques, mais ils fournissent néanmoins la base à la réalisation de mouches plus complexes. Étudiez-les, pratiquez-les et développez-en d'autres mieux adaptés à votre façon de monter. Voilà la meilleure façon de garantir une réussite assurée.

références

» Texte et photo par Frédéric Lévesque
» Salmo Salar #10, Automne 1987 & Hiver 1988.
Page 16 sur 18