Le Saumon de Retour en Rivière

    Le saumon anadrome ne fréquente pas habituellement les mêmes lieux que la truite mouchetée qu'on trouve dans nos rivières, dans les endroits ombragés, les trous profonds en bordure des crans et sous les corps morts des arbres ou des arrachis. Salmo-salar a ses stations ou relais de repos bien à lui et qu'on désigne sous le nom de fosse ou pool; il arrivera très rarement de le découvrir ou de le capturer ailleurs en rivière durant sa montée.

     On peut dire qu'il y a deux sortes de fosses principales - les fosses transitoires ou de repos (resting pool) et les fosses de 'séjour (holding pool); il demeurera souvent plus longtemps dans ces dernières et il lui arrivera même d'y rester en permanence pour y frayer si les conditions s'y prêtent. À l'eau basse, durant la période des chaleurs et à la mi-été, lorsqu'il est encore actif et en mouvement, on le verra occasionnellement fréquenter des petites pièces d'eau au pied de chutes ou de cascades où l'eau plus oxygénée le retiendra pour quelque temps. Son stage dans les fosses se fait par étapes et les endroits ainsi que la durée du séjour varient selon plusieurs facteurs, entre autres, la distance de la fosse en rapport avec l'estuaire et le niveau du débit de la rivière. Sa première pause se situe habituellement dans le « ciré » à l'entrée et il y passera plusieurs heures avant de pénétrer plus profondément à l'intérieur; ici, il se reposera plus longuement - plusieurs jours même - tout en changeant graduellement de « couche » pour enfin se diriger à la tête du pool (au pied du rapide) où il s'immobilisera encore quelque temps avant de continuer son voyage en amont, lequel le conduira là où il doit frayer.

    Certains secteurs de l'estuaire et en amont jusqu'au niveau des marées - là où l'eau salée se mêle à l'eau douce - peuvent parfois donner d'heureux résultats à la pêche à la mouche. Toutefois, il faut dire que ça prend une certaine expérience - je devrais dire patience! - car il est difficile de découvrir les endroits où reposent et circulent les saumons. Il ne faut pas trop se fier non plus au mouvement des marées car le saumon fait souvent la navette : c'est-à-dire entre en eau douce - question de s'acclimater - et retourne plus bas en aval pour enfin revenir en eau douce entreprendre sa montée nuptiale. Quelques estuaires se prêtent mieux que d'autres à la pêche à la mouche et on devrait tenter sa chance partout lorsque l'occasion se présente - ça peut apporter d'agréables surprises! - Il est évident qu'on ne peut espérer capturer du saumon durant toute la saison dans les eaux à marée. Il faut y faire la pêche lorsque le saumon fait son apparition au début de la saison alors que les migrations sont importantes. Il existe parfois des fosses qui semblent avoir des caractéristiques idéales pour le saumon, mais pour des raisons que l'on ignore, le saumon s'y arrête très rarement. Ces mêmes fosses, qu'on croit parfaites pour la pêche, donneront quelquefois des résultats au début de la saison à l'eau haute, mais s'avéreront non productives pour le reste de la saison. On se demande pourquoi le saumon ne séjourne pas dans toutes les fosses d'une certaine importance! C'est sans doute une question d'hydraulique : mouvement des eaux ainsi que les résistances qui s'opposent au saumon face au courant. Ces courants particuliers sont formés selon le degré d'importance de l'écoulement en relation avec la conformation du lit de la rivière.

Comment lire une fosse :

Choix de mouches
     Comme on a vu, le saumon ne se cache pas et le soleil ne le dérange aucunement; si l'eau est limpide, il sera facile à repérer à la grandeur de la fosse. Lorsque le soleil plombe sur la fosse, l'utilisation de verres fumés (Polaroid) rend la tâche beaucoup plus facile. À l'eau haute, ou à la suite de pluies abondantes, le saumon est plus difficile à localiser et il s'agit à ce moment-là de « balayer » la fosse à la grandeur à partir de la tête lorsque vous pêchez à la mouche noyée et le contraire lorsque vous utilisez la mouche sèche, c'est-à-dire d'aval en amont. Si la présence d'un saumon se fait sentir au centre de la fosse et que vous ne pouvez l'atteindre avec votre mouche, remontez le long du rivage et faites plusieurs présentations à intervalles de 5 à 10 secondes à quelques pieds en avant de l'endroit où vous l'avez vu. Cette méthode est employée couramment par les pêcheurs de Matane à la mouche sèche et donne souvent de bons résultats.

CHOIX DE MOUCHES :

     Au début de la saison de pêche, les premiers saumons arrivés en rivière prennent la mouche plus facilement et le choix des mouches est moins important. Toutefois, il est recommandable d'employer des mouches plus voyantes si l'eau est brouillée, en variant la grosseur des hameçons chaque fois qu'on change de mouche. Le vieux principe pour la pêche à la truite : « ciel bleu, mouche pâle » - « ciel gris, mouche foncée » - s'applique également pour le saumon. Après un séjour de plusieurs semaines en rivière, Salmo-salar devient plus capricieux; il est plus difficile à faire lever et on devra s'armer de patience et l'agacer avec différentes mouches. Il est bon aussi de laisser reposer la fosse et de changer de mode de présentation.

     Vers la fin de l'été, son séjour en eau douce a rendu le saumon plus faible et moins fougueux; il a commencé à rougir et son intérêt pour la mouche se fait de moins en moins sentir. En période d'étiage, on a beaucoup plus de chances de succès en pêchant avec de très petites mouches (nos 12-10-8) ou des « Iow water fly ». Les mouches précitées sont montées sur des hameçons à tige un peu plus longue que celle qu'on retrouve sur les mouches standard. Si vous n'en avez pas, déshabillez une mouche ordinaire en raccourcissant les ailes et en rognant une partie du corps, ce qui dégagera la partie arrière de la mouche. Capturer un saumon à la mouche devient un art que je vous souhaite de connaître et que vous n'oublierez jamais.

Référence

» Texte & Photos: François de Beaulieu Gourdeau (1973).
» Québec Chasse & Pêche.
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